Il n’y a pas que du football dans la Commerzbank Arena, le stade de Frankfurt. Il y a aussi du Dota 2. Pendant deux jours ce week-end, huit équipes se sont affrontées devant 30.000 personnes. Diffusée sur notre Web TV, cette compétition, l’ESL One, a passionné. Mais que faut-il en retenir ? Pour y répondre, je suis allé à la rencontre de quelques-uns des artisans de la TV Dota 2 de jeuxvideo.com : v0ja, Hugo, Zoobee et OrmeJuge.

Un bilan de l’organisation

S’installer dans un stade pour un événement aussi médiatique, c’était une première pour Dota 2. L’ESL est une grande habituée des événements e-sport, en témoignent ses nombreux IEM, mais un défi si grand a-t-il été relevé avec brio ? La réponse est oui, même si le retard est venu ternir un petit peu le tableau. Samedi, le show a cumulé environ 2h30 de retard sur le planning annoncé, un souci qu’il a fallu rattraper le lendemain. Ainsi, le dimanche, un match du samedi a dû se jouer, poussant les organisateurs à transformer la finale en Bo3, et non en Bo5 comme convenu. Pour le commentateur v0ja, le pire a été évité :

« Les retards sont fréquents dans ce genre d’événements, même si c’est regrettable pour un tournoi de cette ampleur. Heureusement pour nous, la finale n’a pas été un rapide 2-0 qui aurait frustré le public présent ».

L’ESL est loin de s’être laissé abattre et son organisation sur scène et pour le stream a forcé le respect, avec notamment les réputés Redeye et Soe aux micros, ce qu’atteste v0ja : « Ils ont fait un taf énorme dans l’entre-deux games, avec de nombreux intervenants pertinents et intéressants sur le plateau, de nombreux plans du public, pas mal d’interviews ». Un retard qui a permis aux commentateurs de répondre à un grand nombre de questions du chat, d’offrir une analyse plus poussée des drafts des parties précédentes, etc.

Et l’ambiance alors ?

Toutes les places ont été vendues, 30.000, ce qui n’est pas rien, et malgré un temps gris, la fête était au rendez-vous. Pour Hugo, c’est une victoire pour Dota 2 et l’e-sport : « Je suis content de voir que l’on peut remplir un stade avec du Dota 2. En plus, tous ceux qui en reviennent évoquent une ambiance exceptionnelle ». La chaleur évidente du public n’est pas passée inaperçue en effet, mais tout semble s’être fait dans une convivialité certaine, comme l’indique v0ja : « On a fait gagner des places sur la TV, et les gagnants ont pu prendre des photos avec le staff, avec les joueurs, ce qui n’était pas prévu. Tout le monde était très accessible ».

Le bilan e-sportif s’impose maintenant. Ces huit équipes n’étaient pas de petites cylindrées, et à quelques jours du très attendu The International 4 et ses 10 millions de cash prize, aucune équipe n’avait envie de faire pâle figure. Comment s’en sont-elles sorties ?

Des déceptions sur le terrain

Toutes ces équipes n’ont pas brillé. C’est le cas notamment de mousesports, l’équipe européenne gagnante du qualifier Europe pour The International 4 (TI4). Attendue au tournant, elle s’est pris les pieds dans le tapis. Pour v0ja, c’est une évidence : « mousesports n’a pas été au niveau, alors qu’elle a été brillante pour aller à TI4 ». Elle sort dès le premier tour contre Invictus Gaming en prenant une partie, mais n’est-ce pas plutôt les Chinois qui la lui ont laissée ?

Pour Zoobee, Cloud 9 était également à la rue : « L’équipe a pris une grosse claque contre Alliance, elle n’a rien pu faire de bien ». Le constat est bien plus alarmant pour Na’Vi. Cette équipe légendaire du jeu n’y arrive plus et a encore déçu ses fans. Pour les Ukrainiens, ça ne va pas du tout, ce qui est très inquiétant pour TI4. Zoobee dresse un bilan finalement cinglant : « De toutes les équipes éliminées au premier tour, seule Vici Gaming s’en sort avec les honneurs, le reste a été limite ridicule ».

Alliance, un bon parcours ?

Il faut dire qu’en face, de gros mastodontes ont déployé leur jeu, à commencer par Alliance, que nous qualifions de favorite face à la forme inconnue de Invictus Gaming avant le show. L’équipe tenante du titre à The International est sortie gagnante de son premier match. Pour OrmeJuge, le bilan est positif : « Certes Cloud 9 a été décevante dans ce match, mais Alliance a proposé un sacré niveau de jeu. Elle était bien au-dessus de l’équipe adverse. Par contre, contre Invictus Gaming, elle n’a rien pu faire même si elle n’a pas démérité ».

