
Les jeux de rôle sont une source intarissable d’inspiration pour les studios et éditeurs qui manquent rarement l’occasion d’adapter ces franchises acquises à la cause des fans en jeu vidéo. Les saga Baldur’s Gate et Shadowrun ou encore Cyberpunk 2077 pour ne citer qu’eux, les exemples sont légion. C’est désormais au tour de Cyanide en collaboration avec Nacon de se prêter à l'exercice et de sortir les griffes. Werewolf : The Apocalypse - Earthblood est l’adaptation sous la forme d’un Action-RPG du jeu de rôle éponyme. Le loup, après une longue hibernation, s’apprête à sortir de sa tanière.
Le Pacte des Loups

Werewolf : The Apocalypse - Earthblood prend pour cadre un univers contemporain proche du nôtre sur bien des points, et pourtant si différent. Sur cette Terre alternative, l’équilibre des forces en présence est en péril. Le Wyrm, l’incarnation maléfique poussant le monde à la destruction et au chaos, gagne du terrain. Face à une industrialisation galopante, conséquence directe de l’activité humaine, le Monde des Ténèbres court à sa perte. C’est dans ce contexte que Cahal et sa meute, des lycanthropes protecteurs de l’esprit de la Terre répondant au nom de Gaïa, s’opposent aux agissements d’une mégacorporation en particulier… celle d'Endron bien décidée à exploiter le Wyrm pour accroître son emprise sur Mère Nature, et donc ses bénéfices.

Cet Action-RPG aborde une thématique centrale au XXIe siècle, celle de l’écologie et plus particulièrement de l’impact de l’être humain sur la planète bleue. Si sur le papier, cette volonté de faire passer un message est louable, dans les faits la tentative est si maladroite qu’elle altère bien souvent le propos. Le manichéisme franchit à maintes reprises les limites du concevable. Il en résulte un tableau composé uniquement de noir et de blanc sans aucune nuance ou presque au point de frôler l’absurde à plusieurs reprises. Et ce n’est ni la mise en scène, ni les dialogues qui vont empêcher cette embarcation narrative de s'échouer avec perte et fracas.

Exception faite de quelques cinématiques qui ponctuent ici et là l’aventure, la mise en scène se contente de conversations à choix multiples sans même un simple champ contre champ pour agrémenter ces séquences, lui préférant une caméra libre tournant à 360° autour des protagonistes. Pire encore, ces fameux choix multiples ne servent strictement à rien car n’ayant littéralement aucun impact sur le scénario. OK, Cahal disjoncte parfois, et finit par tuer ses interlocuteurs sans que le récit ne bouge d’un iota de sa trajectoire initiale. Difficile dans ces conditions de s’intéresser à cette histoire écolo-fantastique cousue de fil blanc, et de s’attacher à des personnages prévisibles et caricaturaux au possible. Werewolf : The Apocalypse - Earthblood balbutie son sujet, à savoir l'écologie, au point de le desservir.
Gameplay : Les 30 premières minutes de l'aventure sur PS5
L’appel de la Forêt

La réalisation technique de Werewolf : The Apocalypse - Earthblood est à l’image de sa narration. L’Action-RPG des studios Cyanide accuse le poids des années, et ne peut tenir la comparaison ne serait ce qu’une seconde face à la concurrence. Sur les consoles de neuvième génération (PlayStation 5 et Xbox Series X/S), mais également sur celles de huitième génération (PlayStation 4 et Xbox One), le titre fait pâle figure. Animations rigides, textures approximatives, décors sans saveur et pour finir recyclage à l’infini des mêmes assets et PNJ pour remplir lesdits environnements, cette adaptation vidéoludique du jeu de rôle est le parfait exemple à ne pas suivre.

