Fin 1997, une partie de l’équipe du jeu original va ainsi rejoindre ce studio fraîchement créé afin de travailler sur Fallout 2. Ce sont ainsi une trentaine de personnes qui seront cette fois-ci dirigées par Feargus Urquhart, Tim Cain étant relégué au rang de simple programmeur. Pour cette suite attendue par des milliers de fans, Black Isle Studios va s’employer à étoffer un peu l’univers et à écrire un scénario digne de ce nom, tout en améliorant (très) légèrement les différents aspects techniques du premier opus. L’innovation et le renouvellement ne sont pas vraiment au cœur des préoccupations.

En tenant compte des critiques, l’équipe va, entre autres, améliorer l’ergonomie de l’interface, rendre les compagnons plus utiles, afin d’éviter de les voir contraints au simple rôle de chair à canon, et agrandir la taille des Terres Dévastées. Mais dans l’excitation générale et en voulant rendre hommage à l’humour cynique du premier épisode, de nombreux employés vont ajouter leurs petites références pop-culture à l’univers. De Star Trek aux Monty Python en passant par la scientologie, Fallout 2 est littéralement bourré de clins d’œil ! Mais ces ajouts assez visibles sont loin de plaire à tout le monde…

Tim Cain et deux autres anciens ne voient pas la chose d’un bon œil. Pour eux, si le premier opus faisait lui aussi beaucoup de références plutôt discrètes, celles du second épisode sont aussi nombreuses que grossières. En plus de cela, ce petit groupe de vétérans d’Interplay a du mal à accepter la scission avec son entreprise d’origine. Pire encore, des histoires éclatent lorsqu’il s’agit de structurer l’équipe de Black Isle et l’inévitable se produit. Au début de l’année 1998, alors que Fallout 2 n’est sur les rails que depuis une demi-douzaine de mois, Tim Cain, Leonard Boyarsky et Jason D. Anderson quittent Interplay. Trois concepteurs clés de la série partent ainsi former Troika Games le 1er avril.

Mais la fête continue et Fallout 2 entre en phase d’alpha le 27 avril afin d’être présenté lors de l’E3 1998 qui se tient à Atlanta. Là-bas, tandis que SEGA dévoile sa Dreamcast, le premier titre de Black Isle reçoit des retours plutôt positifs, même si le rival et collègue Baldur's Gate lui pique la place de meilleur RPG du salon. L’équipe accélère alors la cadence pour respecter la sortie prévue pour l’automne. Interplay ne s’est pas montré très généreux en termes de temps, avec seulement une petite année de travail et certains médias se sont dit inquiets quant au bon déroulement des opérations. Du côté des employés, on ne dort pas, ou peu. Chris Avellone racontera avoir pris environ 13 kilos…

Bien entendu, comme souvent dans l’industrie vidéoludique, l’équipe fut un peu à court de temps et dut recourir à quelques coupures. Certaines régions furent retirées ou réduites et le camp des Raiders ne fut pas finalisé. Le 22 octobre, après avoir subi le marathon des ajouts de dernière minute comprenant par exemple le bouton « Take All » permettant de ramasser tous les loots disponibles sur le cadavre d’un ennemi, le deuxième volet de la saga des Terres Dévastées passe Gold et est considéré comme terminé. Fallout 2 sort finalement le 30 octobre 1998 (et non pas en septembre comme on peut le voir souvent).

Les ventes de Fallout 2 : quand la presse mord la main qui la nourrit.

Cette fois-ci, Interplay vise bien plus haut en termes de ventes. Le premier volet a surpris l’entreprise qui ne s’attendait pas à voir près de 90,000 exemplaires trouver preneur en un an. Estimant que ce Fallout 2 propose une expérience améliorée sur bien des points et jouissant d’une véritable attente de la part des fans, la firme de Brian Fargo espère en écouler plusieurs centaines de milliers de copies. Mais qu’en pense la critique ?

La presse se révèlera un peu plus mesurée que pour Fallout premier du nom. L’univers du jeu a été amélioré, les mécaniques et l’ergonomie sont bien meilleures, mais voilà, tout cela n’est pas nouveau. Ce sera sûrement le plus gros reproche fait au titre, il ressemble plus à un Fallout 1.1, qu’à un Fallout 2. En France, Génération 4 lui attribuera cette fois-ci un point de moins, 4 sur 6, en concluant son test par « Si ce deuxième volume est aussi passionnant que le premier, s’il offre une durée de vie conséquente, on aurait tout de même aimé un peu plus d’innovation. ». Même effet du côté des Etats-Unis avec le 4 sur 5 de Computer Gaming World. En somme, si ce Fallout 2 est critiquable de par son manque de nouveautés, il reprend tout de même la recette à succès de son prédécesseur et l’incroyable univers des terres dévastées réussit à nous emporter une nouvelle fois.

