Comme de nombreux domaines, le jeu vidéo a droit à ses bons et ses mauvais coups de comm’. Dans un monde connecté où bad buzz et hype se succèdent à un rythme soutenu, il convient donc de saluer les idées qui sortent du lot et tentent d’offrir de nouvelles voies de communication à un média jeune, que l’on attend logiquement comme à la pointe de l’innovation et de la fraîcheur sur ce plan. Et c’est justement ce qu’a su réaliser Fortnite avec une idée des plus simples : couper ses serveurs non pas pour amorcer les prémices d’une réelle fin, mais bien pour braquer une nouvelle fois tout les projecteurs sur lui afin de teaser la suite des évènements. Un pari réussi.
Cet article entrant dans la rubrique "Débat et opinion", il est par nature subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de Jeuxvideo.com.
Précisons d’emblée, car c’est nécessaire, que je ne suis à l’origine pas du tout intéressé par Fortnite. Préférant le solo ou le coopératif au multijoueur compétitif, l’action-aventure aux shooters, j’ai tout de même lancé quelques parties histoire de ne pas mourir bête et de me faire ma propre opinion à son sujet, mais sans jamais y trouver réellement mon compte. Je ne vais donc pas ici évoquer le jeu en lui-même, mais bien l’intérêt du “Blackout”, l'événement qui s’y est produit le soir du 13 octobre et qui a attiré ma curiosité.
Un message propagé à vitesse grand V
Un bref rappel des faits pour les retardataires ou les plus occupés d’entre vous : ce soir-là, les joueurs de Fortnite ont pu assister à un événement in-game. Jusque là rien d’inhabituel, mais à l’issue d’une succession d’apparition de failles et de fusées dans le ciel, la gravité a décidé de se faire la malle, dévoilant un spectacle étonnant de personnages flottant brièvement dans le ciel qui ont ensuite… disparus après avoir été absorbés, tout comme l’aire de jeu, par un immense trou noir. Il ne restait donc plus que cette image de l’objet céleste, qui est restée en ligne pendant 2 jours en ne laissant que quelques miettes aux joueurs - comme cette ligne de code à déchiffrer - avant de faire place à un Fortnite Chapitre 2 auréolé, entre autres, d’une nouvelle map et d’une refonte de plusieurs de ses mécaniques.
La cinématique du retour de Fortnite, via son chapitre 2
Forcément, la première raison pour laquelle cet évènement est une réussite, c’est qu’il a su de nouveau s’attirer les regards du monde entier. C’était l’un des objectifs visés, et il est accompli : un simple coup d’oeil aux médias généralistes lors des matins qui ont suivis l'événement a permis de constater que tout jeu vidéo qu’il soit - et malgré l’intérêt parfois limité de certains de ces médias pour notre secteur - il s’est invité dans plusieurs chroniques et articles de, citons les pêle-mêle, Ouest France, BFM-RMC, ou encore l’Express. Nous n’irons pas jusqu’à parler de “privilège”, mais pour un événement qui ne concerne pas directement l’annonce ou la sortie d’un jeu, il s’agit tout de même d’un traitement rare qui n’est accordé qu’aux plus gros noms du secteur dont la popularité dépasse la sphère des joueurs aguerris, à savoir les habituels Pokémon, GTA ou FIFA.
Créer une attente et de l'histoire avec une maintenance
Pourquoi un tel succès médiatique ? La méthode employée n’est certainement pas étrangère à cet état de fait. Rappelons déjà qu’Epic Games est coutumier des fins de saison en fanfare sur Fortnite, proposant systématiquement des animations in-game venant habiller les parties et teaser les changements attendus et les nouveautés de la saison à suivre. Mais ajouter à cela une coupure complète du jeu, c’est un cas bien plus rare. Surtout quand la coupure dépasse alors quelques heures et devient de fait plus longue que n’importe laquelle des mises à jour précédentes du jeu.
Réputé pour sa capacité à proposer des évènements dignes de ce nom en jeu, Epic a cette fois su porter son concept en dehors, au risque de frustrer les joueurs. Pour un habitué de Fortnite, ne plus pouvoir accéder à son titre favori pendant deux longs jours peut agacer, mais l’idée a le mérite de limiter cette frustration - car la sortie d’un jeu en partie refondu nécessite forcément une étape de maintenance - en la justifiant par une volonté de narration, même légère, qui s’avère intelligente. De la frustration naît le désir, dit-on, et Fortnite a su s’approprier cette maxime.
Il suffit de jeter un coup d’oeil à la concurrence pour voir que lors de l’arrivée d’une mise à jour, c’est davantage via un trailer ou la sortie d’un patch note que ces titres s’illustrent, une méthode qui semble ici presque trop classique ou dépassée face à celle employée cette fois par Fortnite. Casser les codes habituels de la communication permet justement de détonner dans le paysage, et d’autres avant lui l’ont bien compris et su l’appréhender, comme Rockstar ou CD Projekt via leurs tweets minimalistes teasant il y a quelques années les arrivées de Red Dead Redemption II et le retour de Cyberpunk 2077.
Pour conclure, il convient aussi de rappeler que tout cela n’est pas juste une question de communication externe, mais aussi et surtout un réel moyen d’apporter de la vie à son jeu. S’il sait qu’en passant du temps sur Fortnite, il est aujourd’hui possible d’assister à de tels évènements aussi réussis techniquement que visuellement et venant justifier la transition d’une saison à l’autre, un joueur a forcément plus envie d’y rester pour être directement récompensé de sa présence. Surtout, il ne ressent plus réellement le besoin de quitter le titre afin d’aller s’informer sur ses nouveautés à venir, puisque celui-ci lui met sous les yeux sans l’intimer d’aller fouiller la toile pour s’informer. L’avenir des jeux multijoueurs passe-t-il par une frontière plus poreuse entre leur communication, leur jeu et leur univers ? Le débat est vaste et la question mérite d’être posée, tant le modèle de communication posé par Fortnite semble faire l’unanimité de par son fonctionnement.
