Dire que Resident Evil 4 et 5 furent un véritable succès serait un euphémisme, Resident Evil 5 est même à ce jour le titre Capcom le plus vendu dans le monde. Conscient que son public est partagé entre ceux qui veulent le retour des zombies, ceux qui aiment RE5 tel qu’il est, mais aussi ceux qui veulent des possibilités de mouvements et d'attaques encore plus riches, ils décident de séparer le mode histoire en plusieurs campagnes. Et sur cette idée là, au mois de février 2012, le studio effectue une annonce choc : l’une de ces campagnes sera pleinement axée Beat’em up.
Une fois le nouveau Resident Evil sorti, et si l’annonce semblait exagérée, c’est tout le jeu d’une manière générale qui a fait un bond en avant dans ses mécaniques de corps à corps. Resident Evil 6 propose, en plus des actions contextuelles auxquelles ses prédécesseurs nous ont habitués, des attaques de corps à corps qui peuvent être réalisées à n’importe quel moment. Tous les personnages ont ainsi accès à un 2-hit combo assez classique, à une attaque en courant, une attaque retournée et une glissade. Mais en plus de ça, les armes de mêlée font leur retour en tant qu’armes à part entière et ont leurs propres listes de coups.
Le système d’étourdissement des ennemis a été revu et corrigé ; on peut maintenant étourdir "davantage" un ennemi déjà étourdi (light stun -> heavy stun), afin de créer une arborescence de combos libres. Par exemple, si vous effectuez une glissade sur un ennemi, vous allez l’étourdir légèrement, ce qui vous offre la possibilité de faire une première attaque de mêlée contextuelle. Mais si vous effectuez cette même glissade sur un ennemi déjà légèrement étourdi, vous le faites passer dans un second état qui donne accès à une attaque contextuelle beaucoup plus puissante.
Ajoutez à ça un système de cancel hyper permissif qui vous permet de remplacer n’importe quelle action contextuelle par des actions classiques, et vous obtenez des dizaines de façons de plonger votre adversaire dans l’état que vous souhaitiez. Pour qu’il y ait un aspect tactique à effectuer des combos avancés, le jeu se veut plus exigeant en terme d’i-frames (frames où votre personnage ne peut pas être touché) que RE4 ou RE5 et ajoute une jauge de fatigue. Exemple parmi tant d’autres : si vous vous approchez d’un ennemi et faites un 2-hit combo suivi d’une attaque contextuelle puis d’une attaque au sol (le combo le plus basique, prisé par tous les joueurs lors de leur toute première heure de jeu), aucune de ces actions ne vous rendra invulnérable à un quelconque moment ! Un gros changement par rapport, une fois encore, aux RE le précédant, et qui aura troublé plus d’un novice. Mais pire encore, vous allez consommer plus de la moitié de votre jauge de fatigue. Maintenant si vous exécutez une glissade, puis que vous annulez et remplacez l’action contextuelle par une frappe classique (à l'aide, par exemple, d'une commande vocale, d'un changement d'arme, d'un positionnement latéral...), l’ennemi sera en état d’étourdissement lourd et vous aurez tout le loisir de placer un "coup de grâce" (idéalement au moment d’esquiver une attaque). Ici, le joueur termine son action en étant invulnérable, inflige plus de dommages et aura consommé presque moitié moins d’endurance. Et ce n’est qu’une option parmi des dizaines d’autres !
On a fait le tour ? Loin de là ! RE6 introduit aussi toute une liste d’actions contextuelles liées à votre position et à celle de l’ennemi (au bord du vide, contre une voiture, au-dessus ou en-dessous de vous…). Et enfin, mais pas des moindres, ce jeu d’action en vue à la troisième personne permet au joueur de contrer la majeure partie des attaques du jeu. Du chien qui vous saute dessus à ce Noga-Trchanje qui se promène au plafond et s'apprête à vous rentrer dedans, jusqu’aux boss de fin de niveau, il y a un nombre incalculable de contres. Il y en a tellement que vous continuerez vraisemblablement à en découvrir (ou que vous avez continué à en découvrir) après une centaine d’heures de jeu. Chaque contre a son timing particulier, ses dégâts propres et son animation personnelle, ce qui fait de RE6 probablement le jeu vidéo le plus généreux sur cette mécanique bien précise.
En cumulant tout, RE6 propose des centaines d’attaques au corps à corps, certains persos comme Chris ou Jake (les persos sont plus différenciés les uns des autres que dans les précédents opus) étant plus exhaustifs que d’autres. Il est tout à fait possible de jouer à RE6 comme à un beat’em up et tout à fait impossible d’en profiter en se contentant de tirer sur tout ce qui bouge.
De fait, il parait logique de se poser cette question : va-t-on voir un jour sortir un Resident Evil pleinement beat’em up ? Si le 7eme opus suit le mouvement imprimé par la série depuis RE4, la réponse serait un grand oui. Mais c’est très peu probable.
Resident Evil 6 reste peut-être le deuxième titre le plus vendu de Capcom (possiblement un jour le premier), il n’en est pas moins le titre le plus critiqué de toute l’histoire de la licence. Non seulement il continue de faire un pied de nez aux joueurs qui souhaitent voir la série revenir vers ses origines ; mais pour une bonne partie des autres joueurs, ceux prêt à se satisfaire d'un jeu d'action, son gameplay farfelu fait tâche dans un monde vidéo-ludique qui se standardise.
Quel est le point commun entre des licences aussi différentes que GTA, Tomb Raider, Max Payne, Deus Ex, Ghost Recon ? Toutes ces séries autrefois uniques dans leur façon de penser les séquences d’action ont adopté un système de couverture, entre autres, et des mécaniques de visée et de tir très proches. On peut passer de l’un à l’autre sans avoir à repenser sa façon de jouer. Dans RE6, la possibilité de se mettre à couvert semble avoir été implémentée à la dernière minute. C’est lourd, imprécis, les ennemis nous rushent dessus et on manque vite de munitions. L’écran lui-même se floute entièrement comme si Capcom souhaitait décourager le joueur de se servir de cette technique. Le jeu n’a clairement pas été pensé pour être joué comme ça, et la façon dont il a été pensé pour être joué est bien trop atypique. De plus, Capcom a dix ans de retard en terme de mise en scène, de scénario, d’immersion, des caractéristiques qui se sont élevées ces dernières années bien au-dessus du reste.
Gaming Live de l'épisode 4 de Resident Evil : Revelations 2
C’est peut-être pour ça au fond qu'on ne sait toujours pratiquement rien sur Resident Evil 7 (à part qu'il sortira un jour). Capcom hésite, n’est plus sûr de faire la part des choses entre les réclamations des joueurs de la première et de la seconde trilogie, des afficionados des caméras fixes et des adeptes de la caméra à l’épaule… Pour le remake du 2, ils ont demandé ouvertement aux joueurs ce qu’ils en attendaient. Résultat : des réponses récoltées qui partent dans tous les sens, et surtout des sens contradictoires. En attendant, spin-off et remakes permettent à Capcom de sonder le marché, d’évaluer le potentiel de ventes sur des titres moins onéreux. Car ils savent que s’ils se trompent, ils pourraient bien planter complètement, cette fois, la principale licence qui évoque leur nom.