Malheureusement, les ventes ne décolleront pas autant que Brian Fargo l’avait espéré. Le patron d’Interplay avait tablé sur plusieurs centaines de milliers de ventes et n’en obtiendra qu’un peu plus de 120.000 en deux ans… Feargus Urquhart et son équipe ont vécu une des pires choses qui puisse arriver dans l’industrie vidéoludique, une version complète du jeu fut rendue disponible sur Internet, quelques jours avant sa sortie. Alors, à qui la faute ? Tout simplement à un journaliste peu scrupuleux ayant reçu une copie presse en avance afin de pouvoir réaliser son test. Le titre de Black Isle perdit certainement quelques milliers de ventes avec cette mésaventure, même si le retour sur investissement fut finalement correct. Nous voilà maintenant à l’aube du troisième millénaire et Interplay va devoir négocier un virage fort complexe qui bouleversera la série Fallout à jamais. Didier Latil concluait son test dans le magasine Gen4 par une phrase anodine « J’espère ne pas voir fleurir d’ici huit mois un Fallout 3 ». Si tu savais Didier, si tu savais…

Fallout Tactics : Vous feriez bien un petit don pour Fallout 3 ?

Interplay va mal. La firme californienne a connu une ascension fulgurante durant les années ’90, peut-être un peu trop fulgurante même. Si les jeux PC sont toujours une manne financière importante, il est maintenant obligatoire pour une société aussi grosse que celle de Brian Fargo de sortir des titres sur consoles. Malheureusement, l’homme se rendra compte de l’importance d’une telle opération un peu tard…

Avant d’avoir pleinement conscience de l’intérêt des consoles, la société va lancer le développement d’une déclinaison de sa nouvelle série phare. Mais le temps du slogan « Par les joueurs, pour les joueurs » est désormais révolu, fini les heures supplémentaires payées doubles et les grosses prises de risques que seul Interplay était prêt à prendre. C’est désormais avec des budgets calculés au centime près que sont lancées des productions dont Fargo est sûr du potentiel. Et quoi de mieux pour illustrer ce changement que Fallout Tactics ? Le jeu sera mis en chantier peu après la sortie du second opus avec un objectif assez simple : rapporter assez d’argent pour financer un vrai Fallout 3.

Pour atteindre ce but, Interplay ne va pas faire appel à Black Isle, mais à Micro Forté. Ce studio sorti de nulle part se verra offrir un temps de développement extrêmement court et sera récompensé par un salaire minimum. Ayant conscience d’avoir déjà un peu trop tiré sur leur nouvelle licence avec Fallout 2, Brian Fargo et ses actionnaires proposeront une idée toute simple, garder le même concept mais en dynamisant un peu les mécaniques de jeu. C’est ainsi que seront ajoutés des éléments de stratégie en temps réel, aux dépens des aspects RPG qui avaient fait la force du titre. Exit le résident sorti d’un abri allant glaner des informations auprès des différents PNJ, ici on ne parle plus. Le jeu met l’accent sur les batailles en proposant trois modes de combat à l’aide desquels vous pourrez gérer une escouade de la Confrérie de l'Acier.

La trentaine d’employés de Monté Cristo va se battre pour proposer la meilleure expérience possible, mais comme le dira le chef de projet, « Interplay nous a offert beaucoup moins d’argent et de temps qu’il n’était nécessaire pour livrer le jeu qu’on aurait voulu ». Petit exemple parlant, l’équipe n’aura que quatre petits jours pour réaliser sa phase de test auprès des joueurs. Malgré ses demandes répétées, le studio n’obtiendra jamais de rallonge et sortira finalement Fallout Tactics le 15 mars 2001.

L’accueil sera plutôt bon malgré le manque de moyens. Gen4 lui attribuera la note 14 sur 20 en regrettant surtout les systèmes de combat pas vraiment homogènes tandis que Pilou, notre testeur maison, sera lui un peu plus généreux en adjugeant un 16 sur 20. La mission de Monté Cristo est réussie, même si les joueurs commencent à s’impatienter. Où est donc le véritable Fallout 3 ? Pas si loin ! Black Isle y réfléchit, pendant que Brian Fargo se démêle avec les problèmes financiers d’Interplay…

Il n’est guère étonnant que certains tombent dans la facilité et exploitent une bonne idée jusqu’à la moelle. D’où Fallout Tactics : The Brotherhood of Steel, troisième du nom - Gen4 (numéro 145, mai 2001)