Maintenant, il ne faut pas attendre que le genre post apocalyptique existe pour que le voyage soit nécessaire à l’existence même du Héros. Entre Gilgamesh et Ulysse, les cas d’Histoires dans lesquelles le héros est sédentaire sont excessivement rares. Le voyage est tellement indissociable du héros, que ce facteur narratif fort a poussé de nombreux auteurs à tenter de théoriser cet ensemble. En 1949, Joseph Campbell s’attaquera à cette problématique en tentant de la généraliser aux mythes et à la psychologie du héros dans « le Héros aux mille et un visages ». Aujourd’hui, cette thèse est encore très influente, notamment dans le milieu des scénaristes, ce qui a pour principal résultat de donner l’impression aux spectateurs d’avoir regarder le même film lorsqu’ils ont pris la peine de regarder tous les blockbusters sortis en une année.
Sans vouloir appliquer cette théorie de Joseph Campbell sur tout ce qui dépasse, pourvu que cela soit narratif, et en prenant toutes les précautions possibles et imaginables en conjurant les futurs scénaristes de lire cet ouvrage, pour mieux l’oublier après, s’ils ne veulent pas écrire tous la même histoire, il y a un point très particulier qui illustre le voyage du héros à proprement parler dans cette théorie du récit.
Si le récit existe parce que le héros décide d’accepter de faire un voyage, il devient à proprement parler un héros parce que ce voyage est extraordinaire. En substance, notre héros passe dans « le monde de la nuit ». C’est ici que les conditions du récit vont devenir fantastiques à proprement parler. Au delà d’un déplacement physique simple, c’est surtout un déplacement de l’esprit en dehors de sa « zone de confort » dont il est question. L’idée n’est pas d’aller d’un point a à un point B. L’idée, est de confronter le personnage à des évènements, des rencontres, amicales ou hostiles, qui vont au delà de sa compréhension, et surtout qui lui feront prendre conscience de la fragilité tant de son corps et de son esprit face à un inconnu dont il ignore tout de la puissance. C’est en réagissant face à cet inconnu que le geste héroïque se créé alors.
Fort de cet accomplissement, et devenant héros, le voyage de ce dernier peut avoir plusieurs portées symboliques, mais au final, l’accomplissement du héros ne nait que lorsqu’il cesse de l’être. Les méthodes pour que cette prise de distance avec le statut de héros sont multiples. Il peut y avoir une transformation du personnage, comme dans le jeu S.T.A.L.K.E.R, lui interdisant alors tout acte héroïque futur. On peut aussi cesser d’être un héros en devenant une légende, et généralement, pour arriver à ce statut, il faut faire comme dans Mass Effect ou le premier Dragon Age : il faut mourir (même si ce n’est pas obligé, mais l’alternative fatale du personnage dans ces deux récits existe bien, mais pas en tant que condition d’échec du joueur). Mais la solution la plus pratique est celle de respecter le schéma théorisé par Joseph Campbell, en incitant le héros à revenir du monde de la nuit à celui du jour : le quotidien. Au bout du compte, les options de « continuer l’aventure » une fois qu’une quête principale est accomplie, n’est qu’une traduction simple d’un « retour au quotidien »...
Dans Skyrim, une fois la quête principale terminée, on peut continuer à faire l’aventurier en s’occupant des quêtes secondaires : mais on ne sera plus un héros. Ceci étant, un héros réalisant son trajet vers le monde du jour, ce qui l’attend quotidiennement jusqu’à la fin de ses jours, peut réagir aussi à travers une forme de rejet de ce voyage vers un retour à la normale... Lara Croft le signifie d’une manière très forte à la fin du jeu Tomb Raider, sorti en 2013.