Au bord de la Seine près du pont de Sèvres, WizarBox est une jeune PME qui emploie 45 spécialistes en design et programmation, sur l'ensemble du parc existant de consoles et sur PC bien sûr. Je suis reçu par Fabien Bihour, l'un des quatre associés de WizarBox, qui a monté cette entreprise en 2003. Tous les quatre sont issus de Visiware, une entreprise maintenant spécialisée dans la télévision interactive. Leur passion pour ce secteur d'activité, en crise entre 2001 et 2003, lors de la bulle des technologies de l'Internet, les a conduits à développer leur propre société de services dédiés uniquement aux jeux vidéo. Leur activité repose, sous forme de contrats d'assistance, pour trois missions :
1-. La conversion de jeux développés sur PC, vers les différentes consoles. Le premier contrat a été la conversion de Arx Fatalis sur Xbox.
2-. Le soutien ponctuel des entreprises de production de jeux vidéo. On peut citer The Settlers V chez Ubisoft, avec la réalisation de l'apparence et des mouvements de la mer.
3-. L'audit d'entreprises ou de processus en matière de production informatique.
Avec des commandes sur une dizaine de produits par an et une présence internationale forte (Japon, Corée, USA, Europe) WizarBox assure sa stabilité financière.
Ce qui a motivé ce reportage chez WizarBox, c'est surtout leur première création de jeu vidéo, entièrement développée en interne : So Blonde. Inspiré de la série Monkey Island pour le concept « déjanté » et Runaway pour le graphisme, So Blonde bénéficie d'un design beaucoup plus enrichi et d'un humour plus fin.
L'histoire :
Cette aventure met en scène une héroïne, jeune et blonde de surcroît, dans un univers de pirates. Le début de l'histoire présente Sunny (la blonde) en croisière sur un paquebot avec ses parents. Il n'y a qu'à elle que cela puisse arriver, Sunny tombe à l'eau et grâce à un canot de sauvetage, s'échoue sur une île où elle a tout à apprendre, très loin de son habituelle société de consommation. Sa fin d'adolescence va être soumise à rude épreuve.
Historique de production :
Le scénario de So Blonde (document de 400 pages) a été écrit par Steve Ince, une grande pointure en matière de jeux vidéo, qui a rédigé entre autres, les 3 premières aventures des Chevaliers de Baphomet (Broken Sword). Les premières ébauches de So Blonde ont été présentées à la Game Connection en 2005. Une démo financée par le CNC a été produite pour l'E3 en mai 2006. Un contrat de diffusion a été signé avec DTP, Editeur allemand spécialisé dans le jeu d'aventure. La production commence en septembre 2006 pour 14 mois de travail. Le diffuseur pour la zone France n'a pas encore été révélé ; mais, le jeu devrait se trouver dans les bacs pour l'ensemble des localisations (FR, DE, UK, ESP, IT), en mars 2008. Les voix françaises sont de très bonne facture : la doublure de Cameron Diaz interprète la voix de Sunny. Il y aura aussi les voix françaises de Joe Pesci, Pénélope Cruz, Antonio Banderas et Sylvester Stallone pour les plus renommés. Il faudra compter une vingtaine d'heures de jeu pour parcourir l'ensemble de l'aventure, par un joueur expérimenté. Il ne faut pas moins de 8 heures de jeu, en connaissant la solution et en allant droit au but !
Données techniques :
So Blonde est un pur jeu d'aventure Point & Clic, entièrement joué à la souris. Le curseur change de forme pour effectuer les actions d'observation ou de préhension. Le joueur dispose d'un inventaire où il pourra associer les objets ; il y en a 150. L'aventure se décompose en 4 chapitres. Il y a une quinzaine d'écrans par chapitre (58 écrans au total). 16 mini-jeux sont répartis, tout au long de l'histoire, en relation avec l'aventure. Ils sont optionnels, car le joueur peut choisir de passer ce gameplay. Une quarantaine de personnages animent l'aventure. Il y en a, en fait, 8 principaux dont Max, un gentil petit animal de compagnie qui va en voir de toutes les couleurs. Des bonus seront débloqués en fin de partie. Pour couronner le tout, un nombre très important de références à d'autres jeux, des films, des bandes dessinées, sont à déceler dans l'ensemble des décors. Les designers s'en sont donnés à coeur joie.
Conception artistique des décors :
Natalia Renault et Ludovic Delcroix ont très sympathiquement présenté leur travail artistique sur So Blonde. Les différentes phases chronologiques de création des écrans sont accompagnées d'un exemple artistique et authentique.
