La gamescom 2019 a été l’occasion de découvrir plus amplement des jeux à venir produits par des studios indépendants, dont Creature in the Well, le dernier en date conçu par Flight School, déjà à l’origine de Manifest 99 ou encore Island Time VR. Avec ce nouveau titre, le développeur annonce mêler Hack and Slash et jeu de flipper, un mariage inédit pour le moins étonnant dont la direction artistique va à contre-pied de la tendance que l’on retrouve actuellement dans bon nombre de standards de la catégorie. Loin d’un Diablo, d’un Torchlight ou d’un Path of Exile, les propositions atypiques de Creature in the Well parviennent-elles à convaincre ? C’est ce que nous allons voir.
Un hack 'n' slash à faire perdre la boule
Ce test a été basé sur une version Nintendo Switch avec une manette pro durant les phases console dockée. Les sessions en mode portable n'ont pas baissé la lisibilité de l'action malgré la perpective assez éloignée et la lecture des textes, d'ailleurs disponibles en français, est restée tout à fait correcte.
Bienvenue dans l'antre de la bête
L’action prend place dans un désert où le protagoniste, un robot anthropomorphe nommé Bot-C, semble revenir à lui. Il s’agit du dernier ingénieur de “Robot Collective”, dont l’objectif est de sauver une petite ville d’une tempête de sable en réparant une machine météorologique antique inactive depuis des siècles. En cause, une créature immense qui a pris possession des lieux, dont on ne voit que les yeux et les longs bras osseux munis de mains squelettiques. Après avoir marché dans le désert, le robot parvient jusqu’à une entrée, ce qui l’attend derrière la porte va nous plonger tout de suite dans le vif de l’action.
Tout d’abord uniquement muni du morceau de tuyau qu’il a trouvé sur sa route, Bot-C va arpenter des couloirs et pièces qui composent les huit donjons du titre. Certaines des salles sont séparées par des portes hermétiquement closes et la seule manière de les franchir est de récupérer suffisamment de points d’énergie afin de disposer du nombre requis, nécessaire à leur ouverture. Pour ce faire, il va falloir relever le défi proposé par chaque salle et c’est ici que les mécaniques de gameplay inspirées du pinball et des jeux du même genre entrent en scène. En l’occurrence, Bot-C va manier des objets variés et parfois inattendus, comme une poêle ou une grande cuillère en bois afin d’envoyer des balles sur des bumpers. Nos projectiles sont positionnés dans la pièces tels des balles de golf et une fois frappés, ils effectuent un nombre de rebonds prédéterminé qui diffère selon qu’ils atteignent ou non un bumper. Une fois ce nombre atteint, chaque projectile disparaît. De nouvelles balles apparaissent à un intervalle lui aussi préétabli et le niveau est considéré comme réussi une fois que tous les bumpers ont un reçu un nombre d’impacts suffisant pour s'engouffrer dans le sol et ainsi disparaître de la salle. Chaque impact rapporte des points d’énergie, qui vont être également utiles ultérieurement pour améliorer le personnage.
S’il n’est pas obligatoire de relever le défi proposé dans chaque pièce pour progresser, c’est cependant une des conditions sine qua non pour atteindre la complétion totale. L’autre condition, et elle n’est pas moindre, est de remporter les affrontements qui ont lieu contre la créature, car ils permettent tout simplement de débloquer de nouveaux accès et la suite de l’aventure. Ponctuellement, la bête va nous entraîner dans un combat comportant plusieurs phases et prenant place sur une arène. Toujours basées sur le principe du pinball, ces rencontres demandent également d’éliminer les projectiles que le monstre envoie en les touchant avec une balle. Ces affrontements sont particulièrement ardus, tout est millimétré et l’art de l’esquive doit être maîtrisé. Si le ressenti en jeu et le niveau de difficulté devaient être comparés à un autre titre, ce serait l'excellent Furi du studio The Game Bakers, où la précision, la rapidité et l’utilisation du dash sont là aussi d’importance.
Du Pinball, mais pas que
Les challenges contenus par chacune des pièces mettent à l’épreuve notre capacité à envoyer les balles avec précision, nos réflexes ou même notre réflexion. Si l’action est très présente, il était légitime de craindre qu’elle ne soit pas suffisante pour entretenir la motivation, de part des mécaniques ne parvenant pas à se renouveler. Or, Creature in the Well varie les plaisirs, mêlant des salles qui nécessitent d’atteindre plusieurs fois une multitude de bumpers sans autre critère de réussite, tandis que d’autres vont demander de respecter un timing ou encore d’atteindre différents objectifs dans un ordre déterminé. De plus, certains des bumpers sont hostiles, ils envoient des projectiles, diffusent des rayons dont le moindre contact fait perdre de la vie, ou encore transforment les balles que nous leur envoyons en boules de feu. Contre toute attente, les possibilités sont multiples et le panel est assez vaste pour entretenir l’envie de continuer à explorer les lieux.
L’interface sobre et peu fournie permet d’accéder à l’inventaire, dans lequel vont figurer les deux grandes catégories d’armes disponibles, les unes servant à frapper les balles qui seront disposées dans les salles, les autres permettant notamment d’attirer plusieurs balles tels des aimants, balles qui peuvent être ensuite envoyées simultanément. Au nombre de huit par catégorie, en plus des ustensiles de cuisine précédemment cités, il est possible de trouver des armes aux effets uniques, comme une batte de baseball, ou une hache qui sépare la balle en plusieurs parties afin d’augmenter la taille de l’impact et ainsi toucher la cible plus facilement, ou bien le marteau qui ralentit le temps lorsqu’on charge son attaque, ou encore les lames doubles qui dévoilent la trajectoire de la balle.
