Faut-il imiter les plus grands succès pour espérer en devenir un soi-même à son tour ? C'est une question intéressante soulevée par les propos d'Akira Toriyama. Lors d'une interview en 2018, il déclare privilégier les mangas à forte identité plutôt que ceux inspirés d'œuvres déjà connues.
Des mangas best-sellers qui manquent d'originalité selon le papa de Dragon Ball
Au Japon, le manga est une activité plus que culturelle. Il fait partie intégrante de la vie quotidienne d’une majeure partie de l’archipel. Depuis des décennies, nombreux doivent être les dessinateurs ayant l’ambition de réaliser leur propre œuvre. Un milieu qui a tendance à saturer avec, parfois, les mêmes types de succès : des mangas à destination d’adolescents qui apprennent à travers le protagoniste le goût de l’effort, du dépassement de soi ou encore de l’importance des relations humaines. Un type de manga appelé shônen. Ces histoires, aussi variées et excellentes qu’elles peuvent l’être (My Hero Academia étant selon moi la meilleure incarnation du shonen), se ressemblent un brin. Un constat observé par Akira Toriyama, le créateur de Dragon Ball. Dans une double interview (avec Takehiko Inoue, derrière Slam Dunk et Vagabond) accordée au Weekly Shonen Jump en 2018, il explique :
C'est bien que les auteurs de manga en herbe soient influencés par leurs auteurs préférés, mais j'aimerais qu'ils soient fiers et qu'ils ajoutent un peu d'originalité qu'ils sont les seuls à pouvoir apporter.
Il convient d’ajouter que cet entretien s’est réalisé dans le cadre du Prix Tezuka : un prix visant à encourager les mangakas prometteurs à continuer leur travail. Cette récompense, ce sont par exemple Nobuhiro Watsuki (Kenshin), Eiichiro Oda et Naoki Urasawa qui l’ont récupérée.
Une identité forte incompatible avec succès commercial ?
À la lumière des lauréats des années précédentes, difficile de donner tort à Toriyama. Les auteurs récompensés ont rarement vus leurs œuvres devenir des best-sellers dans le monde entier. Sur la dernière décennie écoulée, les deux plus connus étant probablement March comes like a lion et Golden Kamuy. Elles ne sont pas des œuvres populaires comme peuvent l’être Jujutsu Kaisen, Blue Lock ou encore l’Attaque des Titans. Mais nul doute qu’elles se distinguent du reste. C’est ce genre d’œuvres que Toriyama veut voir :
Alors que la qualité du travail lui-même augmente, l'individualité et la fierté de son travail diminuent. J'aimerais tomber sur un manga qui me fasse penser que cet auteur doit être fou !
Pour faire le parallèle avec le milieu du jeu vidéo, les propos récents de Hidetaka Miyazaki résonnent avec ceux de Toriyama. Le réalisateur de From Software, derrière entre autres Elden Ring et Sekiro : Shadows Die Twice (tous deux élus jeux de l’année), a expliqué le mois dernier son processus créatif à JV. Il avait alors indiqué se soustraire le plus possible à l’influence d’œuvres déjà existantes : chaque réalisation artistique est le produit d’une description seulement écrite. De quoi laisser libre cours à l’imagination des équipes… et stimuler la curiosité des joueurs en intégrant ces mini-biographiques dans le jeu.