Parmi les traditionnels blockbusters de fin d’année se glisse souvent un projet plus modeste, plus personnel prenant pour origine la sphère indépendante. Cette année, les studios parisiens Douze Dixièmes et l’éditeur Focus Home Interactive endossent ce rôle, et nous proposent un jeu de réflexion et de plates-formes. Cette fable sombre et onirique répond au nom de Shady Part of Me. Notre voyage initiatique peut débuter.
Entre ombres et lumières
Shady Part of Me nous conte le périple d’une petite fille dépourvue de nom en quête de liberté, et de son ombre qui a la particularité d’être totalement indépendante. Entourée par l’obscurité depuis toujours, notre héroïne finit par développer une relation fraternelle avec son alter-ego, véritable miroir inversé de cette dernière. De cette situation singulière naît une narration minimaliste faite d’échanges épars entre ces deux entités qui apprennent à se connaître et de rares interventions d’une voix off mystérieuse. L’interprétation de Hannah Murray, actrice britannique réputée pour ses rôles dans les séries Skins (Cassie) et Games of Thrones (Vère), participe grandement à l’atmosphère envoûtante qui se dégage d’une aventure touchante de simplicité et de sincérité.
Pas besoin d’en faire des tonnes pour émouvoir, et Shady Part of Me en est une preuve édifiante. Loin d’être parfait, le jeu des studios Douze Dixièmes nous transporte dans un univers surréaliste sombre tout en aquarelles puisant ses inspirations dans les rêves et cauchemars des enfants, mais aussi dans le clair-obscur de par sa thématique principale… l’ombre et la lumière. Les différents environnements émergent ainsi d’une imagination débordante influencée par ces contrastes oniriques et visuels cités précédemment. Il en résulte un périple surprenant souligné par une bande originale sobre et élégante, sachant se faire discrète la majorité du temps, non sans oser par instant prendre toute la mesure de cette histoire... celle d'une petite fille apeurée et de son ombre téméraire.
Gameplay de Shady Part of Me : Puzzles & plates-formes
Une dualité fraternelle
Les studios Douze Dixièmes misent sur un jeu de puzzles mâtiné de plates-formes, un genre qui se prête parfaitement au concept même de Shady Part of Me pour retranscrire par le gameplay cette relation singulière qui lie les deux protagonistes. La dualité entre la petite fille et son ombre autonome pousse les joueurs à alterner entre les deux personnages afin de résoudre des séries d'énigmes pour progresser. Ces puzzles imaginés autour d’un jeu constant d’ombres et de lumières se renouvellent régulièrement par l’ajout de nouvelles mécaniques au fil des différents actes. Ces dernières, qui sont au demeurant parfaitement introduites pour ne pas “trop” désorienter les joueurs de prime abord, complexifient doucement, mais sûrement les énigmes.
Au-delà des grands classiques du genre, à savoir des objets à déplacer ou encore des mécanismes à enclencher… tout est ici question de projections lumineuses et de surimpressions. Shady Part of Me joue avec nos repères, bouscule nos sens, nous désoriente tout au long d’une aventure nécessitant 5 à 6h pour être bouclée. Il s’agit de percevoir, puis d’appréhender les changements constants de perspectives occasionnés par les actions de la petite fille et de son ombre, qui respectivement ne peut supporter la lumière, et ne peut survivre sans source lumineuse. Fort heureusement, nos protagonistes possèdent le pouvoir de rembobiner le temps, une capacité essentielle pour tester, se tromper et recommencer jusqu'à trouver la solution qui les mènera à une nouvelle énigme et finalement à cette liberté tant espérée. Toutefois, la progression souffre de passages moins inspirés et d'une maniabilité quelque peu confuse... principalement lors de ces fameux changements de perspectives.
Points forts
- La relation entre la petite fille et son ombre
- L’interprétation de Hannah Murray
- Les énigmes basées sur les jeux de lumière et les perspectives
- Le direction artistique “aquarelle”
Points faibles
- Des puzzles parfois moins inspirés
- Une maniabilité parfois confuse
Shady Part of Me s’adresse principalement aux amateurs d’énigmes et aux joueurs en quête de propositions vidéoludiques singulières. Les studios Douze Dixièmes nous transportent dans un monde onirique aux intentions artistiques évidentes, et bâtissent une aventure touchante de simplicité. Sans jamais révolutionner le genre et doté de passages moins inspirés, ce jeu de puzzles et de plates-formes, sachant mettre à l’épreuve les esprits les plus vifs, fusionne le fond et la forme pour retranscrire une dualité à la fois ludique et visuelle, celle de l’ombre et de la lumière.