Rappelez vous, nous sommes à l'E3 2013 et après une conférence Xbox consternante, tout le staff Sony est monté sur scène le sourire jusqu'aux oreilles, et s'est mis à tabasser la Xbox One nouvellement présentée. La communication de Microsoft, désastreuse dès l'intronisation de la One à Los Angeles, a probablement été l'un des premiers arguments de vente d'une PlayStation 4 qui obtenait sans forcer le soutien d'une énorme partie des joueurs. Et même une partie de ceux ayant fait leurs armes sur Xbox 360. Et dès les premiers mois de sortie, le verdict fut évident : la PlayStation 4 était moins chère, suffisamment plus puissante pour que le 1080p/60fps devienne un argument marketing, et proposait un répertoire de jeux autrement plus touffu que sa rivale. Si cette dernière assertion reste critiquable aujourd'hui encore, il y a un fait que l'on ne peut nier : avec son prix, son positionnement simple (à mettre en opposition avec la console multimédia de Microsoft, trop compliquée à vendre au grand public), et une ludothèque efficace, la PlayStation 4 a semé sa rivale dès les premiers mètres de la course.
A l'orée d'une nouvelle année pleine de promesse, où en sont les deux compétiteurs ? Eh bien, tout le monde le sait, Sony est loin, loin, loin devant. Avec 17,5 millions de PlayStation 4 vendues en 2015, le géant japonais frappe fort, tellement fort en fait que l'on a du mal à estimer et comprendre ce succès. À titre de comparaison, sachez que fin 2008, on on comptait environ 21,1 millions de PlayStation 3 vendus dans le monde. Soit un peu plus de deux ans après sa sortie, fin 2006. En somme, la PS4 a fait aussi bien un an que sa grand sœur en deux ans et demi, à quelques millions près.
Même au Japon, où le marché évolue et où les joueurs s'intéressent de moins en moins aux consoles de salon, la PS4 fait de jolis scores. D'après Media Creates, il s'en serait vendu plus de deux millions dans l'archipel (2 363 228 au dernier relevé). Un chiffre à mettre en opposition avec les deux premières années de vente de la PS3 au pays du soleil levant, puisque sur la même période, la machine pourtant décriée par une partie des joueurs alors s'était écoulée à plus de 4 millions d'exemplaires, un très joli score. En somme, même sans le soutien indéfectible du public japonais, la PlayStation 4 se vend par cargo.
Un public toujours plus large
Il serait pourtant idiot de croire que ce succès incontestable est dûe uniquement à la migration des joueurs Xbox 360, un fait inconstestable que certains cadres de Sony n'ont pas hésité à mettre en avant pour justifier la multiplication des remasters PS4 de succès PS3. Si Microsoft ne donne plus de chiffres de vente concernant sa console, on sait qu'à la fin de l'année 2015, les ventes de Xbox One étaient loin d'être aussi ridicules que certains voudraient le faire croire. Si le chiffre de 18,5 millions avancé par certains est basée sur une estimation manquant cruellement de pertinence (le nombre de One connectées au live fin 2015), on peut affirmer que la console s'est de toute manière écoulée à plus de 15 millions d’exemplaires. Si le chiffre est dérisoire, mis à côté des résultats de la console de Sony (35,9 millions au 5 janvier 2016), il est beaucoup plus parlant lorsqu'on compare ces chiffres aux ventes de Xbox 360, fin 2007. Grâce à NPD, on sait que la console de 7ème génération de Microsoft s'était écoulée à 17,7 millions d'unités. Des résultat finalement assez similaires à ceux que connaît aujourd'hui la One. Alors d'où viennent tous ces acheteurs ?
Ce n'est un secret pour personne, la Wii de Nintendo, sortie fin 2006, a créé un véritable cataclysme dans l'industrie du jeu vidéo, et a largement démocratisé ce loisir auprès du très, très grand public. Les deux autres consoles de cette génération ont elles aussi contribué à ce développement et aujourd'hui il existe de plus en plus de joueurs. Des nouveaux venus qui se sont tournés vers la PlayStation 4, faisant gonfler des rangs déjà plutôt dodus des joueurs Sony.
