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News jeu Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes
Profil de Ayden_,  Jeuxvideo.com
Ayden_ - Journaliste jeuxvideo.com

Été 1994, Chicago. Le Consumer Electronics Show, plus généralement appelé CES, bat son plein. Dans les allées, la foule se presse et découvre les jeux de demain. Réalité virtuelle, simulateurs en 3D, démonstrations techniques... le futur est à portée de tous ! Et pourtant, malgré cette avalanche de technologie, c'est un jeu Super Nintendo qui attire l'attention : Donkey Kong Country. Fruit de la collaboration entre Nintendo et Silicon Graphics, il est la réponse du studio anglais RARE face à l'époustouflant Aladdin de la Mega Drive. La performance visuelle et sonore est si impressionnante que la cartouche 16-bits éclipse quasiment tous les autres jeux du salon. Afin de comprendre l'aboutissement d'un tel projet, nous sommes partis sur les traces du célèbre gorille. En compagnie de Steve Mayles, l'un des vétérans du RARE de la grande époque (que l'on retrouve au casting du très fun Yooka-Laylee), nous allons entrer dans les coulisses de ce monument vidéoludique et découvrir comment s'est nouée la relation entre les développeurs britanniques et la firme japonaise.

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes

Au même titre qu'un film, qu'une pièce de théâtre ou qu'une comédie musicale, la création d'un jeu vidéo est un long processus et un morceau de vie pour des dizaines voire centaines d'individus. Durant ces mois et années, il arrive que la production soit émaillée d'évènements pouvant bouleverser l'édifice créatif. Ces obstacles forment l'expérience et permettent d'aboutir, généralement, à une œuvre bien différente des concepts d'origine. Le jeu vidéo n'échappe pas à cette règle et il est souvent l'épicentre d'une foule de circonstances amenant les développeurs à se surpasser. Jeuxvideo.com a décidé de vous raconter l'histoire de ces jeux, mais surtout de ces hommes et femmes qui ont, par le prisme d'une œuvre artistique, écrit une partie de leur biographie. Régulièrement, vous retrouverez les témoignages de ces artistes apportant un nouveau regard sur les productions d'hier. Après Le Roi Lion et Metal Gear Solid, nous sommes partis sur les traces d'un hit absolu de la Super Nintendo : Donkey Kong Country. Bonne lecture et n'hésitez pas à nous dire, dans les commentaires, si vous souhaitez revoir de façon régulière ce type d'articles.

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes
Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes
Steve Mayles et ses anciens collègues de RARE ont fondé Playtonic, dont le premier jeu est Yooka-Laylee

Trois ans après son frère Gregg, Steve Mayles entre chez RARE en 1992. Alors âgé de 18 ans, le jeune graphiste intègre l'équipe en charge de Battletoads & Double Dragon, un crossover destiné à la NES, qui sera ensuite porté sur Game Boy, Mega Drive et Super Nintendo. En tant qu'artiste, il fait ses premières armes sur ce beat'em all et apprend à dompter les limitations technologiques des machines de salon. Il se souvient :

J’adorais jouer sur ZX Spectrum quand j’étais môme et il en fut de même plus tard avec l’Amiga. Et comme j’aimais aussi dessiner, j’ai pensé à faire les deux ensemble. Mon premier logiciel de dessin s’appelait Icon Graphix (sur Spectrum) et j’ai essayé de recréer le bolide du jeu Out Run, donc c’était quelque part vers 1986. C’était assez chaud d’ailleurs avec les limitations techniques du ZX Spectrum ! Ca m’a bien pris la tête (rires) ! Quant à l’Amiga, je me souviens avoir fait un peu de dessin sur Deluxe Paint 3 et c’était très amusant ! En y repensant, c’est dingue de me dire que j’ai finalement travaillé avec des gens qui ont réalisé certains de mes jeux favoris. C’est toujours un peu irréel !

À sa sortie, Battletoads & Double Dragon reçoit un bel accueil de la presse spécialisée et du public. Les retombées pour le studio sont positives et le jeu, dans sa version NES, est même nominé dans plusieurs catégories des Nintendo Power Awards, les récompenses du célèbre magazine américain. Mais pour les frères Stamper, les fondateurs du studio RARE, l'avenir est ailleurs...

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommesLes coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes

UN PARI TECHNOLOGIQUE

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes

Au début des années 90, RARE est à l'origine d'une quarantaine de titres NES. Outre la série des Battletoads, on trouve des œuvres comme Snake Rattle'n Roll, Captain Skyhawk ou encore Wizards & Warriors. Le succès est au rendez-vous et tous les voyants sont au vert pour poursuivre les développements sur la console de Nintendo. Mais des informations de plus en plus persistantes vont changer la donne...

