Voilà des années que l’action-aventure à la sauce chasse au trésor est gouvernée par Uncharted et Tomb Raider, mais il est temps pour le daron du genre de revenir en force… On veut bien sûr parler d’Indiana Jones, le célèbre archéologue créé par Steven Spielberg / George Lucas dans les années 80 et qui a depuis eu le droit à cinq longs-métrages. Le héros a aussi roulé sa bosse du côté du jeu vidéo, notamment à l’époque des point’n’click, mais ça fait longtemps qu’il n’a pas eu le droit à une aventure en pixels digne de ce nom. C’est cet affront que le studio Machine Games veut à présent réparer avec Indiana Jones et le Cercle Ancien, attendu le 9 décembre sur PC | Xbox Series (et en 2025 sur PlayStation 5). Est-ce que les développeurs, qui sont quand même à l’origine des récents Wolfenstein, ont réussi à donner un coup de fouet à la licence ? C’est ce qu’on va voir tout de suite.
Je suis un gros fan d’Indiana Jones - Indee, Indy, vous l’avez -, en particulier du troisième film, La Dernière Croisade. Petit, j’ai bousillé ma VHS à force de revoir le passage où l’archéologue déchiffre l’énigme du Graal à bord du dirigeable nazi. Je trouvais ça fascinant que des trésors puissent exister dans la vraie vie. Évidemment, cette madeleine de Proust est revenue au galop quand j’ai découvert Uncharted, l’Indiana Jones du jeu vidéo. On est maintenant en 2024 et je vous laisse imaginer mon enthousiasme à l’idée de lancer Le Cercle Ancien et de vous en parler. Je vous rassure, j’ai rangé mon “fanboyisme” pour l’occasion. Allez hop, on s’y colle… Ce test a été réalisé sur Xbox Series X.
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Dis moi oui, Indy !
Bien qu’on parle d’un jeu vidéo, Indiana Jones et le Cercle Ancien occupe une place bien précise dans la chronologie d’Indiana Jones. Le titre se situe entre les premières aventures du professeur au cinéma, Les Aventuriers de l'Arche Perdue, et La Dernière Croisade. On est donc loin du vieux schnock dépeint dans Le Cadran de la Destinée, le long-métrage le plus récent. Ici, c’est les années 1930, l’archéologue est dans la fleur de l’âge et n'hésitera pas une seconde à quitter son bureau lorsqu’un mystérieux personnage s’introduit au Marshall College. Un artefact a en effet été dérobé à l’endroit même où Indy enseigne, et on comprendra rapidement que l’objet a un lien avec - vous le voyez venir - le Cercle Ancien ! De quoi embarquer Indiana dans un nouveau tour du monde, entre l’Italie, l’Egypte, la Thaïlande, aux côtés de Gina, un personnage complètement inédit à la recherche de sa sœur. Le duo fera tout pour arrêter Emmerich Voss, archéologue allemand au service d’Hitler.
Maintenant qu’on a dit ça, Le Cercle Ancien reste du 100% Indiana Jones, et ne vous attendez pas à une écriture aussi introspective que dans Uncharted 4. L’histoire de Machine Games suit à fond les codes de la franchise : c’est manichéen à souhait, avec des nazis très très méchants et un Indy qui est là pour sauver le monde. D’une certaine manière, le scénario est cousu de fil blanc, ce qui n’empêche pas les développeurs de glisser de-ci de-là des thématiques un peu plus personnelles sur l’archéologue (un bon point). Mais ce qu’on retient le plus du Cercle Ancien en termes d’écriture et de mise en scène, c’est son respect impeccable de la licence. Avec ses nombreuses cut-scenes soignées et sa VF de bonne facture, on a parfois le sentiment d’être au cinéma devant un nouvel épisode. C’est drôle, goofy à souhait, sans toutefois oublier les scènes d’action ou de tension. Franchement, si vous adhérez au cahier des charges de mister Jones, c’est un bonheur à suivre. Mention spéciale à Richard Darbois, le doubleur historique d’Harrison Ford en français, qui signe ici une belle prestation. On a aussi beaucoup aimé le personnage de Voss en tant que grand méchant manipulateur et colérique sur les bords. Ces deux personnalités profitent d’ailleurs d’un très beau boulot au niveau des expressions faciales, ce qui est malheureusement moins le cas pour Gina. L’acolyte d’Indy dans cette aventure reste néanmoins quelqu’un de plutôt intéressant et de bien écrit.