Le game designer
Le rôle du game designer est d'adapter le scénario de la version "papier" vers la version jeu vidéo (gameplay). Le manuscrit est découpé en écrans sur lesquels sont définis les éléments interactifs. Il intervient régulièrement, au fur et à mesure de l'avancée des travaux des graphistes 3D.
Les graphistes 2D/3D
Sur la base de la définition d'un écran, le graphiste 2D dessine sur une tablette des croquis à main levée (Rough). Puis grâce à un logiciel 3D, les volumes du décor sont créés en environnements 3D.
Ce logiciel permet de faire évoluer les angles des caméras dans le décor. Cela offre la possibilité de choisir le meilleur angle de vue, pour permettre la visualisation des points interactifs, l'optimisation du rendu des ombres et des masques (passage des personnages derrière un objet).
Les ombrages sont calculés directement en 3D et intégrés au décor.
Les zones de déplacement des personnages sont matérialisées par les murs de collision. Sont ajoutées les zones interactives de déplacement.
Vient le moment de l'habillage des volumes 3D (Line Art).
Ensuite le « Line Art » passe entre les mains des coloristes, qui vont commencer la recherche d'ambiance et de couleur sur chaque scène. A partir de ce moment la colorisation peut commencer, en plusieurs étapes.
Les caches 2D sont dessinés et intégrés à l'écran pour donner la profondeur de champ (relief).
Quelques éléments de l'image seront « découpés » et serviront de "masks" lorsque les personnages passeront derrière, (comme par exemple la maison au toit vert).
Enfin les animations 3D et effets spéciaux sont implémentés (mouvements de l'eau, fumée de cheminée, éclairs, roue du moulin, etc.).
Le rendu final est une scène 2D. Des variantes peuvent être créées, comme une scène de nuit.
Conception artistique des personnages :
Les premières images 2D sont réalisées à partir des données du scénariste (recherche design) : âge, apparence, personnalités. La charte graphique est validée. Les logiciels utilisés sont : Photoshop, Painter et Art Rage.
La morphologie du personnage est dessinée sous 3 angles en 2D (model sheet), pour présenter le design final. Les expressions sont ensuite transcrites.
Le personnage est passé en 3D avec près de 3000 polygones. Le programme 3D effectue les mouvements. La texture est appliquée selon la charte graphique initialement définie.
Les enchaînements entre les chapitres :
Des animations 2D, sous forme de bande dessinée, permettent les transitions entre chapitres. Elles assurent la continuité du scénario et permettent d'expliquer certains points de l'histoire.
La première heure de jeu :
Avec Julien Millet (chef de projet), la première heure d'aventure m'est dévoilée. Je peux dire que les graphismes de So Blonde sont très plaisants, grâce à leur look cartoon riche en couleurs et avec de nombreuses animations disséminées dans le décor. Le design a vraiment beaucoup de charme et se différencie des jeux de ses aînés. On se laisse facilement immerger dans les péripéties de Sunny. Au moins au commencement, on reconnaît en Sunny, l'adolescente qui ne s'intéresse qu'à ses petites habitudes (son maquillage, les centres commerciaux, etc.), insouciante de la situation présente. Elle fait connaissance sur la plage d'un petit animal qui sera son compagnon de route. La dévotion de Max, va jusqu'à servir de fronde pour permettre à Sunny d'accéder au pont du bateau. La tête de l'animal est particulièrement expressive lors de cette séquence olympique.
Le premier chapitre se déroule sur la plage et au port des pirates. Tous les ingrédients y sont représentés pour un véritable dépaysement : le perroquet, les noix de coco, les barriques... Il y a toujours du mouvement du fait du passage des oiseaux migrateurs, de la nuée de papillons, des reflets de l'eau, des personnages... La "jouabilité" est simple et efficace. En cas de besoin, une touche spéciale permet de voir les zones en interaction. Une bande-son est fort convaincante. La musique est bien intégrée et les doublages en français sont très soignés, grâce aux comédiens qui ont prêté leurs voix aux personnages hauts en couleur. Les petits jeux sont extrêmement simples à aborder. La règle est précisée au début de l'épreuve. La partie de bras de fer entre Sunny et un pirate ne posera aucun problème de dextérité au joueur. J'ai décelé un clin d'oeil à Obelix et Astérix ; au LeChuck (Monkey Island). Les forums devraient s'animer de concours de recherche des « eggs ».
So Blonde s'adresse vraiment à tout public, quel que soit l'âge ou l'expérience ludique. Cette aventure très "fraîche", permettra de passer de nombreuses heures de jeu dans un univers ravissant et parsemé d'humour.
- Site d'Anaconda