Constituant à la fois l'atout majeur de Nintendo pour le lancement de la Wii et le dernier titre de grande envergure disponible sur GameCube, Twilight Princess connaît donc une sortie quasi simultanée sur deux consoles différentes, le 8 décembre 2006 pour la Wii et le 15 décembre pour la GameCube. Une première dans l'histoire de la saga, qui permet de ne laisser personne sur la touche et de rassurer tout le monde suite aux rumeurs laissant croire à l'annulation possible de la version GameCube. Afin de dissiper une fois pour toutes les doutes que certains pourraient encore avoir à ce sujet, rappelons que les différences entre les deux versions sont minimes. Sur Wii, le jeu profite du format 16/9 proposé en option, et l'immersion se voit renforcée par les joies du maniement de la wiimote dont les mouvements sont liés au contrôle de l'épée ainsi qu'à quelques armes secondaires.
Proposant un contenu identique jusque dans sa réalisation, la version GameCube a le mérite de proposer une gestion manuelle des caméras, affiliée au second stick. Pour le reste, on peut préciser que tout ce qui se trouve à gauche sur Wii apparaît à droite sur GameCube, et réciproquement. L'effet miroir propre à la Wii aurait été mis en place pour mieux se prêter au système de contrôle de la console reposant sur la complémentarité entre le nunchuk et la wiimote. Ceci explique pourquoi Link se retrouve pour la première fois droitier dans la version Wii, alors qu'il reste gaucher sur GameCube.
Confié à l'équipe d'Eiji Aonuma en charge de la série depuis les épisodes N64, le développement de Twilight Princess s'annonce dès le début très ambitieux. Rompant totalement avec le style audacieux mais néanmoins sujet à polémique de Wind Waker, ce nouvel opus a la prétention de faire l'unanimité auprès des fans en proposant la quête la plus grandiose, la plus épique, et la plus fascinante que Link ait jamais vécue. Très inspiré par Ocarina of Time, épisode fétiche d'une grande majorité de joueurs, Twilight Princess nous replonge dans une vision sérieuse de la légende de la Triforce, influencée par une multitude de références issues du cinéma, de l'animation ou du domaine du jeu vidéo. Oscillant dans des atmosphères variables où la parodie et la légèreté laissent régulièrement la place à des scènes beaucoup plus graves, et n'hésitant pas à basculer parfois complètement dans une fresque épique digne de Tolkien, le soft provoque chez le joueur un émerveillement constant. Car ce n'est pas parce qu'il puise parfois dans les oeuvres les plus inspirées que Twilight Princess est dénué de personnalité, bien au contraire. On remarquera par ailleurs que les trois provinces d'Hyrule de Twlight Princess, qui correspondent également aux esprits de Firone, Ordinn et Lanelle, donnent dans la version anglaise : Faron, Eldin et Lanayru, des noms qui renvoient directement aux trois déesses qui sont à l'origine de la Triforce (Farore incarnant le courage, Din la force et Nayru la sagesse). Autre clin d'oeil direct avec les précédents volets de la série, on notera que tous les hurlements du loup renvoient directement aux airs joués à l'Ocarina dans Ocarina of Time.
Loin de chercher la facilité, le titre prend le risque d'explorer des voies complètement nouvelles, à l'image de la dualité du héros au sein duquel la bête prend parfois le dessus sur l'Hylien. A l'instar de certains autres volets de la série, le soft dévoile ainsi un monde qui se découvre sous deux formes distinctes selon qu'il est vu à travers les yeux de l'homme ou à travers le regard farouche du loup. Là où la tension qui régnait dans Majora's Mask était due à la présence constante d'une lune maléfique menaçant d'anéantir tout le domaine de Termina, l'angoisse qui pèse de façon palpable sur le royaume de la princesse Zelda dans Twilight Princess se ressent à chaque fois que le ciel se déchire pour déverser les créatures de l'ombre sur les plaines verdoyantes d'Hyrule. L'intrusion du mal dans le monde de la lumière ne fait que traduire les tourments infligés au royaume crépusculaire par des entités dont on ignore la provenance et les motivations.
Tout aussi perdu que le joueur et à peine conscient d'être l'instrument d'enjeux qui le dépassent, Link choisit pourtant de se fier à celle qui semble avoir cru bon de le libérer de ses fers alors que les ténèbres le contraignaient pour la première fois à l'état animal. Qui est donc cette mystérieuse Midona aux traits troublants, si fière lorsqu'elle chevauche le loup que notre héros est devenu, et pourtant terrifiée par des choses dont la portée ne nous apparaît jamais clairement ? S'il est vrai que l'aventure regorge de personnages aussi dérangeants qu'inoubliables, c'est assurément cette créature au visage changeant qui retient l'attention du joueur malgré toute la méfiance qu'elle peut lui inspirer.
Plus encore que dans n'importe quel autre épisode de la série, Twilight Princess est l'exemple parfait du jeu qui combine le meilleur sans jamais commettre un seul faux pas. Non content de proposer une trame intelligente et captivante, le soft jouit d'un découpage dénué de temps morts et d'un gameplay qui constitue l'apothéose de ce que peuvent nous offrir Ocarina of Time et Wind Waker réunis. Si l'exploration incontournable des traditionnels donjons nous plonge dans un trou noir temporel tant on est happé par la résolution des énigmes et la lutte contre des boss apocalyptiques, les phases intermédiaires comportent tout autant de scènes mémorables qui valent vraiment la peine d'être jouées. Très sombre sous bien des aspects, en tout cas beaucoup plus que les précédents volets de la série, le soft n'en oublie pas pour autant de nous offrir son lot de quêtes annexes et de mini-jeux réservés aux plus persévérants. D'une durée de vie colossale, l'aventure fascine de bout en bout alors même que l'on croyait ne plus pouvoir se laisser surprendre par une saga qui est visiblement loin d'avoir livré tous ses secrets. Il faudra du temps pour s'en remettre !