A la fin du XIème siècle, le pape Urbain II initia la première croisade pour tenter de conquérir Jérusalem. Ce conflit fût le premier d'une longue série de guerres complexes, impliquant de nombreuses sous-factions rivales, luttant pour étendre ou conserver leur influence dans l'imbroglio politico-religieux qui régnait sur le monde à l'époque. Malgré le temps qui nous sépare de cette sombre période, nombreux sont les amateurs d'histoire passionnés par les récits de cette guerre, que Neocore tente de nous faire revivre aujourd'hui par le biais de Crusaders : Thy Kingdom Come.
Crusaders : Thy Kingdom Come nous place donc à la tête des croisés, et plus précisément de l'un des cinq héros disponibles, chacun ayant ses forces, ses faiblesses et ses types d'unités accessibles. C'est d'ailleurs leurs seules différences, la progression dans la campagne solo étant la même pour tous. Le scénario, c'est évidemment l'Histoire avec un grand "h", il débute donc à Constantinople, sur les rives du Bosphore, et s'achèvera dans la ville sainte de Jérusalem trois ans plus tard. Même si quelques libertés ont été prises pour des besoins ludiques bien compréhensibles, on sent tout de même une volonté des développeurs de coller au plus près à la réalité historique. Les joueurs férus de cette page du Moyen-Age seront donc comblés par le contexte fidèlement respecté. Reste à voir ce que donne le gameplay une fois la souris en main.
En fait, il faut distinguer deux étapes dans le déroulement d'une partie. La première, c'est une phase dite "de gestion". Rien à voir avec un jeu de gestion cependant, il s'agit plutôt de préparer ses troupes à la prochaine bataille en recrutant et entraînant des hommes, en les équipant à l'aide des ducats amassés lors des missions précédentes. Au fil des combats, on peut également leur attribuer des talents (exemple : une meilleure capacité défensive). Crusaders : Thy Kingdom Come fait donc partie de ces jeux où le joueur est encouragé à prendre soin de ses unités en les conservant d'une mission à l'autre pour les faire évoluer, un bon point. Cette phase de gestion permet également de sélectionner les objectifs secondaires (facultatifs) à réaliser au cours de la prochaine bataille. En effet, plusieurs vous seront proposés par les différentes factions en présence. Par exemple, lorsque vous tombez sur une bande de croisés renégats, vous pouvez les enrôler et ainsi plaire à la Normandie, ou les exterminer pour le compte de la Provence. La réalisation de ces objectifs fait alors évoluer votre réputation auprès des factions, et avec les bonus qu'elles confèrent. Là encore, c'est une bonne idée, ça laisse une petite liberté dans une campagne plutôt linéaire par ailleurs.
Les objectifs des missions sont effectivement plutôt classiques, avec de l'attaque, de l'escorte, de la défense... Les connaisseurs du genre ne seront pas vraiment dépaysés. Concrètement, une fois sur le terrain, place à la stratégie pure ! L'enrôlement et l'amélioration des troupes ayant été évacués dans la phase précédente, le joueur peut désormais se concentrer sur la gestion de son armée. Il n'y a donc pas de construction de bâtiments ou de récoltes de ressources, phases parfois fastidieuses dans d'autres STR. De ce point de vue, Crusaders : Thy Kingdom Come ressemble plus à la série des Total War, avec l'action qui prime sur le management. Mais action ne veut pas dire absence de stratégie, il y a donc tout ce qu'il faut pour élaborer des plans d'attaque réfléchis : différents types de formations, deux vitesses de déplacement (attention cependant à ne pas épuiser les hommes), prise en compte du relief et de la couverture végétale, etc. Les archers disposent d'une option pour rester à distance, reculant face à l'ennemi pour continuer à tirer. Pratique pour leur éviter de se faire engager au corps-à-corps, mais il faudra cependant veiller à ne pas arroser le reste de ses propres troupes d'une pluie de flèches.
Les possibilités sont tout de même limitées, le jeu ne semblant pas gérer le moral : il n'est pas rare de voir un pauvre Seldjoukide isolé continuer à charger alors que son unité a été entièrement décimée... Crusaders : Thy Kingdom Come dévoile d'ailleurs vite ses limites, notamment techniques. Si le moteur 3D reste honorable, les combats manquent cruellement d'animations, un zoom au coeur de la mêlée révélant rapidement le ridicule de la situation, avec des soldats à peine mobiles qui se contentent de mouliner pathétiquement de temps à autre. Ca fait tache. La réalisation sonore est à l'avenant, avec la même sempiternelle musique qui finit rapidement par porter sur le système. Quant au contenu, il manque cruellement à l'appel avec une seule campagne vite bouclée et un mode multi bâclé, limité à deux joueurs. Globalement, le jeu respire donc l'amateurisme et on se prend à rêver de ce qu'il aurait pu devenir si les développeurs avaient eu les moyens de leurs ambitions. En l'état, Crusaders : Thy Kingdom Come reste un STR sympathique, le genre de jeu pop-corn pas désagréable à déguster entre deux grosses productions mais qui sombrera bien vite dans les méandres de l'oubli.
- Graphismes13/20
Crusaders : Thy Kingdom Come n'est pas moche, malgré le cruel manque d'animation des personnages, c'est tout à fait honorable pour un jeu de cette catégorie.
- Jouabilité14/20
Séparer l'aspect économique de l'aspect militaire en deux phases bien distinctes est une bonne chose, ça permet de se concentrer sur les combats une fois en mission, et de faire évoluer ses troupes entre chaque bataille. Les options stratégiques sont bien présentes mais auraient mérité d'être encore un peu plus poussées.
- Durée de vie10/20
La campagne solo est composée d'une quinzaine de missions bien vite terminées. Dommage que Neocore n'ait pas pensé à inclure une seconde campagne à la tête de l'armée opposée. Il faut toutefois avouer qu'avec les objectifs secondaires variant selon les factions, la rejouabilité est bonne. Le mode solo contient également cinq scénarios indépendants. Quant au mode multijoueur, il est bien trop basique pour présenter un quelconque intérêt.
- Bande son8/20
Il n'y a qu'une seule musique, pas terrible qui plus est, pour toutes les missions, de quoi mettre vos nerfs à rude épreuve. Quant aux effets sonores, il faudra s'approcher du coeur de la bataille pour les entendre et se rendre ainsi compte de leur médiocrité (les épées font "shling" et les hommes hurlent "waaah", c'est à-peu-près tout).
- Scénario/
On suit la première croisade, depuis l'arrivée à Constantinople jusqu'à la prise de Jérusalem.
Pour son premier projet, Neocore fait preuve d'ambition et démontre un certain savoir-faire, avec plusieurs bonnes idées à la clef. Tout ceci est malheureusement desservi par un manque flagrant de moyens et quelques erreurs de jeunesse. Pas foncièrement mauvais, Crusaders : Thy Kingdom Come aura néanmoins un mal fou à sortir de l'anonymat de la masse des STR auquel sa prestation bien moyenne le condamne irrémédiablement.