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N'en déplaise à certains, le jeu vidéo n'est pas seulement un média, mais une culture au sens large. Une culture qui peut se trouver catalysée au sein de plusieurs médias : le sien, bien évidemment, celui avec lequel on joue couramment sur nos consoles ou PC, et dernièrement sur smartphones. Mais aussi par le biais de films (pensez à la chronique Crossed), d'animes (.hack//Sign), OAV, mangas et manwha (Yureka), bandes dessinées (Kid Paddle) et, ce qui nous intéresse aujourd'hui, les Web Comics. Et ce n'est pas LaPetitePelle qui dira le contraire.
Profitant de la récente ouverture de la rubrique Cross Media, je me propose au travers de quelques articles de vous présenter quelques-unes de ces BD en ligne parmi les plus intéressantes ou les plus drôles. Et on commence aujourd'hui avec l'un de mes coups de cœur du moment, The Daily Struggle (que l'on pourrait traduire par L'''Epreuve Quotidienne''). Choix qui peut paraître étonnant, si l'on considère qu'il s'agit de l'un des Web Comics dans l'univers du JV les moins référencés en termes de "culture-gaming", ou qui ne se passe pas directement dans l'univers d'un jeu. Et pourtant, ça en parle bien puisque la BD jette un œil - un brin désabusé - sur un certain pan de l'industrie vidéoludique actuelle.
Native de Metz, Laurel est une jeune dessinatrice de bande dessinée française ayant fait ses armes sur différents sites Web spécialisés, puis comme illustratrice dans un magazine pour enfants et au journal Spirou. Parallèlement à cette activité, elle se lance en 2010 dans une aventure de création de jeux vidéo pour mobiles en participant à la création de l'entreprise Pixowl . Elle part pour ce faire en Californie où elle vit aujourd'hui avec son mari et travaille comme illustratrice sur les jeux de la boîte, tout en dessinant sa série Cerise (éditions Le Lombard), inspirée de sa propre vie de mère. Son blog personnel, où elle poste régulièrement ses planches, est fortement suivi.
Difficile de savoir où commence la vérité et où s'arrête la fiction dans The Daily Struggle. Reposant visiblement sur l'expérience du couple dans la création de leur free-to-play Greedy Grub, la BD raconte les aventures (et c'est le mot) de l'élaboration du jeu mobile fictif Gourmand Caterpillar, depuis les débuts de la start-up jusqu'à la gestion du jeu, en passant par les formalités administratives nécessaires au déménagement international. Mais cela n'est visiblement pas simple, tant les contraintes (apprendre à vivre ensemble, changer de pays) complexifient l'affaire, et tant les velléités de chacun des employés se heurtent à la bonne marche du jeu. En effet, Laurel croque non sans humour les (mauvaises) habitudes de ses collègues fictifs. Arrivistes, colériques, tyranniques, égocentriques, glandeurs parfois, certains des personnages du Web Comics semblent être de bien peu recommandables êtres humains. Sans être dans la tête de l'auteur, on imagine sans mal que ces traits sont forcés pour développer au mieux son histoire. Ou pas ?
Pourtant, fiction ou non, Daily Struggle reste un bon instantané d'une industrie en plein boom, mais dont on perçoit fortement les dérives. Au moyen de ces petites tranches de vie, on assiste à l'élaboration étape par étape d'un jeu mobile free-to-play. Adoptant le point de vue d'un outsider impliqué, Laurel n'a de cesse de décrire nombre de comportements toxiques à la bonne marche d'un jeu : ici un stagiaire plein de bonne volonté passe plusieurs mois sans toucher de salaire, là l'économie in-game se retrouve déséquilibrée pour de simples problèmes d'ego, plus loin le travail d'un employé est phagocyté par un malpoli qui s'en attribue le mérite. La création d'un jeu, même en indépendant, n'est visiblement pas une partie de plaisir, et on ne peut pas dire que le processus, même en grande partie romancé, soit l'idylle tant rêvée par nombre de créateurs qui se lancent dans l'industrie pleins de bonnes intentions.
Toujours en cours de production, les planches de The Daily Struggle paraissent quotidiennement sur le blog de la talentueuse dessinatrice. Suscitant autant l'hilarité que l'empathie envers les personnages, les situations dépeintes ici n'en sont pas moins des possibilités cohérentes des réalités vécues - voire subies - au quotidien par bon nombre des acteurs de l'industrie vidéoludique de ces dernières années. La lecture valant mieux qu'un long discours, je ne peux que vous conseiller d'y jeter un œil par vous-même.
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