Les voies maritimes de la rédemption

L’état de santé de Kazuma Kiryu - star de la saga Yakuza - force Ryu ga Gotoku à mettre en avant une autre légende le temps d’un spin-off qui fait de la piraterie son credo. Majima Goro prend donc les rênes de ce nouvel épisode pour le plus grand plaisir des fans qui retrouvent ce trublion enragé en tant que protagoniste après une décennie passée à jouer les seconds couteaux de luxe (depuis Yakuza Zero). Petit détail qui a son importance, celui qui est surnommé Le Chien Fou de Shimano ne partage l’affiche avec personne et vit une aventure 100% personnelle et inédite loin du Japon.

L’histoire de Like a Dragon : Pirate Yakuza in Hawaii débute six mois après les événements de Like a Dragon : Infinite Wealth et fait suite aux aventures d’Ichiban Kasuga. Toutefois, les studios japonais s’assurent que tout le monde, même les néophytes de la série, puisse jouir pleinement de ce spin-off en frappant Majima Goro d’amnésie. L’ex-Yakuza qui est retrouvé à moitié mort sur une plage par un jeune de la région vit une sorte de renaissance, libéré qu’il est de l’emprise de son passé. Il décide alors de se payer littéralement le “trip” d’une vie et de devenir pirate. Et qui dit piraterie, dit chasse aux trésors !

Les scénaristes ont toujours su trouver un équilibre certain entre le sérieux des histoires contées et le grand n’importe quoi assumé des situations, et cet équilibre est une nouvelle fois tenu. Ryu ga Gotoku nous offre une épopée sur terre et sur mer “Over the Top” faite de rebondissements et de trahisons dont seul ce studio a le secret. En s’inspirant notamment des aventures de Luffy, Like a Dragon : Pirate Yakuza in Hawaii prend des airs d’ode à One Piece. Et cette thématique de la piraterie qui s'avère centrale ici est un vrai plus et non un simple gimmick.

Les puristes seront quant à eux ravis de revoir plusieurs visages connus et de pouvoir découvrir cette histoire en japonais sous-titré français (soit en VOSTFR) pour une immersion optimale. Toutefois, l’une des principales forces de la licence réside dans les performances toujours aussi inspirées et de qualité des comédiens et comédiennes qui donnent de la voix pour insuffler la vie aux personnages qui peuplent le récit. Seule la mise en scène peut parfois décevoir, louvoyant entre une ambition cinématographique évidente et une mise en scène trop “plan plan”. Enfin, ce spin-off se situe dans la moyenne basse de la saga en terme de durée de vie avec ses 15 heures en ligne droite pour terminer l’histoire principale.

L'archipel aux trésors

La saga Yakuza n’a pas forcément pour habitude d’offrir de nouveaux lieux à explorer à chaque épisode, et se contente parfois de “recycler” l’existant. Avec Pirate Yakuza in Hawaii, ceux ayant exploré ou terminé Infinite Wealth (2024) seront en terrain connu voire conquis étant donné que l’histoire se passe à Honolulu et sur les îles avoisinantes. En toute transparence, ces nouvelles zones n’offrent que peu de perspectives, exception faite du cimetière de bateaux nommé Madlantis où se déroule une bonne partie de l’intrigue. Ryu ga Gotoku recycle certes sur terre pour mieux nous surprendre en mer avec une navigation libre dans les eaux environnantes.

Cette exploration maritime - une grande première dans la série - souffle un vent de fraîcheur justifié par la thématique principale du jeu, à savoir la piraterie. Il y est questions d’îles aux trésors à explorer qui font office en quelque sorte de donjons et d’armada à combattre, mais tout cela reste finalement (trop) en surface. Il en va de même pour les activités et autres quêtes secondaires au demeurant toujours aussi loufoques. Il est plaisant de faire du Kart façon “Mario” dans les rues d’Honolulu ou encore de s’entraîner au baseball “pirate’s style”, mais cela ne retire en rien cette impression tenace de déjà-u.

Il serait temps pour Ryu ga Gotoku de changer ou de faire évoluer drastiquement leur moteur de jeu sous peine d’accuser un retard technique toujours plus conséquent avec la concurrence. Attention, Like a Dragon : Pirate Yakuza in Hawaii ne démérite pas, mais il ne peut tenir la comparaison avec les productions vidéoludiques de dernière génération. Le Dragon Engine a hélas fait son temps. Cela ne change rien au travail exemplaire effectué par les artistes pour faire de l’archipel d’Hawaii un lieu mémorable et vivant à visiter, mais le poid des années se ressent un peu plus à chaque nouvel épisode. Cependant, Yakuza se défend sur un point… ses visages expressifs qui sont un modèle du genre.

Le pirate fou d’Hawaï

Dès les premières minutes manette en mains, une évidence va sauter aux yeux des connaisseurs. Ryu ga Gotoku s’est mis en tête de dynamiser son système de combat sans le dénaturer afin de rendre hommage comme il se doit aux prouesses martiales du Chien Fou de Shimano. Majima Goro fend les airs et s’avère plus vif que jamais auparavant dans Pirate Yakuza in Hawaii au point de rappeler un certain Dante de Devil May Cry. Et la différence est notable. Il suffit de comparer les affrontements à ceux de Like a Dragon Gaiden : The Man Who Erased His Name pour en avoir le cœur net.

Il est grisant au dernier degré d’enchaîner les combos, d’effectuer des actions contextuelles et d’alterner entre les styles mis à disposition des joueurs. Au-delà du Chien Fou déjà bien connu et reconnu, les studios japonais lui ont enseigné celui du Loup de Mer qui convient à sa désormais vie de flibustier et qui peut vulgairement se résumer à l’utilisation de deux sabres et d’un pistolet, et à l’invocation de Dieux marins pour se défaire des forbans les plus coriaces. Le résultat est sans appel, et il sera impossible pour la saga de faire machine arrière après une telle réussite en matière d’action et de “wow effect”.

Pirate oblige, Majima Goro affronte également ses ennemis sur mer lors de batailles navales qui font penser à une version “arcade” de Skull And Bones pimentée par des abordages. Bien qu’ils n’aient rien d’extraordinaire, ils renouvellent quelque peu l’expérience et ajoute une dimension maritime à ce spin-off. Le Colisée situé sur Madlantis est le lieu idéal pour prouver sa valeur en tant que capitaine et faire parler la poudre à canon. Avec ses quatre modes allant des combats en bateaux aux batailles terrestres inspirées de Dynasty Warriors, il étend ostensiblement la durée de vie du jeu tout en offrant suffisamment de challenges et de récompenses.

Pirate Yakuza in Hawaii ne change pas la formule qui a fait le succès de la saga pour tout ce qui touche aux mécaniques RPG, du moins concernant Majima Goro. Il peut apprendre de nouvelles techniques et améliorer certains skills passifs, se munir d’anneaux pour accroître ses capacités et personnaliser ses accoutrements. C’est du côté du bateau pirate que se trouvent les nouveautés. Le capitaine se doit de prendre soin de son embarcation et de son équipage qu’il convient de recruter et de bichonner. Tout comme Majima Goro, le Goromaru monte en puissance et en compétences en obtenant de nouveaux équipements tandis que les membres gagnent en expérience au fil des combats. Sans faire de vague, cette attention portée à la dimension pirate du jeu est à saluer.

Conclusion