Le studio italien Ovosonico avait su se faire remarquer avec Murasaki Baby, un jeu PS Vita qui a basé son succès sur son ambiance et son style visuel plus que sur son gameplay. On retrouve une idée similaire avec Last Day of June, même si le titre aborde d’autres thèmes et les met en scène fort différemment.
Carl et June forment le plus parfait des couples, amoureux et naïf. Il est maladroit et attentionné, elle est discrète et artiste. Ils filent une petite vie parfaite dans un quartier de quelques cheminées visiblement loin de tout soucis. Malheureusement, alors qu’ils rentrent d’une sortie près d’un lac, Carl perd le contrôle du véhicule sous un déluge de pluie orageuse, ruinant à jamais cette vision idyllique de l’amour. Si Carl en ressort paraplégique, June ne survit pas au drame.
Sauver l’être cher
Cette introduction permet de rapidement mettre en scène le contexte. Maintenant seul et dépressif, Carl vit toujours dans la même maison, désoeuvré. Mais un jour, un mystérieux phénomène va lui redonner espoir. Les vieilles peintures créées par June se mettent à briller soudainement. Ces peintures représentent les autres habitants de ce petit quartier de campagne italienne et Carl se rend compte qu’en les touchant, il peut revivre le jour du drame dans la peau de ses voisins et ainsi influencer les événements qui ont conduit à l’accident. Un jeune garçon qui cherche désespérément quelqu’un pour jouer avec lui, la meilleure amie de June qui est en plein déménagement, le chasseur du coin qui vit sur les traces de son père et enfin le vieillard contemplatif qui regarde le temps qui passe.
Bien évidemment, si vous avez déjà vu ou lu des œuvres qui abordent le voyage dans le temps, vous vous doutez que tout ne sera pas si simple et le concept de Last Day of June consiste à constamment tenter de contourner ce qu’on appelle souvent l’effet papillon. Si la première énigme vous montre comment l’accident s’est déroulé, la résoudre en poussant l’un des protagonistes à faire une autre action découle sur l’action d’un autre voisin qui finit par causer le même accident. En cherchant continuellement à modifier les choses, vous découvrez de nouvelles scènes, mais aussi de nouveaux endroits dans le quartier que seuls certains des protagonistes peuvent débloquer. En jouant avec son ballon, l’enfant peut pousser des pots, ouvrant des passages, par exemple. A force d’allers-retours, on avance petit à petit dans la narration tout en observant les conséquences de nos actes.
Des maladresses
Si le concept est déjà vu dans le cinéma et la littérature, il fonctionne plutôt bien, dans l’idée, en jeu vidéo. Observer l’impact de nos actions est une bonne récompense, du moins dans un premier temps. Car dans la pratique, Last Day of June fait de nombreuses erreurs de structure qui s’avèrent pénibles. La plus importante, c’est de nous obliger à revivre des moments déjà vus, puisque chaque fin d’action d’un des protagonistes présente la scène de l’accident selon la position finale de TOUS les habitants. Et oui, c’est aussi répétitif que ça en a l’air. Cette répétitivité, on la retrouve dans le gameplay vu qu’il faut parfois refaire certaines choses avec un habitant pour avancer avec un autre personnage. Des moments fastidieux qui, on le découvre vite, ne sont là que pour remplir un jeu dont le contenu est très, très limité.
Mais le plus gênant, c’est que cette sensation de redite a un impact direct sur notre rapport aux protagonistes, et surtout, sur notre rapport à June. Alors que tout le jeu tourne autour du sentiment de perte d’un être cher que l’on tente à tout prix de sauver, la répétition des séquences finit par rendre la mort de June un peu risible, nous sortant un peu de l’atmosphère pourtant réussie. Quand on y ajoute l’absence total de difficulté dans la réflexion ou de voies différentes à suivre (ce qui fait de Last Day of June une pure narration linéaire, au final), on pourrait se dire que le titre du studio Ovosonico est un échec en matière d’immersion. Mais ça, c’est sans compter sa dernière partie, beaucoup plus prenante.
Evidemment, comme je ne veux pas vous gâcher la narration, je ne vais strictement rien vous dire et vous allez devoir me croire sur parole. Tout ce que je peux vous laisser entrevoir, c’est que la mise en scène gagne soudainement en puissance en cassant sa structure initiale, un phénomène particulièrement aidé par une incroyable bande sonore. En effet, le jeu entier tourne autour de sa musique, qui appuie avec brio le contexte (le scénario a été inspiré par le vidéo-clip musical Drive Home de Steve Wilson, réalisé par Jess Cope). Lorsque l’on comprend réellement le message du jeu, on se dit finalement que Last Day of June est une bonne expérience, qui bien que maladroite par moments, nous raconte une véritable histoire.
Au final, Last Day of June aurait pu faire un excellent court-métrage. Si ces quelques éléments vidéoludiques ternissent un peu son image, il reste une œuvre touchante qui, même si elle tombe parfois dans quelques clichés du genre, parvient à diffuser sa pensée grâce à une vraie touche artistique visuelle et sonore et via une mise en scène réussie. Court, parfois pénible, mais intense et sensible.
Last Day of June - Trailer de lancement
Points forts
- Une œuvre touchante
- Des musiques de toute beautée
- Un style visuel très réussi
- La mise en scène générale
- Une dernière partie prenante et intense
Points faibles
- De vraies maladresses dans la construction
- Trop répétitif
- Très maigre en contenu, très court (moins de 4 heures à 100%)
- Trop dirigiste
Last Day of June a une magnifique histoire à raconter, certes malheureuse, mais tendre et touchante. En touchant à des thèmes comme la perte d’un être cher (et ceci sous différente forme), le studio Ovosonico parvient à nous faire ressentir le vide et la mélancolie sans pour autant nous noyer dans des tableaux de désespoir. Malheureusement, la répétition de ses scènes et de son gameplay l’éloigne définitivement du statut de chef d’oeuvre qu’il aurait pu avoir s’il s’était contenté d’être une œuvre narrative. S’il n’est pas impossible que le jeu ait raison de votre patience avant la fin, la dernière partie reste tout de même de loin la plus maîtrisée et la plus poignante, valant à elle seule la peine que le jeu aura causé.