Film japonais de Keisuke Kinoshita
Titre original : Narayama bu-shiko
Scénario : Keisuke Kinoshita
Année : 1958
Décors : Kisaku Ito (faut quand même rendre hommage à ce monsieur)
Photographie : Hiroyuki Kusuda (à ce monsieur aussi d'ailleurs)
Avec : Kinuyo Tanaka, Teiji Takahashi...

Synopsis : Un village de haute montagne, au Japon : selon une coutume ancestrale, et, à cause du manque de nourriture, les hommes et les femmes de plus de 70 ans doivent être transportés sur le dos, par un des leurs, et abandonnés au mont Narayama. La vieille Orin, en âge d'y être conduite, encourage son fils, Tatsuhei, à accomplir cette tâche. La mère est déterminée mais le fils agit contre sa propre volonté.

A ne pas confondre avec le film du même nom de Shohei Imamura sorti en 83 (c'est lui qui a eu la Palme d'Or).

J’avais déjà vu le remake de Imamura, donc forcément c’est difficile de ne pas faire la comparaison. En tout cas c’est ce que je redoutais au début, que mon impression du premier m’empêche de me concentrer sur celui-ci. Mais franchement cette impression a vite été balayée, parce que si dans le fond c’est exactement le même film, sur la forme difficile d’être plus opposé.
Le film d’Imamura prenait le parti de raconter l’histoire de manière assez intime, près des corps. Ça donnait quelques chose d’assez cru et érotique. Là c’est exactement l’inverse : énormes studios, décors très stylisés, avec énormément de références au kabuki. Entre deux scènes le shamisen se ramène et on chante ce qu’il se passe à l’écran. Bref on se distance le plus possible du récit pour faire quelque chose de grandiose.

Et mon dieu, que c’est grandiose ! Déjà l’image est magnifique : les lumières très stylisées sont omniprésentes, on passe de reflets violets, à un éclairage en douche pour enchainer sur un noir total… Bref on en fait des tonnes, toujours pour accompagner les acteurs. Ensuite les décors… j’ai rarement vu un aussi beau travail en studio. Chaque plan est magnifique, les couleurs ressortent, et le cinémascope est somptueux. Ce qui rend le fameux voyage encore plus beau, parce que la ballade à travers ces décors est magnifique. Et quand à la fin il se met à neiger, j’ai dû avoir un orgasme esthétique, j’en pouvais plus. Les seuls décors en studio qui peuvent rivaliser avec ce film sont ceux des Contes de la lune vague après la pluie je pense, du moins de ce que je connais.

Bon je ne vais pas m’étendre sur le fond, il est connu. C’est une belle histoire, sur la vieillesse et la jeunesse, le sacrifice, la recherche de soi… Kinuyo Tanaka est une légende, elle illumine le film comme elle en a illuminé des dizaines d’autres dans sa carrière.

Voilà donc c’est vraiment un très grand film, que je reverrais sans doute quand je m’intéresserai à la filmo de Kinoshita. J’avais peur de la comparaison avec le film d’Imamura, mais en fait les deux se complètent à la perfection. Ils reflètent chacun une partie de l’histoire du cinéma japonais, l’époque classique avec ce film, et l’après nouvelle vague avec le « remake » (j’ai même plus envie de l’appeler comme ça tellement ils sont différents). D’ailleurs je ne serais pas étonné d’apprendre que Imamura détestait l’original, et vice versa.
Bref deux monuments du cinéma japonais pour une seule histoire, c’est fascinant.

Je ne me doutais pas que tu serais autant emballé ! Enfin disons que c'est un peu tout ou rien, vue la forme si particulière du film qui pourrait en rebuter quelques uns, mais je vois qu'on a ressenti les choses de la même manière, j'en suis donc ravi !

"D’ailleurs je ne serais pas étonné d’apprendre que Imamura détestait l’original, et vice versa."

Il me semble avoir lu quelque part que Kinoshita avait traité le remake de "pornographique".

Aller pouf, mon court avis c/c de cinélounge.

J'adore l'influence qu'a le théâtre Kabuki sur ce film. Ca se sent dans la mise en scène, majoritairement en plans large et aussi avec cette "voix off" chantée qui nous raconte certaines parties de l'histoire. Ces deux éléments disparaissent vers le milieux du film au profit d'un style plus classique mais ils reviennent dans la deuxième moitié. La musique traditionnelle elle est omniprésente et accompagne le rythme du récit, c'est un style de musique avec un ton assez particulier, très mélancolique, donc si on y est allergique il vaut mieux passer son chemin. On a également une parfaite utilisation des décors studio, sublimes au passage, qui nous ramène une nouvelle fois au théâtre quand un arrière-plan tombe ou glisse latéralement pour laisser la place à un autre, changeant radicalement d'ambiance. Il se passe la même chose parfois avec les éclairages qui changent subitement, ça je l'avais déjà vu dans certains films de Nakagawa mais ici c'est encore mieux exploité. C'est un très beau film sur la vieillesse mais aussi sur la condition villageoise et j'ai déjà envie de le revoir, ne serait-ce pour mieux cerner et analyser cette oeuvre.

Vraiment intéressant, et c'est vrai que le film a une ambiance vraiment particulière avec son côté théâtre, son éclairage, ses chants et ses décors.
La fin est vraiment émouvante d'ailleurs.