Non, il n’est pas obligatoire d’être à jour sur Indiana Jones pour jouer au Cercle Ancien. Machine Games fait d’ailleurs un bon usage du fan service, optant pour des références subtiles et parfois “cachées” aux films (dans des documents ou après avoir effectué une certaine action). Mais, forcément, si vous appréciez les longs-métrages, vous aurez plus de chances d’adhérer au titre.
Une aventure qui n’arrête pas de l’ouvrir
Si Le Cercle Ancien reproduit à la lettre tout le charme des films de Spielberg, il restait toutefois tout à inventer en matière de game design. D’une façon plutôt surprenante, Machine Games mise sur des zones semi-ouvertes entrecoupées de passages plus linéaires. Ces zones semi-ouvertes, il y en a en tout trois dans l’aventure, et on ne peut pas dire que leur design soit irréprochable. Globalement, bien qu’on puisse aller où on veut quand on veut, les plus gros points d’intérêt - où l’on voit clairement que quelque chose se cache - resteront inactifs tant qu’on n’a pas la bonne quête… Et si ça peut se comprendre pour les missions principales, ça devient assez frustrant quand on tombe sur un secret secondaire qui nous supplie d’être résolus. Nous avons souvent eu le cas au Vatican, qui est d’ailleurs la première zone semi-ouverte du titre. Il s’agit d’un niveau dense, avec des passages dérobés dans tous les sens, où on peut facilement passer du coq à l’âne rien qu’en flânant. De notre côté, en mode véritable chasseur de trésor, on s’est mis à tout visiter pour finalement tomber sur des portes fermées ou des énigmes devant lesquelles Indy restait muet. Et c’est seulement après de longues minutes que nous nous sommes rabattus sur le journal de quêtes, qu’il faut en réalité suivre de façon scolaire. Le tout nous a amenés à revoir une partie de ce que nous avions déjà visité. C’était pas la meilleure des entrées en matière. Le jeu manque d’un système pour éviter au joueur de tourner en rond, comme une phrase : “je devrais revenir plus tard” ou “il me manque quelque chose”.
Alors, on vous rassure, ces déconvenues ne nous ont clairement pas gâché le plaisir et dans la suite de l’aventure, notamment à Gizeh, Machine Games se révèle plus habile dans sa manière de construire les zones ouvertes. Nous avons par exemple pris beaucoup de plaisir à visiter les abords des pyramides et à plonger dans l’obscurité de leurs tombeaux. Malgré tout, en termes de structure, Le Cercle Ancien nous a laissé un petit goût d’inachevé. C’est une bonne chose de vouloir accorder de la liberté au joueur, mais on sent que Machine Games n’est pas tout à fait à l’aise avec l’exercice. Parfois, le studio nous laisse nous dégourdir les jambes alors qu’il n’y a rien de particulier à trouver (à part quelques documents), et on se dit qu’un passage linéaire voire une cinématique aurait été un meilleur choix. Le titre tombe également dans les “travers” du monde ouvert, avec notamment des collectables qui, même s’ils ont une utilité pour Indy et la progression du joueur, sont un peu en décalage avec ce qu’on attend d’un jeu Indiana Jones. Même chose pour la profusion de documents à lire ou de coffres dont il faut trouver la combinaison. Après, certains secrets annexes valent le coup d'œil même s’ils aboutissent rarement sur une découverte marquante. Dans tous les cas, votre curiosité vous rapportera des points d’aventure afin d’améliorer les capacités de l’archéologue. Le tout ne passe pas par un arbre de compétences mais par des livres que vous trouverez au gré de votre exploration. Une bonne chose : on aurait vraiment eu du mal à imaginer un skilltree dans un jeu Indiana Jones. Enfin, notez que Machine Games vous autorise à revenir dans des niveaux déjà visités pour aller au bout de toutes vos trouvailles… Pour le 100%, comptez une trentaine d’heures.