La direction artistique, qui aurait pu faire diversion, n’a rien de mémorable. Visuellement, l’Action-RPG développé par Cyanide est générique au dernier degré. Exception faite des loups-garous, le contraire aurait été étonnant, Werewolf : The Apocalypse peine à se trouver une identité propre au point d’en devenir banale. Fort heureusement, quelques effets visuels (ou FX) égayent par instant l’ensemble sans jamais pleinement y parvenir. La bande originale métal-rock fait également figure de bonne surprise en accompagnant par des riffs énergiques les phases de combat.
Gameplay : La toute puissance du Crinos sur PS4
Homo homini lupus est

“Qu'importe le flacon pourvu qu'on ait l'ivresse” pourrait être une manière de relativiser, à condition d’avoir un gameplay à la hauteur du mythe que représente le lycanthrope dans l’imaginaire collectif. Malheureusement, les bonnes intentions des studios se heurtent à la dure réalité du terrain. Werewolf : The Apocalypse - Earthblood repose sur un mélange d’infiltration et de Beat’em All (ou Beat’em Up en anglais) qui exploite les différentes formes de Cahal, à savoir l’Homme, le Loup et le Crinos (ou Loup-Garou). Si les deux premières transformations citées permettent essentiellement de s’infiltrer, la dernière laisse au héros la latitude nécessaire pour exprimer toute sa colère.

Dans les faits, l’Action-RPG de Cyanide n’est rien de plus qu’une succession de séquences d’infiltration, qui en cas d’échec se transforme en affrontements, le tout ponctué de combats de boss qui ont le mérite de briser la monotonie du titre. Le gameplay se résume pour ainsi dire à peu de choses. Il est possible de faire appel à la vision Penumbra pour scruter les environnements, de pirater les systèmes de sécurité, de saboter les sas de renforts ou encore d’éliminer les gardes sans se faire repérer. Cependant, l’intelligence artificielle et le level design ne sont jamais au niveau ce qui ruine définitivement des phases de jeu répétitives et privées de la moindre once de tension.






Quid de la forme Loup (ou Lupus) ? Elle ne sert dans les faits qu’à raccourcir les distances grâce à sa vitesse de déplacement, et à se faufiler dans les conduits de ventilation. Seul le Crinos tire son épingle du jeu avant de décevoir à son tour. Lors des combats, Cahal s’enrage afin de devenir cette créature mythique qu’est le Loup-Garou. Si les combats s'avèrent de prime abord plaisants, ils finissent par se répéter encore et encore. La faute incombe à un bestiaire (trop) limité, et un manque flagrant d’évolution du Crinos... ainsi que des autres formes de Cahal. La dimension RPG du titre est ici réduite au strict minimum. Le héros débloque certes des compétences actives et passives, mais celles-ci se révèlent trop peu nombreuses pour renouveler un gameplay qui n’a plus rien à offrir de neuf après 2-3 heures de jeu.

Même les carnages sanglants finissent par perdre de leur saveur. Pourtant,les sensations sont honnêtes à défaut de surprendre, et il est facile de se laisser griser par la toute puissance de Cahal, surtout face à l’un de ses congénères… des instants bien trop rares. De plus, les postures “Agile” et “Lourde” ajoutent un brin de stratégie au milieu de la mêlée tout comme la Rage et la Frénésie qui permettent au Crinos d’utiliser des attaques spéciales et de libérer toute sa fureur. Pourtant, tout semble une copie d’une copie d’une copie. Les mêmes phases de gameplay se répètent en boucle au point de voir naître une certaine forme de lassitude au cours d’une aventure qui demande entre 8 et 9 heures pour se terminer.
Gameplay : Une infiltration sans accroc sur PS4
Points forts
- L’univers gothique-fantastique-punk
- L’écologie pour thématique principale
- Les 3 formes de Cahal (Homme, Lupus, Crinos)
- Les affrontements entre loups-garous
- La bande originale rock-métal
- Les sous-titres en français (VOSTFR)
Points faibles
- Le scénario manichéen et prévisible au possible
- La narration et la mise en scène réduites au strict minimum
- L’absence totale d’impact des choix sur l’histoire
- Les personnages ultra caricaturaux
- La répétitivité de différentes phases de gameplay (infiltration, combat…)
- L’intelligence artificielle rudimentaire des ennemis
- La dimension RPG sous-exploitée
- La réalisation technique extrêmement datée
Un Action-RPG dans un univers gothique-fantastique-punk avec des Loups-Garous qui aborde des thématiques contemporaines telles que l’écologie avait de quoi séduire, mais Werewolf : The Apocalypse - Earthblood échoue tout ce qu’il entreprend. Autant sur le plan technique que ludique, le jeu de Cyanide est une réelle déception. L’aventure est répétitive, le gameplay peu inspiré, la narration réduite à sa plus simple expression et la réalisation vétuste. Seule la bande-originale ainsi que les affrontements entre lycanthropes sauvent cette créature autrefois mythique du naufrage complet.