
Après l'échec commercial que connut son jeu d'aventure The Neverhood, Doug TenNapel, l'un des créateurs du délirant Earthworm Jim sur Megadrive, se tourne vers le jeu de plates-formes pour donner une suite aux facéties de Klaymen et de son univers en pâte à modeler. Un virage radical et pour le moins risqué, tant cet univers semblait idéal pour mettre en place la drôlerie et les devinettes qui caractérisent le jeu d'aventure. Pourtant Skullmonkeys nous montre avec brio comment la pâte peut aussi prendre sur les codes du jeu de plates-formes 2D, aboutissant à un soft unique où se côtoient volontiers les explosions de couleurs et de singes fous !

Car comme le suggère le titre, Skullmonkeys nous confronte d'abord à un peuple de singes plus ou moins farfelus ayant sur la tête... un crâne ! Et manque de chance, le terrible Klogg tombe littéralement du ciel sur la petite planète d'Idznak, où vivent les Skullmonkeys. Klogg se proclame alors roi et leur ordonne de construire un Engin Diabolique Numéro Neuf (Evil Engine #9) pour détruire le Neverhood, la planète où habite Klaymen ! Heureusement Jerry-O, un Skullmonkey plus intelligent que la moyenne, comprend vite les mauvaises intentions de Klogg et envoie un “bidule volant” (selon le manuel du jeu) kidnapper Klaymen afin de lui demander de l'aide. Voilà à peu près l'essentiel du scénario, car le soft, comme c'est souvent le cas pour les jeux de plates-formes, met délibérément à profit cet univers déjanté pour nous amuser plutôt que pour développer un récit ou une tension dramatique. Les quelques cinématiques en claymation (animation image par image des éléments en pâte à modeler) ne manquent d'ailleurs pas leur cible puisqu'elles auront tôt fait de vous décrocher rires ou sourires. Au début du jeu l'une de ces séquences introduit même une arme pour le moins étonnante qui sera disponible dès le niveau suivant : la Tête péteuse ! Une belle façon de faire le lien entre phase cinématique et phase de jeu, qui illustre bien l'une des grandes forces de Skullmonkeys, à savoir le travail du rythme. Que ce soit dans l'enchaînement des gags ou lors des niveaux, ce dernier bénéficie à l'évidence d'une attention toute particulière pour emporter à coup sûr le joueur.

- Graphismes 17 /20
Skullmonkeys s'empêtre parfois dans son style pâte à modeler pourtant si original. C'est compréhensible pour certains éléments qu'il faut pouvoir immédiatement repérer, ça l'est moins pour les quelques paysages simplistes que l'on trouve ici et là. Parfois d'un niveau à l'autre on doit se contenter d'un changement de teinte sur les mêmes décors qui n'apporte pas grand-chose. C'est presque à regret que nous faisons cette critique tant le jeu regorge de décors splendides et variés : nous aurions voulu que chacun des 95 niveaux nous en mette plein les yeux !
- Jouabilité 16 /20
Sortir un jeu de plates-formes en 2D, sur PlayStation, en 1998, paraissait à l'époque quelque chose de dépassé face aux Crash Bandicoot et cie. Et il est vrai que le soft respecte les codes du genre sans les bousculer, pour nous offrir un jeu de plates-formes qui a le mérite d'être soigné, efficace, et intégré dans un univers unique. Pour autant la gestion de l'inventaire et des power-up, ainsi que le souci du rythme entre les différents mondes et au sein des niveaux, apportent une fraîcheur qu'il faut souligner. Enfin, saluons toute l'audace et l'inventivité du dernier monde (préféré à juste titre à un sempiternel “boss final”), qui montre que la 2D recèle encore bien des possibilités, en osant mettre le joueur face à un piège extraordinairement retors, mais suffisamment précis pour ne pas être injuste.
- Durée de vie 16 /20
Hormis quelques boss assez anecdotiques, le titre est exigeant mais s'en donne les moyens. Si le joueur collecte en chemin les items et autres power-up il devrait pouvoir affronter les mondes les plus corsés sans rencontrer de Game Over. En revanche il sera difficile de débusquer tous ces bonus lors de la première partie, et il va falloir s'exercer un minimum pour remporter la victoire ! Heureusement le joueur y est encouragé par la présence de chemins alternatifs, et par les mots de passe ou Continues infinies (malgré les étourderies que nous avons signalées dans le test à ce sujet).
- Bande son 18 /20
En accord avec l'univers de Klaymen, les musiques sont souvent drôles et accompagnées de voix que vous ne tarderez pas à reprendre en chœur. Mais elles illustrent aussi à la perfection les émotions du joueur, autant par rapport aux décors que par rapport au gameplay propre à tel ou tel monde. Seuls petits défauts s'il faut en trouver : l'invasion sonore de certains bruitages (notamment quand il y a beaucoup de YNTs), et le fait que les musiques s'arrêtent avant de reprendre quelques secondes plus tard, au lieu de former une boucle harmonieuse comme il est souvent de coutume. Signalons aussi que le jeu bénéficie d'une localisation totale (pour ne pas dire excessive) qui pousse jusqu'à avoir doublé certains effets sonores (1UP...).
- Scénario 15 /20
Ce n'est pas tant un scénario que l'humour du jeu, et son univers, que nous récompensons ici. Le soft souffre parfois de la traduction mais au moins les doublages sont plutôt convaincants. Les cinématiques enchaînent les gags sur un rythme exempt de temps mort sans pour autant tomber dans la surenchère et en versant aussi bien dans le potache que dans l'absurde. Et l'univers en pâte à modeler confère bien sûr à toutes ces qualités une saveur unique.
Skullmonkeys est un jeu de plates-formes qui soigne les éléments classiques du genre sans aller beaucoup plus loin. C'est donc un titre solide, à la réalisation exemplaire et doté d'un univers propre, mais il faut s'intéresser aux détails du jeu et attendre le dernier monde pour y voir quelques innovations spécifiquement ludiques. En fin de compte, Skullmonkeys est un petit voyage imaginatif et drôle dans cet univers de pâte à modeler, de monstres loufoques, de corbeaux roses, couronné par un sursaut de difficulté et d'émotions incroyables. Et c'est sans doute là que se trouve la force du soft, dans sa capacité à articuler les différents aspects du jeu vidéo pour nous faire apprécier des ambiances différentes, unies par une délicieuse dose de difficulté, de défi.