On aurait essayé de construire un bunker le temps de son développement, de se couper du monde en dédaignant l'ensemble des médias, et de tenter de survivre jusqu'à ce que l'on puisse retrouver l'air libre. Mais après un tel cataclysme, rien n'est plus certain. La folie des hommes peut une nouvelle fois enfanter un enfer quasi nucléaire sans aucune raison valable. Il est déjà trop tard. Il est là, devant nous. Le nom de code de cette arme est K 2000 : La Revanche de KITT. On voit d'ailleurs grâce à ce titre original que Michael est mis de côté, par rapport à sa légendaire voiture couleur d'ébène. Encore heureux pense t-on secrètement à la découverte des phases de dialogue dans lesquelles notre héros, au brushing aussi résistant qu'une mèche de Tintin,s'adresse à ses coéquipiers aussi mal modélisés que lui. Et pourtant on ne voit que leurs visages. La synchronisation labiale ferait rire un doubleur de série allemande, et le doublage en lui-même n'est pas du tout convaincant. Imaginez une publicité pour Danao conservant le même ton mais dans un registre dramatique. Le résultat fait froid dans le dos : "J'veux du soleil, j'veux Danao" sur un fond musical sombre et des couleurs glauques, dans une prison haute-sécurité. Amusant au second degré, énigmatique au premier. Vos yeux interrogateurs me font comprendre que j'ai oublié de préciser un point délicat. Ce dernier est la présence d'un mode histoire, dans lequel s'inscrit l'exemple que je viens de vous décrire. Toutefois ce petit cachottier dissimule encore de bien belles surprises.

Bercée d'incohérence, la trame scénaristique ne possède même pas le pouvoir d'asseoir la progression dans les différents niveaux, et ne parvient en aucun cas à captiver le joueur. Même si je m'avance quelque peu, je pense qu'un bon épisode de Derrick distrait autant, voire plus. Surtout celui où il se jette sur une voiture, avant de briser la vitre et tuer son occupant. Mais ce n'est pas le sujet. Un exemple ? Mais bien entendu. Une mission palpitante vous entraînera à un moment dans de vastes étendues désertiques, favorables à une paisible contemplation, si seulement un hélicoptère n'essayait pas de vous exterminer rageusement. Après cet épisode éreintant pour le coeur du père Knight, Devon, le vieillard sénile vous servant de directeur vous expose la situation avec un charisme flamboyant : "Le groupe qui a envoyé l'hélicoptère s'appelle...". Et là, Michael le coupe en un geste affûté et déclame le nom de l'organisation en question. Et Devon de répondre : "C'est incroyable, comment le sais-tu". Notre sauveur se lève et lance un : "C'était inscrit sur l'hélicoptère". D'une part, donc, nous avons un homme qui parvient à admirer un véhicule lui envoyant au moins douze missiles toutes les cinq secondes sans problèmes, et de l'autre des ennemis assez idiots pour signer leur méfait. Une vraie lettre anonyme avec signature. Mais peut-on se rabattre sur le côté plus technique ?

Et bien pas vraiment en fait. Certes les décors sont acceptables, et KITT bénéficie de polygones suffisamment bien lissés pour être convaincante dans son rôle d'héroïne de substitution, mais on ne peut s'empêcher de regarder aux alentours. Une action qui équivaut à regarder en bas quand on est sur un pont suspendu. En effet, on se rend compte fort rapidement que le monde qui nous entoure pourrait fort bien être affilié à Matrix. Constamment assaillie de bugs et de problèmes de collisions flagrants, votre progression ne se fera pas sans heurts incessants. Citons pêle-mêle les ombres qui se fondent dans les environnements, les textures baveuses et peu détaillées agressant le chevalier des temps modernes, les explosions peu crédibles, et surtout la physique des objets et éléments naturels qui pose la question de l'utilisation du moteur Havok. C'est en effet cette base qui est usitée dans Painkiller, ou encore le récent Half-Life 2. Le degré de réalisme atteint dans ces deux derniers cas fait atrocement souffrir K 2000 dans la comparaison. Peu de composants sont destructibles, et lorsqu'ils le deviennent par miracle, ils épousent relativement mal l'univers alentour, et manquent cruellement de "poids". Tout comme KITT d'ailleurs.

Alors que l'on espérait conduire une séduisante et racée automobile de luxe, à la puissance tactile et fascinante, on se retrouve au volant d'une sorte de calèche vernie de noir, sûrement composée de divers bois fort légers dont une part de liège, je pense. Rarement vous expérimenterez une telle sensation. Vous vous souvenez des voitures présentes dans V-Rally premier du nom, qui effectuaient des vols planés de 10 à 15 mètres, voire plus, dès qu'elles entraient en collision avec un pixel qui dépassait un peu trop ? Et bien vous ne serez pas dénaturé avec K 2000. KITT est en effet d'un poids un peu trop respectable, et aura tendance à décoller rapidement dans des positions fantaisistes si vous abusez du "boost". Terme qui ne convient d'ailleurs pas vraiment, étant donné que vous effectuerez un saut sur place lors de la pression de la touche affiliée. Dans le même esprit, vous enragerez longuement concernant la maniabilité du bolide, s'emportant de manière irréaliste d'un côté ou d'un autre à la moindre pression innocente sur une direction. Sans compter la gestion de l'accélération qui traumatiserait un Colt Seevers au mieux de sa forme, le volant dans une main, un cigare dans l'autre. Si vous avez le malheur de pousser les gaz à l'arrêt, vous décrivez automatiquement une belle boucle sur vous-même, et si en plus vous indiquez une direction, c'en est fini de la précision de votre futur trajet sur les routes immenses des Etats-Unis. A croire que la gestion du cercle parfait est incluse dans le programme principal de KITT. Ou est-ce encore un coup de Windows XP ? Et que dire des armes en votre possession qui ne peuvent pas pivoter, et vous oblige à faire des manoeuvres valant celles dispensées en auto-école pour avoir la chance de toucher une fois l'un des cinq robots tournant autour de vous. Une impuissance très dommageable, qui s'associe à une inutilité flagrante des missiles, ne disposant pas de système de visée, et s'acharnant à partir vers l'infini et au delà. Voir s'éloigner sa seule chance de survie dans l'horizon laisse une petite larme s'échapper lentement.

Au final donc, et avec ses bonus délirants, comme une présentation du coffret DVD de la première saison en une vidéo compressée de manière discutable, et ses explications du cockpit de KITT, K 2000 : La Revanche de KITT apparaît comme ce que l'on s'attendait objectivement à voir. Détenteur d'une licence mauvaise à la base, le jeu n'avait plus vraiment d'espoir à nourrir, et Davilex en a profité pour planter un clou mortel dans cette victime innocente. Espérons simplement que les développeurs parviendront à s'exprimer plus tard sur un produit moins soumis à tant de tares préétablies. Comme dirait Michael : "Ca ressemble à la salle de bain de Dark Vador". Et on se demande d'ailleurs s'il n'a pas raison.