Un peu de contexte : Elon Musk, X (ex Twitter), et l'ADL

Vous le savez déjà, Elon Musk a racheté Twitter, renommé récemment "X", il y a moins d'un an, le 27 octobre 2022. Depuis, la plateforme a vécu de lourds changements, presque tous polémiques. Ces quelques mois furent extrêmement intenses pour l'oiseau bleu et, si nous voulions vous résumer toutes les frasques d'Elon Musk durant cette période, il faudrait un long article entièrement consacré à ce sujet. Dans le cadre de ce papier, il ne faut retenir que 3 éléments, les trois choses qui ont le plus fortement impacté la rentabilité du réseau social :

• Le patron a d'abord viré énormément d'employé(e)s en enchaînant les déclarations choc. De quoi faire peur aux annonceurs.
• Elon Musk a ensuite tout fait pour mettre en avant sa formule d'abonnement Premium (plus connu sous son ancien nom, "Twitter Blue"). Puisque Twitter semblait se diriger vers un modèle économique qui délaisse la publicité, les annonceurs ont, là encore, pris un peu peur.
• Enfin, Elon Musk, grand défenseur de la liberté d'expression absolue, a rendu la modération de Twitter plus souple que jamais. De nombreux comptes suspendus pour incitation à la haine furent de retour sur le réseau social. En toute logique, là encore, les annonceurs n'ont pas bien réagit : aucune marque n'a envie de voir son produit mis en avant entre deux déclarations pouvant être qualifiées de racistes, misogynes ou homophobes par exemple.

C'est ce troisième point qui agace le plus l'''Anti-Defamation League''. L'ADL, première organisation de lutte contre l'antisémitisme aux États-Unis, alertait déjà l'oiseau bleu bien avant l'arrivée de Musk aux commandes. En 2016, l'ADL avait déjà prouvé, étude à l'appui, que les messages antisémites étaient très mal modérés sur cette plateforme. Dans la continuité de ce travail, l'ADL a publié un nouveau rapport en 2023. Comme vous pouvez le constater sur les graphiques ci-dessous, Twitter aurait toujours bien du mal à supprimer les contenus haineux.

Source : ADL

La goutte d'eau qui fait déborder le vase : Elon Musk va-t-il vraiment porter plainte ?

Fin août 2023, le directeur de l'ADL Jonathan Greenblatt a déclaré avoir échangé avec la PDG de X mise en poste par Elon Musk, Linda Yaccarino. C'est cette dernière qui aurait été à l'initiative d'un échange décrit par Greenblatt comme étant "constructif" et "franc". Jonathan Greenblatt a donc posté sur X un court texte dans lequel il annonce être prêt à saluer les décisions d'Elon Musk si les choses venaient à s'arranger dans les prochaines semaines, tout en se réservant le droit de dénoncer à nouveau publiquement la plateforme dans le cas contraire. Depuis, ce post a été supprimé par son auteur.

Il ne nous reste plus que la réponse de Linda Yaccarino.

Pourquoi avoir supprimé le message ? En toute logique, c'est à cause du harcèlement qu'a subi Greenblatt. En effet, sa déclaration, pourtant plutôt mesurée, a provoqué la colère d'Elon Musk et de nombreuses figures de l'extrême droite américaine. Certains gros comptes de suprémacistes blancs précédemment bannis avant d'être rétablis par Elon Musk lors du rachat de Twitter ont copieusement insulté Jonathan Greenblatt et lancé le hashtag #BanTheADL (Interdissez l'ADL).

Le milliardaire a liké plusieurs tweets issus de ces comptes connus pour leur antisémitisme. Il a même répondu à Keith Woods, un petit youtuber nationaliste issu de l'Alt Right et frontalement raciste. Musk semble souscrire totalement aux analyses de Woods sur l'ADL. Il lui précise même que l'organisation aurait "fortement essayé d'étrangler Twitter/X". Trois jours plus tard, Elon Musk est revenu à la charge en accusant l'ADL d'avoir tenté de "tuer" Twitter avec de "fausses accusations" d'antisémitisme. Selon lui, les revenus publicitaires de Twitter aux USA seraient en forte baisse, non pas à cause des 3 raisons que nous évoquions en début d'article, mais à cause de la pression mise par l'ADL sur les annonceurs.

Pour rappel, d'après les informations du Wall Street Journal, les revenus de Twitter auraient chuté d'environ 40% entre décembre 2021 et décembre 2022, soit avant la publication du dernier rapport d'ADL en 2023. Après la débâcle des débuts de Twitter Blue, l'explosion des délits d'usurpation d’identités et le licenciement d’une partie des équipes de modération, à peu près 70% des 100 plus grands annonceurs de Twitter n’ont pas acheté de publicité à la plateforme... fin 2022.

Crédit : Mashable screenshot

Dans la foulée, le milliardaire annonce vouloir porter plainte contre l'organisation de lutte contre l'antisémitisme. Elon Musk compte sûrement aller au bout de ce qui se dessine comme étant une procédure bâillon. Pas plus tard que le mois dernier, l'homme d'affaires a bel et bien déposé une plainte contre un organisme similaire, le Center for Countering Digital Hate. Ce dernier avait alors publié un rapport démontrant que les messages des abonnés à Premium n'étaient presque jamais modérés.