La première personne, un Indyspensable
Que vos découvertes fassent partie de la quête principale ou non, il faudra en tout cas les accomplir à la première personne. Eh oui, il ne vous aura pas échappé que Le Cercle Ancien mise sur une vue FPS et non pas TPS. Un choix plutôt osé pour le genre - et qui confère au titre une approche unique - et qui est, selon nous, un excellent choix (on parlera de la réalisation dans un second temps, mais en gros, c’est la lorgnette idéale pour apprécier la somme impressionnante de détails présente ici). Le tout rend déjà les phases d’action assez originales. Dans cette aventure, Indy aura très souvent l’occasion de jouer des poings avec ses copains nazis… Les armes à feu restent une option, et ont parfois leur place dans des scènes d’action plus musclées, mais la moindre détonation alerte les adversaires alentour. Vous serez donc beaucoup plus amenés à coller des mandales ou à miser sur une approche encore plus silencieuse.
Coller des mandales certes, mais pas n’importe comment ! Vous l’aurez compris, Indiana n’est pas un super-héros. Sa vie, son endurance sont limités, et il se retrouvera rapidement à bout de souffle si vous enchaînez les patates en mode Jet Li. Les affrontements du Cercle Ancien demandent donc une certaine patience et une bonne lecture des gestes ennemis. Il faudra parer et contre-attaquer au bon moment, tirer parti de l’environnement et des objets autour de vous, et savoir quand s’éloigner pour dégainer le fouet… Car oui, en marge du revolver, l’arme en cuir préférée du professeur est de la partie et a d’ailleurs été ajoutée d’une bien belle manière. Le fouet peut claquer ou s’accrocher à quelque chose et ses effets sont localisés. En visant au bon endroit, vous pourrez ainsi agripper un nazi par les pieds ou le désarmer (notez que l’outil tient également une place toute particulière dans l’exploration, où il permet à Indy de traverser des gouffres / d’escalader des murs). Dans l’ensemble, les phases d’action marchent bien voire très bien. C’est intéressant à jouer, le travail sur le son rend bien compte de l’impact des coups et avec pas mal d’entraînement, vous pourrez même placer un finish move digne de ce nom. On regrette seulement des IA dont la gestuelle manque au global vraiment de naturel, ce qui se ressent rapidement en combat. En fait, leurs mouvements sont parfois un peu erratiques, et un match de boxe peut vite devenir compliqué à lire voire frustrant quand les poings fusent dans tous les sens ou lorsque les ennemis sont en nombre. Enfin, pour ce qui est de l’infiltration, on note - dans les zones ouvertes - la présence systématique de costumes pour entrer tranquillement dans des zones protégées, ce qui n’efface pas totalement la possibilité de vous faire repérer. Indy ne peut d’ailleurs pas transporter d’arme en plus de celle fournie par son accoutrement, ce qui vous obligera à piocher souvent dans les décors des armes de fortune à la durabilité limitée. Préparez-vous donc à taper du nazi à coups de balais ou de rouleau à patisserie (les objets peuvent également être lancés). Cette idée va comme un gant à la caméra FPS et à l’humour de la licence.
