Comment revenir sur le devant de la scène quand notre nom est devenu synonyme d'arlésienne ? C'est la dure épreuve qui attendait The Last Guardian à cet E3. Vu l'effet de sa présentation lors de la conférence Sony, le titre de Fumito Ueda bénéficie toujours de l'aura de Ico et Shadow of the Colossus. Mais est-ce vraiment justifié ?
C'est en tant que fan absolu du travail de M. Ueda que je suis rentré dans la salle de présentation de The Last Guardian. J'allais enfin voir le jeu tourner devant mes petits yeux, avec une démonstration jouée par le créateur en personne. Alors oui, c'est presque le même passage qui a été vu pendant la conférence, mais M. Ueda pouvait s'arrêter pour tenter différentes choses et nous en dire plus sur l'idée derrière son nouveau jeu.
Eleveur de champions
Et l'idée, justement, c'est une histoire de duo complémentaire. De connexion entre les personnages. Vous, un petit garçon prisonnier d'un étrange complexe, et Trico, une bête majestueuse à plumes avec laquelle vous allez devoir apprendre à communiquer. Toute l'idée du titre tourne autour de la dynamique entre ces deux êtres. De votre compétence à vous faire comprendre de Trico dépendra votre survie et votre avancée. Là où cela devient complexe, c'est que Trico n'a pas nécessairement l'intention de vous suivre bêtement. Son comportement, comme nous l'explique Fumito Ueda, a été inspiré par celui d'animaux domestiques comme le chien ou le chat, entre autres. Tantôt joueur, tantôt bougon, tantôt curieux, tantôt fâché, c'est toute une palette d'émotions de Trico que vous allez devoir apprivoiser et contrôler au fur et à mesure de votre aventure.
Lorsque vous voulez attirer l'attention de Trico, vous devez souvent faire des pieds et des mains comme sauter dans tous les sens ou encore jeter des tonneaux. Tout semble indiquer que malgré sa taille gigantesque, Trico est très jeune dans son développement émotif et social. La section qui nous était montrée commençait un peu avant la démo de la conférence. Il fallait jeter des tonneaux sur une plate-forme en hauteur pour que Trico s'élève sur ses pattes arrières afin qu'on puisse l'escalader pour passer de l'autre côté d'une grille. C'est justement dans ce genre de moments que toute la poésie prend forme. Retenir l'attention de la bête, la diriger vers le bon endroit, regarder ses réactions, tout ceci fait partie de l'ordre du dressage. Rarement un simple "animal", qui n'est pas doté de la parole, a autant eu de personnalité dans le domaine du jeu vidéo. Cela semble finalement être un thème récurrent dans le travail de M. Ueda car nous avions déjà eu un aperçu de ce type de comportement avec Agro dans Shadow of the Colossus, qui vaquait à ses occupations quand vous ne le montiez pas, galopant parfois avec fougue dans les gigantesques plaines.
Dans les yeux
Une fois en extérieur, nous avons eu une vue plus précise de l'architecture qui vous entoure dans The Last Guardian. On reconnaît les architectures des autres travaux de Fumito Ueda et le mysticisme qui vous entoure. Petite anecdote, M. Ueda nous a affirmé que les gigantesques tours qui culminaient autour des deux protagonistes n'étaient pas des éléments du décor. Elles nous sont toutes accessibles. Malheureusement, à trop admirer les structures, on risquerait d'y laisser sa peau : les dangers sont omniprésents. La scène qui suit était la même que celle du trailer de la conférence Sony. Trico est apeuré par une construction mystérieuse et il vous faut vous en débarrasser pour passer, rattrapé in extremis par la bête alors que le pont sur lequel on est s'effondre. L'occasion d'une nouvelle précision : Lorsque l'on attrape la queue de Trico, il ne s'agit pas d'une scène cinématique. C'est en fait une phase de gameplay. Si on n'appuie pas sur le bouton au bon moment, c'est la chute fatale.
Evidemment, la scène observée est bien trop courte pour que je puisse vous livrer un avis assuré et définitif. Mais elle suffisait amplement pour mettre en avant ce que les équipes de Sony Japan Studios et de Gen System ont conçu. Un mélange entre la poésie naturelle des relations entre Trico et le petit garçon, et le sentiment de danger constant qui nous oppresse. C'est cette force qui semble surpasser le seul défaut apparent jusqu'ici, l'aspect technique en deçà des espérances qui nous rappelle que le titre fut initialement prévu pour PS3. Rien qui ne gâche la tenure artistique, bien évidemment.
The Last Guardian - Trailer E3 2015
The Last Guardian est une œuvre poétique qui raconte la relation qui unit un jeune garçon à une majestueuse bête. Comme avec Ico et Shadow of the Colossus, les moyens de communication sont principalement muets et il faut une certaine patience pour avancer dans un titre qui semble s'orienter vers le jeu de réflexion. Cela dit, nous ne savons pas encore ce que nous réserve ce The Last Guardian et je doute que l'univers du titre de Fumito Ueda ne nous oppose pas à des êtres menaçants à un moment ou un autre. Quoi qu'il en soit, le dressage de Trico pourrait bien nous offrir ces moments de joie et d'émotions qui sont finalement plutôt rares dans le jeu vidéo. Surtout sous cette forme.