Dans son premier épisode, Hatoful Boyfriend était parvenu à nous surprendre en s'envolant de façon inattendue et extrêmement bienvenue. Drôle et sérieux à la fois, le dating sim aviaire avait prouvé qu'il était possible de planer dans un délire total, tout en gardant une trame ludique et narrative digne de ce nom. Quelque mangas, dramas et autres add-ons réservés au public nippon plus tard, l'univers roucoulant de St PigeoNation nous ouvre de nouveau ses portes à l'occasion des fêtes de fin d'année... Et semble un peu grippé.
Les vacances de Noël approchent à grand pas et la magie des fêtes bat joyeusement son plein dans la ville de Pigeon-sur-Hachiman... Jusqu'à ce que d'odieux voleurs de sapin commencent à frapper et dérobent les conifères splendidement décorés des amis de notre héroïne. Sans perdre de temps, celle-ci lance l'enquête en compagnie de tous les personnages de l'épisode précédent. L'occasion de reprendre les choses où elles s'étaient arrêtées? Oui et non, car si le fan-service est abondant et satisfaisant, ce qui faisait la qualité de la première mouture s'efface justement un peu trop vite derrière cet argument.
Que reste-t-il de nos amours-ou rou rou?
Tout d'abord, amateurs de choix et d'histoires à embranchements multiples s'abstenir, puisque, comme précisé par l'auteur elle-même, Hatoful Boyfriend : Holiday Star est une histoire visuelle plutôt qu'une véritable simulation de drague. A vrai dire la notion même de romance est totalement absente, à l'exception d'un seul épisode très anecdotique et limité dans lequel il suffit simplement de choisir son partenaire (en version oiseau ou humaine) pour assister à un court dialogue sans interaction possible. Les rares choix que l'on est amené à faire sont au mieux sans impact, et au pire nous emmènent vers une mort certaine. Heureusement, si vous attirer les faveurs de quelques volatiles n'était de toute façon pas le but principal du jeu, une fois passé l'hilarité de la situation initiale, les histoires proposées sont, elles, fidèles à l'esprit du premier épisode.
Continuant de jouer sur l'absurde, la plupart des histoires sont surprenantes, et la part d'inquiétante étrangeté tirant sur le dystopique est toujours présente en arrière-plan, nous mettant fréquemment en garde voire un peu mal à l'aise. Bien qu'elle ne prenne pas vraiment en compte la "vraie" fin de l'épisode précédent (Bad Boy Love), cette séquelle est plutôt une façon d'approfondir les différents personnages à travers des histoires transversales auxquelles viennent se greffer des références (et des spoilers) plus ou moins importantes au fil conducteur. Comme de coutume, une fois passées les quelques situations "marrantes parce que ce sont des oiseaux à la place des humains" des deux premières histoires, on se laissera agréablement surprendre par un récit recelant plus de profondeur que prévu. On retrouvera donc avec plaisir les personnalités hautes en ramage et en plumage qu'on aimait tant, auxquelles viennent s'ajouter de drôles d'oiseaux tout aussi émouvants ou tarabiscotés.
Sans gameplay, c'est cuit (cui cui)
Nous savons déjà que les choix et embranchements souvent caractéristiques des Visual Novel sont réduits à peu de chose dans cet épisode, il en va hélas de même pour les références propres au gameplay. Si celles-ci, alors très axées sur les RPG, n'étaient pas non plus centrales dans Hatoful Boyfriend premier du nom, elles apportaient tout d'abord un peu de pression et de réflexion, mais également une grande part de fraîcheur et de surprise (qui s'attendait à devoir choisir une attaque au beau milieu d'une romance?) qui brisait la monotonie du rythme de lecture. Ces références à d'autres genres de jeu étaient donc très bienvenues, notamment grâce à leur apport général au scénario qui prévenait l'écueil du clin d'oeil à outrance facilement hors-de-propos.
Ici, si l'influence d'Ace Attorney se fait très fortement sentir au fil des dialogues, de l'enquête à mener, et jusque dans la présentation épisodique des histoires dans le menu, les espoirs qu'on nourrissait de procéder à une enquête volatile à base d'indices farfelus et d'argumentaires incroyables s'envolent très vite. C'est dommage étant donné que la teneur mystérieuse et rocambolesque des événements s'y serait particulièrement bien prêtée. On doit donc se contenter de suivre passivement l'histoire en relevant les divers clins d’œil, tout en regrettant l'audace et les efforts fournis dans le premier opus pour aller au-delà de la simple référence. Ajoutons à ça une durée de vie bien plus courte (moins de 5h pour tout finir à 100%), en dépit des nombreux bonus qui se débloquent en marge des quatre histoires principales ainsi que le prix (9,99€), plus élevé que la première version, et l'on reste facilement avec l'impression d'avoir un canard boîteux en face de soi.
En conclusion, si Hatoful Boyfriend : Holiday Star plaira sans doute à ceux qui avaient beaucoup aimé la trame narrative et l'ambiance de son prédécesseur, les autres y trouveront peu d'intérêt au-delà de l'écriture (la version française souffre au passage de quelques coquilles de mise en forme et d'orthographe). On y retrouve la même esthétique, tant sur le plan des musiques kitsches que des photos d'oiseaux détourées et intégrées dans des décors dessinés (les nouveaux visuels du monde féérique ou de Pigeon-sur-Hachiman sous la neige étant d'ailleurs plus soignés et colorés que dans l'épisode précédent). Bonus plutôt que véritable épisode, il faudra revoir ses attentes en terme de gameplay et d'interactivité à la baisse avant de se l'offrir, et c'est d'autant plus triste que le potentiel est là mais n'est pas exploité.
Hatoful Boyfriend : Holiday Star se lance
Points forts
- Des personnages et un background approfondis
- Un univers toujours aussi loufoque
- Des histoires plus sérieuses que ce qu'on pourrait croire
- Le second degré assumé des créateurs (et traducteurs)
Points faibles
- Quasiment aucun choix, et peu d'impact sur l'histoire
- Un gameplay au ras des pâquerettes
- Bien trop court
- Un effet de surprise fatalement moins marquant que la première fois
Si le premier épisode restait accessible pour un genre de niche, cette suite restreint drastiquement le public visé au seul perchoir des amateurs de lecture brute. En sus de l'absence gameplay, il est nécessaire de connaître la première histoire pour profiter pleinement du fan-service fourmillant et par ailleurs pleinement assumé (et parodié). C'est bien dommage, car si cet opus souffre de la comparaison globale avec le premier épisode, l'écriture n'en est pas moins imaginative, drôle, et parfois charmante. Aux oisillons curieux intrigués par l'expérience St PigeoNation, on ne pourra que conseiller de se poser d'abord sur la première branche, plus solide, pour se faire une idée, plutôt que de risquer de se sentir pris pour les dindons de la farce.