jeuxvideo.com > De nos jours, l'industrie du jeu vidéo a plutôt tendance à se diriger vers la performance graphique, la mise en scène et le réalisme. A l'inverse, le jeu vidéo indépendant lui, semble avoir des ambitions différentes, comme nous avons pu le voir dans votre premier jeu, Braid. Comment percevez-vous cette séparation entre les deux marchés ?
Jonathan Blow : Résumer l'industrie du jeu vidéo aux performances graphiques est, selon moi, adopter une vision un peu sélective de l'industrie. Oui, la presse et les sites Internet leur accordent beaucoup de place, mais c'est normal puisque ces jeux disposent de budgets colossaux et dépensent énormément en publicité. (Et aussi, c'est vrai, beaucoup de joueurs veulent y jouer). Mais parce que ces jeux dépensent beaucoup pour faire parler d'eux, l'attention qu'ils reçoivent est disproportionnelle par rapport à la place qu'ils occupent réellement sur le marché. Je pense que si vous étudiez objectivement ce à quoi les gens jouent réellement, en tenant compte de tous les types de jeux vidéo, alors vous vous apercevrez que ces jeux qui en mettent plein les yeux ne représentent qu'une part du marché. Et en termes de pourcentage global, cette part est même plus petite aujourd'hui qu'elle ne l'était par le passé dans la mesure où il est de plus en plus difficile d'atteindre les hauts critères de productions et qu'il existe de plus en plus d'alternatives.
Je pense qu'en remettant les choses en perspective, ce n'est pas surprenant que les jeux indépendants ne se résument pas à leurs performances graphiques. Pratiquement aucun jeu ne se résume à cela ! Sauf peut-être la plupart des blockbusters, mais il en va ainsi du marché actuel.
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jeuxvideo.com > Pensez-vous que votre ambition artistique serait aussi libre qu'elle l'est aujourd'hui si vous n'étiez pas indépendant ?
Jonathan Blow : Il n'y a aucune chance que ce soit le cas. J'aurais le plus grand mal du monde à convaincre les gens que les jeux que je conçois sont une bonne idée.
jeuxvideo.com > Pouvez-vous nous dire quelles émotions vous expérimentez dans votre nouveau projet, The Witness ?
Jonathan Blow : Généralement, je ne me considère pas comme un designer qui essaie de jouer directement avec les émotions, contrairement à d'autres studios comme thatgamecompany (Flower, Journey...). The Witness est basé sur votre capacité à grandir dans la compréhension d'un monde et d'une situation, comme le réveil graduel de la compréhension. Cela peut provoquer des émotions (en tout cas, je l'espère !) mais en tant que designer, je n'essaie pas de les dicter – je préfère donner au joueur la liberté de ressentir ce qu'il veut.
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jeuxvideo.com > Le monde du jeu vidéo indépendant est un milieu difficile. Que recommanderiez-vous aux nouveaux créateurs qui voudraient se lancer dans la profession ?
Jonathan Blow : Il n'est pas si difficile à vrai dire. La clé est de commencer par quelque chose que vous êtes capable d'accomplir aujourd'hui. Il y a toujours quelque chose à votre niveau. Même si ce quelque chose paraît petit et qu'il vous semble ridicule, faites-le ! Ensuite, après l'avoir fait, penchez-vous sur quelque chose un peu plus gros et un peu plus demandant. Et ainsi de suite. Après avoir répété ce cycle peut-être 10 fois, vous vous apercevrez que vous réalisez des choses qui sont plutôt sophistiquées.
Il est important de vous rappeler que vous n'avez besoin de la permission de personne pour faire quoi que ce soit. Vous avez juste à le faire. Les créateurs de jeux les plus brillants sont ceux qui ont juste suivi leur idée.
jeuxvideo.com > Comment voyez-vous l'avenir du jeu vidéo indépendant ?
Jonathan Blow : Prédire l'avenir ne marche généralement pas avec moi, du coup je préfère ne pas le faire. Je dirais juste qu'aujourd'hui est une très bonne période pour être créateur de jeux vidéo indépendants, ce qui est surprenant car j'aurais justement prédit que la bonne période serait maintenant passée. Lorsque Braid est sorti en 2008, les conditions étaient si bonnes pour les indépendants que je pensais alors que cela ne pourrait pas durer plus de 2 ans. J'avais tort !
Un grand merci également à Jonathan Blow qui a accepté de répondre à nos questions