De même que le scénario de chaque épisode mêle habilement réalisme, science-fiction et horreur, les personnages très travaillés que l'on y rencontre ne manquent pas de relief. Mystérieux, lunatiques, dérangeants voire complètement fous, les PNJ comme les compagnons des divers jeunes héros que l'on incarne laissent rarement indifférent. Il faut dire que pour une fois dans une série de jeux vidéo, les différents protagonistes de la saga ne sont jamais tout blancs ou tout noirs. Qu'il s'agisse d'un camarade de classe, d'un prof de gym, d'un policier ou d'un passant, chacun d'entre eux est capable du meilleur comme du pire et on est parfois bien surpris de découvrir ce qui se cache derrière les apparences.
Thèmes récurrents dans tous les Shin Megami Tensei, la psychologie humaine et la quête de soi (le fameux true self) sont même au cœur de la série Persona. Véritable simulation sociale bourrée de références aux théories de C.G.Jung, chaque épisode incite le joueur à se poser des questions essentielles au travers de son personnage. Qui est-on réellement au fond de nous-mêmes ? Que voulons-nous vraiment ? Réfléchit-on assez aux conséquences de nos actes ? Autant de questions qui nous amènent à faire des choix dans le jeu, systématiquement suivis de conséquences crédibles. En outre, les héros des divers Persona n'invoquent pas de démons au sens propre mais simplement l'aspect le plus profond de leur psyché et le Midnight Channel de Persona 4 n'est pas l'enfer tel qu'on l'imagine habituellement mais plutôt la concrétisation des tendances refoulées de ses victimes.
Bien entendu, on ne croise pas que des êtres humains dans les Shin Megami Tensei ; il y a aussi un nombre considérable de démons avec lesquels converser. Tantôt méprisants, indifférents ou serviles, leur logique est souvent plus instinctive que la nôtre, d'où pas mal d'incompréhensions avec nos héros. En général, les entités positives sont raffinées et les créatures maléfiques tendent à être agressives mais de nombreuses surprises nous attendent au long des très nombreux dialogues qui nous permettent de les recruter. De leur côté, les rois et autres régents du monde des démons ont la fâcheuse habitude de se jouer de nous à longueur d'épisodes. Lucifer apparaît ainsi à plusieurs reprises de façon déguisée dans Lucifer's Call tandis que le Nyarlathotep d'H.P. Lovecraft n'hésite pas à revêtir l'aspect d'Hitler dans Innocent Sin II. Le puissant Philemon (nommé ainsi d'après le génie personnel de C.G. Jung) qui nous aide indirectement dans Persona 1 et 2 porte un masque pour dissimuler son visage et son serviteur Igor semble parfois trop poli pour être honnête. Bref, Shin Megami Tensei adore jouer avec les apparences et le résultat est aussi déroutant que réussi.