
En 2018, Warhorse Studios surprend le monde du jeu vidéo avec sa vision réaliste et féodale du RPG (pour Role Playing Game). Fort de ce succès, les studios tchèques se lancent sans grande surprise dans une suite bien plus ambitieuse, mais fidèle aux grands principes de ses créateurs. Kingdom Come : Deliverance II arrive 7 ans plus tard sur son destrier pour conquérir les marchés PC, PlayStation 5 et Xbox Series X/S grâce à ce réalisme qui en fait une expérience singulière dans le paysage vidéoludique moderne. Pari réussi pour Warhorse Studios ? Voici notre avis définitif après 80 heures passées en Bohême, principalement sur PS5.
La guerre dont vous êtes le héros
Nous sommes au XVe siècle après Jésus Christ. Tout le royaume de Bohême est occupé. Tout ? Non ! Plusieurs régions résistent encore et toujours à l'envahisseur hongrois. Kingdom Come : Deliverance 2 nous parachute en plein cœur du Moyen-Âge à une époque où les terres d'Europe de l’Est sont les victimes bien malgré elles d’une guerre fratricide. Sigismond de Luxembourg, roi de Hongrie et de Croatie, envahit les terres de son demi-frère Venceslas IV qu’il évince du pouvoir avant de s’auto-proclamer souverain légitime de Bohême. C’est alors que nous faisons la rencontre d’Henry, victime de cette lutte de pouvoir qui embrase le pays.
Lors d’un raid mené par les troupes de Sigismond, ce fils de forgeron voit sa famille se faire massacrer et le village de Skalice être rasé de la carte. Forcé de fuir, il se lance dans une aventure qui va le changer ainsi que le royaume de Bohême à jamais. En tant que suite directe, Kingdom Come : Deliverance 2 poursuit l’histoire d’Henry de Skalice et de ce territoire en proie à la guerre et aux jeux de pouvoir. Les plumes de Warhorse Studios content l’Histoire avec un grand H à travers celles de personnages tantôt attachants tantôt irritants, mais ô combien humains, non sans la remanier pour les besoins d’un récit épique et saisissant de réalisme digne de Game of Thrones (mais sans dragons). Et épique, il l’est assurément.

Le titre édité par Deep Silver débute par une mission diplomatique qui tourne au désastre pour Henry et son compagnon d’infortune Hans Capon, et qui justifie de retrouver notre héros littéralement en slip et avec des statistiques réduites au début de l’aventure. Car Kingdom Come : Deliverance 2 tend la main à tous les joueurs, qu’ils aient exploré ou terminé le premier jeu (ou non). Il n’est donc pas nécessaire d’avoir fait ses devoirs pour profiter pleinement d’une aventure chevaleresque bien plus prenante que ne l’était sa prédécesseur.
La mise en scène digne de l’âge d’or d’Hollywood et de ses fresques cinématographiques historiques gagne en maturité, même si elle peut paraître par moment encore trop scolaire et statique aux yeux des cinéphiles avertis. Warhorse Studios tente, et c’est tout à son honneur, de conter son histoire par le gameplay, et c’est précisément là que cette approche ludo-narrative se heurte à une dure réalité. Le réalisme dont se drape Kingdom Come : Deliverance 2 ne se prête pas à certaines séquences bien plus scriptées conçues par les développeurs. Il naît de ce bras de fer conceptuel un sentiment de frustration fort heureusement rattrapé par un sentiment de liberté omniprésent.
Henry fait des choix, qu’ils soient conscients ou non, afin de parvenir à ses fins, et ce faisant affecte un récit qui nous est narré sur un ton adulte. Et la richesse de la trame principale qui demande plus de 60 heures pour être terminée n’a d’égale que les quêtes annexes qui pour certaines valent vraiment le détour au risque de passer à côté de l’expérience concoctée par Warhorse Studios. Point de détail qui fait à notre humble avis toute la différence, Kingdom Come : Deliverance 2 est jouable en version originale sous-titrée français (VOSTFR), et donc en tchéque pour toujours plus de réalisme.

Un Moyen-Âge plus immersif que jamais
Kingdom Come : Deliverance n’était peut-être pas le plus beau jeu vidéo de sa génération, mais il a su hisser haut les couleurs de la République Tchèque. Fort de l’expérience acquise et d’un moteur maîtrisé (le CryEngine ), Warhorse Studios soigne sa copie pour nous offrir un royaume de Bohême plus verdoyant et réaliste que jamais. Le travail colossal effectué sur les environnements, les personnages, les animations ou encore l’éclairage est à mettre au crédit des artistes qui ont officié sur le projet. Il est tout simplement enivrant d’explorer les deux régions de Kingdom Come : Deliverance 2, à savoir Trosky et Kuttenberg, riches en points d’intérêt et en opportunités.
Tout n’est pas “vert” et luxuriant pour autant au XVe siècle. Le RPG édité par Deep Silver souffre parfois d’un léger clipping et de quelques ralentissements, notamment lors de la visualisation de la carte de Kuttenberg une fois dézoomée. Plusieurs autres problèmes, d’ores et déjà connus des studios (l’absence des voix lors de dialogues par exemple), sont à noter, mais ces derniers devraient être corrigés pour la sortie officielle. Enfin, les visages manquent cruellement d’expression par instant, mais cela n'entache en rien le résultat final qui est à la hauteur de nos attentes. Il fait bon vagabonder dans la Bohême du XVe siècle en 2025 dans l'espoir d'y vivre moultes aventures.
La ville de Kuttenberg, centre urbain de la région éponyme, est à saluer tant elle donne un cachet tout autre à Kingdom Come : Deliverance 2 de par son opulence, sa démesure féodale et la vie qui y grouille. Warhorse Studios sait insuffler la vie dans ses créations et ce second volet en est une preuve édifiante. Les citoyens de Bohême vaquent à leurs occupations et réagissent de manière crédible à votre présence et à vos actes. En un mot comme en 100, ils sont humains. Il est d’ailleurs primordial de soigner sa réputation en participant à la vie de la communauté et de se comporter correctement (ou de ne pas être vu/dénoncé) sous peine de voir le monde de Kingdom Come vous tomber dessus et de finir au pilori… si ce n’est pire. Le réalisme est pour Warhorse Studios un sacerdoce.