La console de (monsieur) tout le monde
Ce qui nous amène donc à cette comparaison certes peu subtile mais qui n'en demeure pas moins pertinente : la PlayStation 4, c'est un peu la Wii de cette génération. La Xbox One complètement larguée, la Wii U réservée aux fans de Nintendo, la PS4 est devenue la console d'un peu tout le monde, par défaut. Mais ce succès inégalé est différent de la petite machine de Nintendo.Si elle a la chance de pouvoir compter sur une ludothèque bien plus complète, et si ce n'est pas un concept original qui lui permet de se vendre, le fait qu'elle ait longtemps été moins cher que la Xbox One lui a permis de se faufiler sans souci aucun dans de nombreux foyers du monde entier, du salon d'une petite famille tranquille aux chambres estudiantines de geeks toujours aussi passionnés. Avec des chiffres de vente record, la PlayStion 4 démocratise un peu plus le jeu vidéo, comme la défunte console de Nintendo en son temps.
Mais elle le fait différemment. Si Nintendo avait séduit de nouvelles populations (plus jeunes et plus âgés, notamment), Sony vise toujours les adolescents et les jeunes adultes, en établissant ici et là des partenariats avec différents éditeurs. Ainsi, lorsque Microsoft mit un terme à son partenariat avec Activision et Call of Duty, Sony a sauté sur l'occasion et récupéré quelques menues exclusivités, faisant de la PlayStation 4 LA console pour les amateurs de Call of Duty. À ce titre, personne n'a été étonné d'apprendre que c'est la version PS4 de Call of Duty Black Ops III qui s'est le plus vendue, devant les versions One (logique)... mais aussi PC. En septembre 2014, la console de Sony avait pu compter sur un autre partenariat avec Activision pour mettre en avant sa console. C'était cette fois pour Destiny, le nouveau FPS de Bungie. La version PS4 de ce shooter nouvelle génération disposait de quelques bonus cosmétiques, et aux USA où le jeu était particulièrement attendu, les bundles PS4-Destiny se sont arrachés. C'est en tout cas ce qu'expliquait Sony en septembre 2014, quand il expliquait le succès de sa machine sur ce mois précis. Autre signe de l'engouement des joueurs PS4 pour Destiny : on apprenait en septembre dernier que Le Roi des Corrompus, la troisème extension du titre de Bungie, devenait le titre le plus téléchargé « day-one » sur PlayStation 4.
Avec un tel parc de consoles, on pourrait croire que les exclusivités PlayStation 4 se vendent à la pelle également, mais il n'en est rien. Bloodborne, probablement le meilleur titre de la console de Sony et l'un des meilleurs jeux de 2015 a péniblement dépassé les 2 millions d'exemplaires. Normal, dira-t-on, puisqu'il se destine à un certain public. La Nathan Drake Collection a déçu, n'apparaissant pas dans le top 10 des ventes du mois d'octobre 2015 aux USA, alors que les sorties ne se bousculaient pas au portillon (à titre de comparaison, Halo: The Master Chief Collection, similaire dans ce qu'il proposait, pointait en novembre 2014 à la dixième position, alors que le mois était particulièrement chargé). Ce qui a fait vibrer les joueurs, ce sont des gros hits de fin d'année, comme Star Wars Battlefront ou Fallout 4. Le premier étant au centre d'un accord entre Sony et EA, le second étant la représentation de la volonté de Bethesda de démocratiser une licence jusqu'alors réservée à une petit niche de joueurs. Notez que sur Xbox One, les résultats ne sont pas bien différents (Battlefront, FIFA 16, Black Ops III et Fallout 4 occupent eux aussi de belles positions), mais proportionnellement parlant, les exclusivités maison fonctionnent mieux. Aujourd'hui, la PlayStation 4 est la console de monsieur/madame tout le monde, qui n'est donc pas forcément intéressé(e) par les exclusivités de la machine de Sony, mais qui veut simplement jouer aux derniers gros jeux hyper médiatisés, ou très populaires dans le cercle d'amis. C'est, en grande partie, ce qui garantit le succès démentiel de la PlayStation 4. Un succès qui n'est pas près de ralentir.