Persévérance et maîtrise, les maîtres mots
Mais Creature in the Well peut se montrer punitif, particulièrement dans ses débuts, notamment pour les joueurs les moins aguerris. En effet, le protagoniste démarre son aventure avec un inventaire minimaliste et une jauge d’énergie - qui équivaut à sa barre de vie - qu’il n’est pas encore possible de restaurer. Chaque contact avec un projectile ennemi baisse la quantité d’énergie disponible et si le robot se retrouve à sec, il est éliminé et se fait éjecter des lieux. D’ailleurs, c’est lors de notre première défaite que nous découvrons le village qui borde l’entrée d'une montagne dans laquelle se trouve la gigantesque infrastructure où nous évoluons depuis le départ. L’endroit semble vide, et pourtant, Mirage abrite quelques habitants serviables mais qui se font très discrets, en dehors d’une crocodile anthropomorphe qui nous attend dans sa forge et qui peut fabriquer des armes à partir de noyaux trouvés dans les donjons. Chaque élimination est ainsi sanctionnée par l’obligation de partir du même point situé dans le village et de se rendre à nouveau dans les entrailles de la montagne, afin de reprendre son parcours, énergie réduite à son minimum. Au fil de l’exploration, Bot-C va découvrir l’emplacement de bains d’énergie qui lui permettent de recharger ses batteries - et donc de restaurer sa barre de vie - lieux qui seront signalés sur la carte de chaque donjon une fois visités. De plus, ces cartes en arborescence qui se dévoilent au fur et à mesure mentionnent les salles parcourues dont le défi n’a pas été complété et celles dont notre robot est venu à bout.
Une fois la possibilité de remplir sa jauge de vie débloquée, l’exploration des salles de Creature in the Well devient plus aisée, dans la mesure où tant que nous avons suffisamment de points d’énergie pour passer les portes, il est possible de choisir de ne pas relever tous les défis rencontrés et ainsi limiter les risques de voir son énergie réduite à néant. C’est d’autant plus réalisable que certaines salles ne nécessitent pas de compétences pointues et sont à nouveau faisables rapidement et sans limite, offrant la possibilité d’accumuler un grand nombre de points d’énergie. De plus, lorsque que Bot-C perd l'intégralité de sa jauge d'énergie et se fait sortir de la montagne, le contenu de son inventaire ainsi que ses points d’énergie restent acquis. En outre, peu avant une arène qui permet d’affronter la créature, il est possible d’activer un téléporteur moyennant une certaine quantité de points d’énergie. Dans la mesure où il est fort probable que la victoire ne vienne qu’après bon nombre d’essais, cette option intéressante permet d’éviter des trajets fastidieux.
La direction artistique qui va bien
Visuellement surprenant, le choix de direction artistique s’avère être idéal pour le rendu de l’atmosphère du jeu. Sans être identique car plus élaboré, l’univers graphique de Creature in the Well peut faire penser à celui de Ape Out avec sa base sombre et sa palette de couleurs réduite. Chaque donjon possède son propre code couleur et l’ensemble des zones du jeu est construit autour d’une poignée de coloris qui varie en fonction de l’endroit où on se trouve. Les couleurs chaudes du désert peuvent ainsi laisser place à des teintes plus froides lorsqu’on explore l’infrastructure au coeur de la montagne. Le seul regret qu’il est possible d’avoir concerne le protagoniste, en particulier lors des phases qui le mettent face à la créature. Lors de ces affrontements, la taille et l’aspect du robot font que la lisibilité laisse un peu à désirer, rendant notre précision et l’estimation des angles d’attaque aléatoires. Si cela devient de moins en moins vrai au fil du temps, il s’agit d’un point qui augmente la difficulté de prise en main des commandes.
Les développeurs du studio Flight School ont souhaité apporter une touche de customisation en ajoutant douze capes différentes que Bot-C va trouver au fil du jeu et pouvoir porter comme bon lui semble. Il est dommage que ces différents tissus n’apportent qu’une touche visuelle finalement trop peu exploitée, une augmentation de la défense du personnage - ou autre bonus - aurait été la bienvenue et aurait apporté un plus aux possibilités d’amélioration disponibles. Quelques mots sur la musique de style électro qui sait se faire discrète durant l'exploration, tout en accompagnant chaque ambiance à la perfection. Mention spéciale à l'excellent thème du boss qui sait se faire stimulant sans pour autant devenir agaçant.
Points forts
- Un concept novateur et stimulant
- La mise en place énigmatique de l'histoire
- Un titre exigeant...
Points faibles
- ... qui peut décourager
- des améliorations qui auraient pu être encore plus poussées
Creature in the Well est le genre de jeu dont on voit arriver le bout avec un certain soulagement, mêlé à une intense satisfaction. Les développeurs ont su créer un titre au concept innovant qui devrait ravir les joueurs à la recherche d’un jeu exigeant, mais aussi les adeptes du dépassement de soi. Pour les autres, ce Hack and Slash peut s’avérer décourageant lors de ses phases contre le boss et seuls les plus persévérants peuvent espérer progresser et découvrir le plus possible de ses propositions. On aurait pu attendre un peu plus concernant l’amélioration du protagoniste et le système de forge, mais quoi qu’il en soit, avec un univers qui attise la curiosité, des secrets à découvrir qui permettent de comprendre ce qui s’est produit par le passé, ainsi que des séquences dont l’intensité stimule l’envie de relever le défi, Creature in the Well est un titre issu du monde des indépendants qui vaut qu'on s'y attarde.