C’est en effet l’équipe chinoise qui est allée coller un violent 2-0 à Alliance en demi-finale. Pour v0ja, c’est clairement l’équipe européenne qui a construit sa propre défaite :

« Elle a joué la défense dans l’espoir de mettre la machine en route dans le Very Late Game, mais Invictus Gaming connaît très bien ça, elle a l’habitude de briser ses stratégies, elle était préparée. Le souci finalement, c’est qu’Alliance a joué ce qu’il ne fallait surtout pas jouer contre les Chinois ».

Evil Geniuses plus fort que Fnatic

La structure américaine Evil Geniuses a réalisé un bon tournoi puisqu’elle s’est arrêtée en finale, confirmant son excellent parcours à The Summit, qu’elle a gagné. En demi-finale, elle s’est notamment offert Fnatic, l’équipe européenne sous le feu des projecteurs, notamment grâce à l’OVNI Excalibur, ce joueur qui pour sa première sortie a quasiment réalisé un un contre cinq contre Team DK, du haut de ses 16 ans. Médiatisée, Fnatic en est de fait étudiée, analysée, et Evil Geniuses était préparée pour la contrer. Un beau parcours, mais un paradoxe pour EG dans ce tournoi : Arteezy, « un monstre, avec son fameux 2EZ4RTZ » comme le rappelle Zoobee. « Evil Geniuses construit son jeu autour de ce joueur, mais il est passé à côté de son tournoi, de fait ce sont plutôt le support Zai et l’off laner qui ont fait le spectacle » affirme Hugo.

Invictus Gaming, la muraille chinoise

L’équipe chinoise a laissé une impression curieuse au terme de ce tournoi qu’elle a remporté (2-1 en finale). Le titre est là, certaines parties étaient folles de maîtrise et pourtant, il y a comme un arrière-goût d’inachevé. Invictus Gaming a laissé partir deux games, a roulé sur certaines. A-t-elle joué à fond ou est-elle irrégulière ? Pour Hugo, c’est « une équipe à deux vitesses, capable de se prendre un 39 à 11 contre mousesports puis de faire un perfect sans lâcher le moindre kill en finale. Ils ne semblent pas insubmersibles, mais s’ils sont très forts ».

En route vers The International 4

L’ESL One était la dernière grande répétition avant The International 4, ce monstre de l’e-sport que vous vivrez sur la TV Dota 2 dès le 8 juillet. Quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Pour OrmeJuge « les Chinois d’Invictus étaient au-dessus ce week-end, sans aucun doute. Ils étaient inventifs sur les picks et innovants dans la stratégie, en témoigne Kunnkka support. Invictus peut donc gagner TI4 ». Même son de cloche pour Zoobee :

« La Chine est devant, mais Invictus, comme DK, se montre irrégulière. Les équipes occidentales peuvent faire un coup. Fnatic joue bien, Evil Geniuses peut accrocher des parties et puis Alliance et Na’Vi restent des mystères capables de tout. Il est tout de même grand temps que les Ukrainiens sortent de leur torpeur ».

Hugo est également nuancé : « On a vu Vici sortir au premier tour et Invictus perdre des games. Les Chinois sont prenables ». v0ja le sage rappelle que de nombreux autres prétendants au titre à TI4 n’étaient pas de la fête à Frankfurt, comme Empire, Team DK ou Newbee. Pour lui « l’ESL One était un super apéro avant le plat de résistance. TI4 s’annonce fou et très homogène, il est donc impossible de sortir du lot un vainqueur évident dès maintenant ».

La domination chinoise contestée régulièrement par les analystes occidentaux n’est-elle pas le reflet d’un espoir fou, un refus de l’évidence, ou bel et bien une réalité ? L’Europe va-t-elle se dresser face aux géants chinois ou la route est-elle toute tracée pour eux ? La réponse ne va pas tarder à arriver. Il s’agissait en tout cas du premier article d’analyse en compagnie des confrères de la TV Dota 2, mais pas le dernier. Ils ont un avis sur tout et il serait dommage de ne pas vous en faire profiter. Même sur la Coupe du Monde ! Pour Hugo « Deschamps n’a pas fait assez preuve d’innovation dans ses picks face au Nigéria ». Oui, décidément, un avis sur tout.

Crédits photos : Helena Kristiansson et Kelly Kline pour l'ESL. Toutes les photos de l'événement sont à retrouver ici.