Ces derniers temps, force est de constater que l’actualité des cartes graphiques a surtout été rythmée par les fluctuations de tarifs liées en partie aux activités de mining, bien plus que par les nouveautés technologiques, au grand dam des amateurs de jeux gourmands sur PC. Il faut dire que la déception qu’ont été les cartes Vega d’AMD n’a pas poussé NVIDIA à revoir ses plannings de lancement, bien au contraire. Le fabricant semblait par ailleurs avoir d’autres chats à fouetter, entre ces ambitions dans les applications de Deep Learning ou de Cloud Gaming. Cependant, l’annonce récente d’une conférence orientée GeForce en préambule du salon gamescom laissait enfin présager du mouvement, et les observateurs que nous sommes n’ont pour le coup pas été déçus, puisqu’hier sur scène à Cologne, Jen Hsun Huang a fait une réalité des cartes Turing de nouvelle génération. Et ces dernières ont en prime le bon goût de nous réserver pas mal de surprises.

C’est officiel. À partir du 20 septembre prochain, les GeForce de série 10 vont commencer, peu à peu, à laisser la place à une nouvelle famille de cartes graphiques. Une famille qui va notamment répondre à une dénomination inédite, GeForce RTX 20, et qui va reposer sur un nouveau GPU baptisé Turing et gravé en 12 nm. Dans un premier temps, trois cartes ont été dévoilées à destination du grand public : les GeForce RTX 2070, 2080, et 2080 Ti. Sans doute êtes-vous impatients d’en connaitre les spécifications exactes… Toutefois, il parait en premier lieu plus important de revenir sur le tournant que va représenter cette nouvelle génération dans la manière d’aborder les rendus graphiques 3D effectués en temps réel.

Rappelons qu’aujourd’hui, il existe deux méthodes permettant de générer une image sur la base d’une scène en 3 dimensions : le ray tracing et la rastérisation. L’avantage de la première méthode est de proposer une image finale que l’on qualifiera de photoréaliste. En contrepartie, elle demande une telle masse de calculs qu’on l’a toujours considérée comme impossible à mettre en œuvre dans le cadre d’un rendu en temps réel, une simple image pouvant nécessiter plusieurs heures de traitement. La rastérisation, quant à elle, a l’avantage de proposer une manière certes plus approximative de générer une scène 3D, utilisant des algorithmes pour simuler les effets d’ombres, de lumières, de réflexions applicables aux objets. Mais ce que l’on perd en réalisme, on le gagne évidemment en temps de calcul, ce qui a fait de la rastérisation la seule méthode de rendu utilisable sur nos jeux 3D modernes.

Cette petite explication pose en fait tout le défi que NVIDIA souhaite relever avec ses nouveaux GPU Turing : intégrer une part plus ou moins importante de ray tracing dans le processus de rendu de nos jeux. C’est en cela que nous indiquions que les spécifications, quoiqu’intéressantes dans une certaine mesure, ne seront pas ce qui caractérisera cette nouvelle génération de cartes par rapport à la précédente. Ce sont bien les modifications d’architecture qui définiront le mieux cette série 20. Et sur ce plan, les changements sont profonds. Ainsi, pour offrir à leur GPU plus de souplesse, les équipes de la marque au caméléon ont intégré deux nouveaux types d’unités de calculs, aux côtés des CUDA Core que l’on trouvait traditionnellement en nombre au sein des architectures précédentes : les RT Core, dédiés au rendu ray tracing, et les Tensor Core, plus tournés vers les calculs d’IA et de Deep Learning. Ainsi armés, les GPU Turing ambitionnent d’inaugurer une nouvelle forme de rendu 3D, qualifiée d’hybride par Jen Hsun Huang, mélangeant rastérisation et ray tracing. Le but est bien sûr de proposer de nettes améliorations sur la qualité visuelle de nos jeux. Et le PDG de NVIDIA n’a pas manqué de multiplier les démonstrations pour appuyer ses propos à ce sujet. Une scène tirée du prochain Shadow of the Tomb Raider a ainsi permis de mesurer les gains en matière de nuances apportées sur le rendu des ombres par la technologie RTX. Puis c’est Metro Exodus qui s’est illustré, pour mettre cette fois en exergue une gestion plus réaliste des éclairages. Enfin, Battlefield V a terminé de convaincre les foules, avec des effets de réflexion sur fond de scène de guerre assez bluffants, il faut bien le reconnaitre.

Une fois que le cadre de cette nouvelle génération a été posé, la conférence NVIDIA s’est attardée comme il se doit sur les cartes proprement dites. Des cartes qui inaugurent là encore, un certain nombre de nouveautés. La première d’entre elles concernera la mémoire associée au GPU, qui passera en GDDR6, contre GDDR5 ou GDDR5X pour la génération Pascal : 11 Go pour la RTX 2080 Ti, et 8 Go pour les RTX 2080 et 2070. Côté système de refroidissement également, on constate que les équipes NVIDIA ont souhaité renouveler le design historique de leur produit. Exit le blower… Toutes les cartes commercialisées par la marque disposent maintenant d’une double ventilation axiale pour refroidir le dissipateur. En cela, NVIDIA se rapproche des designs adoptés par la majorité de ses partenaires, ce qui pourrait d’ailleurs compliquer leurs affaires. En effet, Asus, MSI, Zotac et beaucoup d’autres se démarquaient notamment par des systèmes de refroidissement plus efficaces, par rapport aux cartes Founders Edition. Une différence qu’il sera peut-être plus difficile de faire valoir dans le cas présent (les tests à venir nous le diront). A cette difficulté s’en ajoute une autre : les fréquences de référence annoncées pour les cartes Founders Edition sont plus élevées que celles annoncées pour les cartes « partenaires ».

Nous n’irons pas plus loin dans l’analyse des spécifications techniques puisque comme nous l’avons souligné, les avancées en termes d’architecture rendent pour le moment difficile toute comparaison de fréquences ou d’unités de calcul. Vous trouverez cependant ci-dessous l’ensemble des caractéristiques techniques des nouveaux produits annoncées.

Nous en avons terminé ? Pas tout à fait. Il reste bien évidemment à aborder la question qui fâche, celle du prix, et disons-le clairement, les chiffres avancés par NVIDIA piquent un peu. 1259€ pour une GeForce RTX 2080 Ti, 849€ pour une GeForce RTX 2080, et 639€ pour une GeForce RTX 2070, dans leurs versions Founders Edition, et sachant qu’il ne s’agit là que des prix de lancement officiels, prix qui gonfleront peut-être encore un peu durant les premières semaines de commercialisation. On est loin des tarifs de lancement affichés par les GeForce GTX de série 10. Quant à savoir si ces investissements seront justifiés, ce sera tout le propos des tests que nous mènerons prochainement. Quoi qu’il en soit, NVIDIA entend bien proposer un nouveau bond en avant en matière de qualité d’affichage. Au-delà des considérations de puissance brute, une partie du succès de Turing reposera aussi sur la pertinence de cette nouvelle stratégie.