Développé par des anciens de la team Bioshock et de Dead Space (les maîtres de l’horreur huit-clos) , Perception avait déjà pointé le bout de sa canne en mai 2017 sur PC avant d'arriver sur PlayStation 4 et Xbox One pour finalement atterrir sur la dernière console du géant nippon, la Nintendo Switch. L’occasion de revenir sur ce titre indépendant qui ose un concept étonnant, celui d’incarner un personnage aveugle en nous plongeant dans un monde où l’horreur sonore prime… 3, 2, 1, fermez les yeux !
Fermez les yeux et écoutez...
En 2015, on recensait près de 36 millions de personnes aveugles dans le monde contre 207 000 en France. Ces dernières sont considérées comme telles lorsqu’elles ne perçoivent aucune source de lumière. Bien que les comics aient réussi à donner un coup de projecteur sur cette déficience visuelle grâce au super-héros de l’ombre Daredevil, The Deep End Games poursuit dans cette la voie grâce cette fois à sa vision d’une héroïne atypique.
= Lights Out =
Voilà donc comment le jeu se présente. On incarne Cassie, une jeune femme aveugle depuis son enfance, animée par d’horribles cauchemars qui l’empêchent de dormir. Déterminée, elle décide de prendre le taureau par les cornes et d’aller à la rencontre de ce mystérieux manoir qu’elle entrevoit dans ses rêves. Entre cauchemars et réalité, il lui faudra dénouer les anciens fragments de souvenirs et peut-être arrivera-t-elle à exorciser ses démons du passé. Dès le début de l’intrigue, les options vous proposent entre trois choix de « dialogue ». Une héroïne bavarde, commentant tout ce qui lui tombe sous la main, un peu curieuse qui argumente seulement les moments clés de son histoire ou silencieuse…. Pour arriver à faire comprendre au joueur ce que peuvent ressentir les personnes malvoyantes, le studio s’appuie sur un principe réel : l’écholocalisation (ou écholocation). Un moyen utilisé par les animaux, notamment les chauves-souris, qui consiste à envoyer des sons et à écouter leur écho pour les localiser. En somme le principe du sonar. Maintenant il existe aussi de l’écholocalisation humaine. Certains aveugles adoptent ce même système pour pouvoir se repérer dans une pièce et percevoir les objets aux alentours. Pourquoi est-ce qu’on vous raconte tout ça ? Et bien parce que le gameplay de perception repose entièrement sur ce principe. Maintenant est-ce-que celui-ci fonctionne ? Totalement.
L’héroïne, Cassie, utilise ainsi une canne pour pouvoir frapper au sol et ainsi répercuter des sons. Plus la surface est grande et plus la possibilité de voir l’environnement (portes, tables, lampes) se fait grande. Si on ne fait rien, alors c’est le noir absolu et dans ce cas, bon courage pour pouvoir avancer. Il lui est aussi possible de lire divers textes, manuscrits ou pages grâce à une application sur son smartphone. Cette dernière lui permettra par la suite de la mettre en relation avec une tiers-personne apte à lui lire (et ou décrire) l'obet qui se trouve sous ses yeux. A côté de ça, notre jeune femme possède une forme de sixième sens, lui permettant de savoir où aller. Les objets rayonnants en bleu clair indiquent les objectifs à suivre pour continuer l’histoire principale, tandis que ceux en vert montrent les objets importants à collecter. Trop facile ? Pas si sûr, car il est très vite aisé de tomber dans l’abyssale noirceur du jeu, celle-ci pouvant vous engloutir intégralement. Quand cette dernière ne vous envahit pas de son sombre manteau, il faudra aussi se méfier de "La Présence". Une forme spectrale rodant dans la demeure et prête à nous tuer instantanément.
Raconte-nous une histoire
Si Perception utilise un principe réel pour son gameplay, le titre s’inspire aussi d’une histoire vraie. Au cours de son aventure à travers le manoir de l’horreur, on comprend rapidement que plusieurs familles ont habité les lieux et qu’au moins un membre de chaque clan n’a pas réellement connu de fin heureuse. De quoi rendre l’atmosphère des lieux très agréable n’est-ce-pas ?
Le titre s’articule donc sous forme de marche narrative, aventure explicative dans les méandres des souvenirs des anciens habitants où l’on doit tenter de s'orienter à l’intérieur du dédale de couloirs, pièces et escaliers. Maintenant il faut bien un peu de challenge. En effet, si Cassie utilise trop de fois l’écho pour se repérer, alors La Présence maléfique à l’intérieur de la maisonnée se réveillera pour vous pourchasser. Dilemme : si l’héroïne ne l’utilise pas, il lui sera impossible de s’orienter. A certains moments de l’histoire, le manoir vous indique si « la maison écoute » ou « n’écoute plus ». Comprenez alors que si cette dernière tend l'oreille, notre jeune femme aura très chaud pour sa peau puisque le taux d’apparition de l’esprit augmentera considérablement. Force est de constater que la majorité de l’aventure repose essentiellement sur le côté auditif de l’aventure. Quoi de plus normal vu qu’on incarne une aveugle. Néanmoins, le petit studio à l’origine du titre pousse le concept à tel point que l’on a presque l’impression de tenir la main de la personne qui nous hante, d’entendre ses bruits de pas ou ses hurlements nous frôler la nuque. Perception nous propose une ambiance d’une excellente qualité sonore afin de nous offrir que l’essentiel, et ça, ça s’apprécie énormément. Un savant dosage qui offre une atmosphère oppressante, prenant de plus en plus d’ampleur au fil de l’intrigue.
Sixième sens
En plus d'une immersion sonore quasiment parfaite, Perception s'appuie aussi sur cet aspect "sixième sens" afin de raconter son histoire. En effet, cette faculté permet à Cassie de visualier ses points d'objectifs. Elle lui est d'autant plus utile puisqu'elle sera capable d'entrer en interraction avec les spectres de la maison afin de les aider à se libérer. Parfois innofensifs car en quête de redemption, parfois lubriques en couchant avec un cadavre ou tout "simplement" malfaisants, essayant de la tuer. Bien qu'intéressant, le point faible de Perception réside dans son scénario, un peu trop brouillon par moment car mélangeant les époques et les personnages. Au risque de se perdre dans les méandres de la maison, c'est bien dans l'histoire générale qu'on perd le fil...
Points forts
- Ambiance sonore très réussie
- Un concept intéressant
- Un temps de jeu correct (4 à 7h)...
Points faibles
- Manque de challenge
- Une narration un peu confuse
- ... Mais assez court pour ceux et celles qui souhaitent se focaliser sur l’histoire (3h)
Il suffit parfois d’une touche artistique pour que la magie opère. Une touche de bleu. Quelques reliefs. Un contraste réussi et le tour est joué. Certains diront que le visuel de Perception est banal, d’autres admireront l’audace du titre qui est de reposer l’intégralité de son gameplay sur l’écholocalisation ainsi que sur une atmosphère sonore. Plus qu’une histoire narrative, Perception devient une immersion audio qui se vit et se ressent. En somme, un bon thriller horrifique, qui ne se révélera pas aussi effrayant qu’un Outlast mais qui mérite d’être essayé.