Il fut un temps où les équipes en charge du projet Xbox ne voulaient pas entendre parler de l’écosystème PC. “Jay” Allard, un des papas de la toute première console imaginée par Microsoft, scandait d’ailleurs que “la Xbox devait viser soit le public PC, soit le public console. Viser les deux à la fois, c'était l'assurance d'un échec total" (Au Coeur de la Xbox, Pix’n Love, p.160). Depuis, du Halo a coulé sous les ponts. En 2014, la nomination de Phil Spencer à la tête de la branche Xbox a accéléré la convergence entre les deux types de machines issues de la même famille. Une suite logique face à une concurrence féroce qui vient de passer à la vitesse supérieure.
Windows l’incontournable
Avant l’arrivée sur le marché de la One, les interactions entre les consoles Xbox et le PC étaient rares. Bien que les célébrissimes Halo et Fable aient connu des versions sur ordinateur, et malgré une tentative de rapprochement des deux mondes avec Shadowrun, les jeux Xbox/Xbox 360 sortaient au compte-goutte sur l’autre plateforme de la maison-mère. Face à une PlayStation 4 au succès insolent, Microsoft s’est rendu à l’évidence que la convergence était sa meilleure arme pour perdurer dans le milieu du jeu vidéo. Le constat est compréhensible : il est clairement difficile de tourner le dos à 1,5 milliard d’utilisateurs de Windows dans le monde. C’est à l’E3 2016 que la firme de Redmond dévoile le Play Anywhere. Le principe est simple : l’achat d’un jeu sur PC (Windows 10) ou sur Xbox One faisant partie du programme donne automatiquement et gratuitement accès à ce titre sur l’autre plateforme. Microsoft explique que tous ses futurs jeux first party épouseront cette nouvelle convergence. Le ton est alors donné, les exclusivités Xbox développées par Microsoft sortiront de fait sur PC.
Du pad au clic : le virage à 90° vers l’ordinateur
Depuis l’arrivée de Phil Spencer au volant du bolide Xbox, l’orientation de la branche n’a cessé de tourner vers le PC. Auparavant chargé de veiller au bon développement de logiciels distribués sur CD-ROM tels qu’Encarta ou Works, le désormais vice-président jeu vidéo chez Microsoft multiplie les liens entre les deux supports. En 2018, il rend tout d’abord disponible le support clavier/souris sur One (pour une liste restreinte de jeux). Un mois plus tard à Mexico City, il officialise le rachat de deux studios particulièrement appréciés des joueurs PC : Obsidian et InXile. Avec comme membre de sa famille les développeurs de Neverwinter Nights 2, Pillars of Eternity et Wasteland 2, Xbox Game Studios tente d’attirer l’attention de ceux qui jouent ailleurs que sur consoles. À l’E3 2019, Matt Booty (directeur de Xbox Game Studios) a révélé le rachat de Double Fine, dont le fondateur Tim Schafer est particulièrement connu pour son empreinte laissée sur le jeu d’aventure PC des années 1990 (The Secret of Monkey Island, Full Throttle, Grim Fandango). Ces signatures ont également pour but de pousser les joueurs Windows à s’inscrire au Game Pass PC, récemment présenté.
Mariage arrangé
Pendant un temps, les joueurs sur One ont dû accepter de donner beaucoup au PC sans forcément avoir grand chose en retour. L’E3 2019 a néanmoins fait surgir un Flight Simulator que personne n'avait vu venir, prévu sur les deux plateformes fétiches de Microsoft. Ce nouvel épisode du simulateur de vol a permis de faire un peu de publicité à Azure AI, le “Cloud intelligent” du géant américain. Le remake d’Age of Empires II n’est quant à lui annoncé que sur ordinateur pour le moment. Sa simple présence à la conférence Xbox prouve néanmoins l’importance qu’à ce titre, purement PC, pour la firme de Redmond. Le partenariat autour de Crossfire, jeu PC extrêmement populaire en Asie arrivant sur One avec une exclusivité temporaire, confirme cette politique. L’officialisation du Game Pass PC est un nouveau pas en avant vers ce marché que tente de reconquérir Microsoft, et la promesse de nouveaux titre Xbox Game Studios sur Steam a été bien accueillie par la communauté. Enfin, la “Scarlett” sera non seulement compatible avec les jeux de la Xbox originale et ceux de la 360 déjà sortis sur One, mais également avec d’anciens accessoires. Exactement comme sur PC où les utilisateurs n’ont pas besoin de racheter leurs périphériques lorsqu’ils changent de tour.
L’union fait la force ?
Il semblerait que la passerelle construite entre la One et le PC n’ait pas aidé la console de Microsoft à rattraper son retard sur la PlayStation 4 au niveau des ventes, ce qui peut paraître logique. Mais le combat se situe ailleurs pour la firme de Redmond. Interrogé chez The Verge, Phil Spencer déclare qu’il n’a pas besoin de vendre des versions spécifiques de consoles pour atteindre les objectifs commerciaux. Avec des services comme le Game Pass (Xbox et PC) et un xCloud dont les premiers tests en interne sont effectifs, Microsoft envisage de convertir, à terme, “2 milliards de joueurs”. Ce qui fait un marché autrement plus conséquent que celui des consoles de salon.
Il est bien loin le temps où les joueurs critiquaient les disques durs sur consoles par peur d’avoir des patchs “comme sur ordinateur”. En une année, la Xbox a drastiquement accéléré la cadence dans son rapprochement avec le PC. Désormais unis dans le Game Pass Ultimate et classés dans le même segment lors des rapports financiers de la firme, les deux types de machines tentent d’unir leurs forces. Depuis plusieurs mois, Microsoft répète que son objectif est de nous faire jouer “à tout ce que nous voulons, avec qui nous le voulons et partout où nous le souhaitons”. Il reste désormais à voir jusqu’où le géant américain ira dans son envie d’ouverture afin de déployer ses services. Les consoles de Nintendo, voire de Sony, pourraient-elles faire partie d’une prochaine équation ?