Le réalisme ludique à son paroxysme
Kingdom Come : Deliverance 2, aussi attrayant soit-il, n’est pas un jeu vidéo qui peut convenir à tout le monde. L’aventure se veut réaliste et cela se traduit ludiquement parlant par une certaine austérité. Certes, Warhorse Studios a mis de l’eau dans son vin et ainsi rendu son RPG plus accessible sans pour autant trahir les grands principes qui font de la saga une singularité dans le petit monde du 10e Art. Les créateurs tchèques vous invitent à vivre la vie d’un homme du Moyen-Âge, ni plus ni moins, et cela passe entre autres par prendre soin de soi (manger, dormir, se laver, se soigner, etc.) et de ses équipements. La survie d’Henry en dépend.
Ceux habitués aux RPG grand public risquent de déchanter s’ils n’en font qu’à leur tête. La vision de Warhorse Studios est totale et requiert de l’embrasser pleinement afin de vivre la meilleure expérience possible. Il n’est pas question ici de partir en mission la fleur à l’arbalète sans se préparer. Tout doit être pensé, calculé, anticipé pour survivre en Bohême. Et les combats sont à l’image de cette approche sans (trop de) concession du jeu vidéo. Aussi sporadiques, mais intenses soient-ils, ils sont avant tout techniques et stratégiques, et s'inspirent des arts martiaux médiévaux. L’accent est mis sur la précision des attaques et sur la gestion de l’endurance, et un apprentissage à la dure. Dans Kingdom Come : Deliverance 2, la mort frappe souvent sans prévenir.

Il est néanmoins possible, voire encouragé, d’emprunter d’autres voies pour arriver à nos fins. L’éloquence est une arme à ne pas négliger, et il en va de même pour la furtivité afin de s’épargner des affrontements parfois retors. La principale force de Kingdom Come : Deliverance 2 réside dans cette liberté offerte aux joueurs, et ce jusque dans le système de progression. Ce dernier repose sur la pratique plutôt que sur le classico-classique gain d’expérience. Plus vous faites quelque chose et plus vous excellez dans ce domaine. A titre personnel et à ma grande surprise, mon Henry de Skalice mise sur la vitalité, l’éloquence, la furtivité, la survie, le vol et le combat à l’épée.
Il en résulte une aventure sans pareil et surtout unique car dépendant de notre manière de jouer et de faire face aux diverses situations imaginées par Warhorse Studios. Bien entendu, notre montée en puissance est corrélée à l’obtention de nouveaux atouts (ou compétences passives) et de nouveaux équipements moyennant de l'argent durement gagné. Au-delà des séquences “scriptées” mentionnées plus tôt, la principale ombre au tableau se trouve dans le système de sauvegarde contraignant qui peut rapidement transformer une épopée épique en chemin de croix. Dans Kingdom Come : Deliverance 2, sauvegarder exige de dormir dans vos lits ou de boire des potions, exception faite des rares fois où le jeu sauvegarde pour vous après avoir progressé dans une quête.

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Conclusion
Points forts
- Revivre l’Histoire avec un grand H
- Une mise en scène digne de l’âge d’or hollywoodien
- Des décisions à prendre aux conséquences bien réelles
- Une immersion totale dans le Moyen-Âge
- Un royaume de Bohême beau à couper le souffle
- Des combats techniques inspirés des arts martiaux médiévaux
- Une progression “organique” du héros
- Une durée de vie exemplaires (60 heures en “ligne droite”)
- La version tchèque sous-titrée en français
Points faibles
- Une réalisation trop statique et scolaire
- Plusieurs bugs et problèmes techniques à corriger (mais connus des studios)
- Un système de sauvegarde toujours aussi contraignant
- Des séquences “scriptées” moins inspirées et frustrantes
- Des expressions faciales trop rigides
Note de la rédaction
Kingdom Come : Deliverance 2 est tout ce que nous étions en droit d'attendre d’une suite, et bien plus encore. Warhorse Studios délivre en 2025 un RPG solide sur ses bases et saisissant de réalisme aussi bien visuel que ludique. Avec ses combats authentiques et sa progression “organique”, le jeu édité par Deep Silver n’a pas son pareil pour nous immerger pleinement dans une Bohême féodale à couper le souffle. Malheureusement, cette suite n’est pas exempte de défauts, à commencer par son système de sauvegarde contraignant, plusieurs problèmes techniques et surtout sa narration ludique parfois perfectible. Il n’en demeure pas moins que ce Kingdom Come : Deliverance 2 est une singularité dans le paysage actuel qu'il convent de saluer et d'encourager.