Il est clair qu'avant l'avènement des jeux flash, les tower defense n'étaient pas légion sur consoles. Cela n'empêche pas Crystal Dynamics de sortir en 1995 The Horde sur Saturn, à l'origine sur 3DO. Ce tower defense atypique a le mérite d'être unique en son genre sur cette plate-forme.
Le joueur incarne Chauncey, un domestique un peu simplet qui à la suite d'un dîner bien arrosé, sauve le roi Winthrop de l'étouffement, et se voit adoubé sur-le-champ. En remerciement, le roi lui offre son épée Grimthwacker, et lui confie des terres en Franzpowanki, où Chauncey devra établir des villages florissants qu'il sera chargé de faire prospérer. Cette promotion inattendue n'est pas sans éveiller la rancune du perfide chambellan Kronus Maelor, qui voit un nouvel obstacle entre lui et la couronne. Pour ne rien arranger, le pauvre domestique ignore que les terres qu'il vient d'hériter sont régulièrement investies par La Horde, une bande de gobelins bien décidés à saccager tout ce qu'ils trouveront sur leur passage, et qu'il lui sera donc bien difficile d'assumer ses nouvelles responsabilités.
Le retour de la Horde
Après une vidéo d'introduction impliquant de véritables comédiens pour nous présenter les principaux acteurs de l'intrigue, le joueur est propulsé sur son nouveau domaine, une poignée d'or en poche, entre deux baraquements et quelques paysans. Il peut naviguer entre le zoom en 3D isométrique ou la vision d'ensemble en vue de dessus. L'objectif est double : résister aux invasions de la Horde, et faire prospérer suffisamment son domaine pour pouvoir payer les taxes à la fin de l'année. Le jeu se déroule donc en 2 phases, représentant une saison à elles deux. Il y a d'abord une phase de construction et de fortification, puis une phase d'invasion. Dans la première, le joueur a deux minutes pour étendre son village et le fortifier en vue de l'attaque imminente. Il aura à sa disposition une boite à outils lui permettant de placer des barrières, des vaches (la ressource la plus précieuse du jeu) et des pièges, de planter des arbres, ou de creuser des douves. Par la suite, l'achat d'items lui permettra d'embaucher des mercenaires, ou encore de construire des fortifications. Dans la seconde phase, le joueur contrôle directement Chauncey, et est chargé d'éliminer tous les hordillons qui envahissent son domaine, avant que ceux-ci ne ravagent totalement le village et ne mangent paysans, vaches et récoltes. Ces phases sont généralement tendues et les erreurs de calcul ne pardonnent pas. Au fur et à mesure de l'avancée, le village s'étend, et les créatures se font plus nombreuses et plus diversifiées. Ces deux phases accomplies quatre fois, le joueur devra payer les taxes et passera à l'année suivante. Avant cela, il pourra sauvegarder, et acheter de nouveaux objets (de nouvelles armes ou de nouveaux outils) s'il lui reste de l'argent.
Pas de place pour les petits bras
Car oui, là où ça se complique, c'est que la difficulté fait un bond magistral au moment de passer au deuxième niveau. Je m'explique : alors qu'on arrive tout confiant dans notre nouveau domaine, on nous explique que la forêt voisine est sacrée et qu'il est déconseillé d'en couper les arbres (ce qui se traduit par des points de vie en moins et un nombre d'ennemis accru). Ce n'est pas grand-chose mais voilà déjà une ressource en moins. De plus, les nouveaux ennemis ont la faculté de se cacher dans les arbres, donc plus de forêt signifie plus de dangers… L'autre souci, ce sont les impôts qui ont littéralement explosé. Du coup, on galère à ramener de la ressource, le peu que l'on arrive à mettre de côté part dans les impôts, et on nous nargue en nous proposant des objets à acheter totalement hors de prix. La solution sera de reprendre le jeu au début en farmant le plus possible pendant le premier village, et en espérant qu'un événement aléatoire ne vienne pas nous plomber. Le pire c'est qu'une fois ce second niveau péniblement achevé, la difficulté redescend de plusieurs crans d'un coup, et on peut retrouver plaisir à jouer.
En ce qui concerne les contrôles, c'est mitigé. Durant les phases de construction, on sent bien que ce style de jeu n'est pas vraiment destiné à la manette, et le curseur allant de zone en zone devient un peu usant lorsque l'ont doit traverser la map de bout en bout. Ceci dit, le contrôle de notre héros durant les phases de combat est plutôt réussi, et finalement on est content d'avoir une manette entre les mains. Le réel problème durant ces phases provient du fait que pour utiliser un item ou pour switcher sur l'indispensable vue générale de la map, notre héros doit s'immobiliser, et le jeu continue de se dérouler sans nous. C'est typiquement le détail qui vous rendra fou dans les situations de stress. Et Dieu sait si on se sent souvent totalement débordé durant les phases d'invasion.
Une richesse insoupçonnée
Malgré ces soucis de jouabilité, l'avancée dans The Horde est agréable, on prend plaisir à découvrir de nouvelles cut-scenes, souvent drôles. Les environnements sont variés, et posent de nouvelles problématiques à chaque fois : l'irrigation dans les régions désertiques, lutter contre l'avancée des marécages dans les marais. S'ajoutent à cela des objectifs secondaires qui permettent de découvrir des objets cachés et des trésors. Tout cela permet à la rejouabilité d'exister réellement, et on se surprendra à recommencer le jeu afin d'acheter de nouveaux objets, d'essayer différentes stratégies de défense, ou encore de découvrir tous les secrets d'une map.
Points forts
- Une ambiance décalée et unique
- Un challenge élevé
- Un gameplay riche
- Des cut-scenes réussies
- Intégralement en français
Points faibles
- Une difficulté déséquilibrée
- L'utilisation de la boîte à outils et du dézoom gâche les phases de combat
- Une vraie erreur de casting pour la voix française de Chauncey
The Horde est véritablement un ovni et constitue un des seuls exemples de tower defense sur Saturn. Il a aussi le mérite de proposer une expérience unique à l'ambiance décalée et bourrée d'humour. Son principal défaut reste toutefois sa difficulté excessive, qui pourrait gâcher l'expérience de jeu des joueurs les moins chevronnés. Seuls les plus téméraires arriveront à la fin des 5 environnements sans passer par les codes. Ceux-là découvriront un jeu addictif, au gameplay riche et au challenge élevé.