Mais dans la vie d’un chasseur de trésor, il n’y a pas que l’action ! Bien sûr qu’Indiana Jones et le Cercle Ancien comprend plein d’énigmes. Rien d’insurmontable au programme, même lorsque la difficulté des puzzles est à son maximum (un challenge plus intéressant vous attend à la fin du jeu). Ces derniers reposent quasi-systématiquement sur un langage très visuel, intégré aux décors même, et il faudra rarement prendre des notes dans la vie réelle. D’ailleurs, la navigation du carnet in-game, où Indy entrepose tous les documents de l’aventure, est plutôt laborieuse, et ça devient vite le bordel quand on veut accéder rapidement à un indice précis. Dans tous les cas, si vraiment vous êtes bloqué, un système d’aide est de la partie. Il est intégré à l’appareil photo, un autre outil que possède l’archéologue. Et si ça ne passe toujours pas, vous pouvez changer la difficulté des puzzles en pleine partie depuis le menu pause (il est possible de faire de même pour les phases d’action). Globalement, les énigmes du Cercle Ancien nous ont un peu déçus. Leur simplicité nous a rarement donné l’impression de résoudre “vraiment" quelque chose. On peut aussi imputer ça à la structure du jeu, construit comme un enchaînement de quêtes qui n’ont pas toujours un lien direct avec le gros mystère de l’aventure. Le récit tient également plus de la course-poursuite et il manque peut-être un effet waouh à la fin, où toutes les pièces du puzzle sont censées s'assembler. Nous n’avons pas eu de claque comparable à la découverte de Libertalia dans Uncharted 4, par exemple.
Comme si Spielberg avait conçu les décors ?
Après, ne vous inquiétez pas, Indiana Jones et le Cercle Ancien réserve des moments marquants, notamment grâce à sa réalisation. C’est l’une des grandes forces du titre. On ne va pas parler de claque graphique non plus, et on note d’ailleurs des PNJ avec des visages un peu trop figés et des effets assez sommaires pour tout ce qui touche à l’eau ou au feu… Mais dans l’ensemble, les environnements transpirent d’authenticité et nous transportent vraiment ailleurs, ce qui n’est quand même pas à prendre à la légère pour un jeu Indiana Jones. Certains panoramas, comme l’Himalaya, sont même franchement impressionnants, et c’est là aussi que la caméra FPS prend tout son sens. Elle permet d’être au plus près des décors et Machine Games a réalisé un véritable travail d’orfèvre sur ce point. Les lieux les plus importants sont bourrés de détails à tel point qu’on frôle parfois “le jeu musée”. Et quand la superbe musique (qui colle parfaitement à l’esprit des compositions originales) vient ajouter son grain de sel, eh bien, ça crée une sorte de magie. Ça vaut presque le coup de revenir dans d’anciens niveaux juste pour l’ambiance. Mais, la copie n’est pas parfaite non plus. On a déjà mentionné la gestuelle des PNJ, qui nous a parfois rappelé Half-Life 2 - ce n’est plus un compliment aujourd’hui -, et il faut aussi noter des ralentissements fréquents lors des cinématiques, des bugs de collision et des bugs audio. Nous avons aussi eu quelques soucis de script, nous obligeant à recharger une ancienne sauvegarde. Pour le reste, Le Cercle Ancien tourne dans un impeccable 4K / 60 sur Xbox Series X. Le jeu ne propose d’ailleurs pas de mode graphique.
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Conclusion
Points forts
- Une vraie aventure Indiana Jones
- Respect impeccable de la licence
- Le choix de la première personne
- Parfois impressionnant visuellement
- Des cinématiques dignes des films
- La musique, la musique, la musique
Points faibles
- Des zones ouvertes souvent maladroites
- Les PNJ n’ont pas grand chose de naturel
- Les énigmes nous laissent sur notre faim
- Encore pas mal de bugs (sur version test)
Note de la rédaction
Nous avons adoré Indiana Jones et le Cercle Ancien ! Malgré pas mal de défauts - que ce soit le comportement des PNJ ou la structure même de certains niveaux -, le titre de Machine Games nous offre une très belle aventure qui reproduit à merveille l’essence du personnage de Spielberg et Lucas. Le Cercle Ancien est à la fois drôle, intense, parfois plutôt touchant, et satisfera à coup sûr les fans de la licence. Plus encore, avec sa caméra à la première personne, il s’agit d’une vision assez unique du jeu d’action-aventure à la sauce chasseur de trésor. À la différence d’Uncharted, Indy n’est pas un super-héros et la surenchère de mise en scène spectaculaire fait ici place à une approche plus “traditionnelle” de l’archéologie. De quoi se perdre 20h-30h dans des décors à la réalisation superbe dont l’atmosphère force le respect.