Des propos extrêmement maladroits qui suscitent la polémique : à qui profite le plus Roblox ?

On a souvent tendance à l’oublier, sûrement parce que les jeux vidéo AAA et autres productions vidéoludiques d’envergure lui font de l’ombre, mais Roblox est l’un des titres les plus populaires qui soient. Sa plus grande force, par exemple c’est de parvenir à attirer des millions et des millions de joueurs chaque mois : on estime même qu’ils sont plus de 200 millions à travers le monde et ça, peu de jeux vidéo peuvent s’en vanter. Cependant, Roblox est autant plébiscité par les joueurs qu’il est controversé. Le principal reproche dont il est la cible, c’est bien évidemment son modèle économique qui tirerait très largement profit des créateurs et jeunes développeurs qui alimentent ce « jeu-plateforme ». C’est d’ailleurs sur ce point précis que la chaîne YouTube People Make Games avait tiré la sonnette d’alarme en 2021.

À cette époque déjà, on reprochait à Roblox de s’enrichir sur le dos de ses développeurs puisque ceux-ci étaient rémunérés par le biais d’un pourcentage perçu sur la vente de Robux (la monnaie virtuelle du jeu). Après calcul, il s’avérait que la vente de Robux rapportait quatre fois plus à l’entreprise derrière le jeu qu’à ceux qui assurent son suivi avec de nouvelles idées créatives. On l’a compris : cela fait maintenant un bon moment que Roblox est dans le collimateur de certains joueurs et entités, et le responsable du studio, Stefano Corazza, n’a fait que rajouter de l’huile sur le feu en s’exprimant, en ces termes et au sujet du modèle économique et de l’exploitation de (très) jeunes développeurs, auprès du site Eurogamer.

Je ne sais pas, on peut dire cela de beaucoup de choses, n'est-ce pas ? Par exemple, on peut dire : « D'accord, nous exploitons le travail des enfants », n'est-ce pas ? Ou bien vous pouvez dire : nous offrons à des gens partout dans le monde la possibilité d'obtenir un emploi, et même un revenu. Ainsi, je peux avoir 15 ans, en Indonésie, vivre dans un bidonville, et maintenant, avec un simple ordinateur portable, je peux créer quelque chose, gagner de l'argent et subvenir à mes besoins.

Il y a toujours le revers de la médaille, lorsque l'on s'élargit et que l'on se démocratise - et dans ce cas, également avec un public plus jeune. Je veux dire par là que le développeur de jeux moyen a une vingtaine d'années. Mais bien sûr, il y a des adolescents - et nous avons embauché des adolescents qui avaient des millions de joueurs sur la plateforme. (...) Pour eux, vous savez, d'après leur expérience, ils n'ont pas eu l'impression d'être exploités ! Ils ont pu se dire quelque chose du genre : « Oh mon Dieu, c’est le plus grand des cadeaux, tout d'un coup je peux créer quelque chose, avoir des millions d'utilisateurs, je gagne tellement d'argent que je peux prendre ma retraite ». De ce fait, je me concentre donc davantage sur la somme d'argent que nous distribuons chaque année aux créateurs, qui avoisine désormais le milliard de dollars, ce qui est phénoménal.

Une réponse bien rodée du patron de Roblox pour rectifier le tir

Il fallait s’en douter, cette sortie médiatique n’a fait que renforcer la controverse déjà très prégnante autour de Roblox, quand bien même Stefan Corazza a indiqué que « la grande majorité des personnes qui gagnent de l’argent sur Roblox ont plus de 18 ans » et que cela a permis à de nombreux enfants et adolescents de s’essayer à la programmation grâce à l’apprentissage du script Lua. Sentant que la récente communication organisée lors de la GDC échappait quelque peu à l’entreprise, le responsable de Roblox a tenu à clarifier les déclarations. D’une part en précisant que la société n’embauche pas de mineurs et, d’autre part, en détaillant la philosophie de l'entreprise derrière le « jeu-plateforme » phénomène.

Pour que le message passe correctement, Stefan Corazza a tenu à rappeler que Roblox « s’adresse à une large communauté de créateurs (...) qui s’y intéressent pour de nombreuses raisons », est « un outil éducatif, l’éducation étant une valeur de l’entreprise, une partie de son ADN (...) utilisé par de nombreux enseignants du monde entier », est un lieu où le principal facteur de motivation est le plaisir de création et non la monétisation - comme le suggérerait une récente enquête de la part de la société -, ou encore qu’il s’agit d’une plateforme qui facilite la vie des développeurs sur certains axes, qui revalorise leurs revenus et qui offre davantage d’opportunités pour leur permettre de gagner de l’argent. Pour clôturer tout cela, Stefan Corazza a souhaité souligner que « plus de 90 % des 1 000 expériences les plus performantes en termes d'heures d'engagement, en 2023, appartenaient à des développeurs âgés d'au moins 18 ans ». Une communication bien rodée qui prouve tout de même qu’environ 10% de ces expériences proviennent d’individus mineurs qui ont un grand rôle à jouer dans l’écosystème de Roblox.