Tim et Chris Stamper apprennent que Nintendo est en train de développer une console 16-bits, à même de concurrencer la Mega Drive. Conscient de l'enjeu technologique, ils tentent un pari fou et décident de réinvestir la quasi-intégralité de leurs recettes afin de s'équiper de stations de travail Silicon Graphics. À l'époque, cette compagnie américaine est spécialisée dans l'imagerie tridimensionnelle et commence à se faire un nom dans l'industrie du cinéma. En ce temps-là, Hollywood en pince pour les effets spéciaux et certains géants du septième art (Abyss, Terminator 2 ou encore Jurassic Park) profitent de cette technologie naissante. En se procurant ces ordinateurs hors de prix, les frères Stamper n'ont qu'une idée en tête : maîtriser la technologie de demain et prendre de l'avance sur la concurrence. Ils sont persuadés que l'avenir du jeu vidéo réside dans la 3D et les images de synthèse et ne tardent pas à profiter de cet investissement colossal...

Le bureau de Gregg Mayles en 1995.

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Avides de technologie, les deux frangins se mettent alors à créer des programmes expérimentaux et choisissent l'univers de la boxe pour mettre en avant les performances de leurs nouvelles machines. Lassés des sprites en bitmap (en 2D), ils tâtonnent et parviennent, à force d'efforts et de ténacité, à créer des éléments en 3D mais les essais restent à l'état de démos. Qu'importe, les deux anglais ont réussi leur coup ! En acquérant des stations Silicon Graphics, RARE devient, et de loin, le studio britannique le plus à la pointe, surpassant même les plus grands développeurs mondiaux. Il y a même une pièce qui régule la température de l'air, afin que les machines SGI ne surchauffent pas. Steve Mayles se rappelle d'ailleurs d'une anecdote à ce sujet :

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Les locaux de RARE à Twycross durant le développement du jeu.

Tim a utilisé un thème spatial pour nommer chacune de nos stations de travail. L’ordinateur qui nous servait de super calculateur - Challenger - s’appelait Deathstar (l’Étoile de la mort) ! Il faisait la taille de 4 frigos américains ! D’ailleurs, fait intéressant, dans le milieu des années 90, la seule entreprise dans le monde à posséder des ordinateurs Silicon Graphics, après RARE, était Boeing.

À cet instant, les Stamper ne le savent pas encore mais le choix de Silicon Graphics va modifier à jamais la destinée de leur entreprise...

DE SEGA À NINTENDO

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RARE a acheté 6 stations Silicon Graphics au tarif de 80 000 livres pièces (environ 95 000 euros).

En 1993, Tom Kalinske, alors Président de SEGA of America, apprend que Silicon Graphics est en train de développer une puce graphique destinée au marché du jeu vidéo, et qu'ils sont à la recherche de partenaires. Un contact est établi entre les deux entreprises et Tom Kalinske est invité à se rendre à Mountain View, où se trouve le siège de SGI. Sur place, le Président de SGI, Jim Clark, lui assure que la puce en préparation est la plus puissante du marché. Quelques démonstrations techniques plus tard, Tom Kalinske est scotché et estime que SEGA peut créer une console fantastique avec une telle technologie. Il appelle donc le Président de SEGA au Japon, Hayao Nakayama, pour lui fait part de la nouvelle. Quelques jours plus tard, des représentants de l'entreprise japonaise (Hideki Sato, Responsable de la R&D chez SEGA et quelques ingénieurs) se rendent à leur tour au siège de SGI mais la réponse est cette fois négative. Les intéressés craignent que la puce ne soit trop grosse pour l'architecture de la Saturn et décident de ne rien changer à leurs plans initiaux.

Dépité, Tom Kalinske s'excuse auprès de Jim Clark et l'invite à contacter... Nintendo. Et ce qui devait se produire se produisit... Dès 1993, Nintendo et Silicon Graphics établissent un partenariat qui débouchera, quelques temps plus tard, sur l'élaboration de démonstrations techniques et de l'Ultra 64, la future Nintendo 64. Le destin est parfois étonnant... et surtout, le hasard fait bien les choses.

LA VISITE DE NINTENDO

En 1993, Nintendo signe un partenariat avec Silicon Graphics et découvre que RARE s'est, de son côté, équipé avec des stations de cette même société. Or, il s'avère que Nintendo et RARE travaillent ensemble depuis la fin des années 80. Le géant nippon, impressionné par le talent des développeurs britanniques, a donné une totale carte blanche pour la conception de jeux NES. C'est ce qui explique l'avalanche de jeux 8-bits conçus par RARE durant cette période. À l'inverse d'autres éditeurs, l'entreprise anglaise ne souffrait d'aucune restriction (pas de limitation de nombre de jeux, de taille de cartouches, etc.) et s'en est donnée à cœur joie. Mais revenons à nos circuits imprimés...

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Découvrant que RARE travaille avec des stations SGI, Nintendo envoie plusieurs émissaires en Angleterre, dont Tony Harman (Directeur des Achats et du Développement chez Nintendo of America) et Genyo Takeda (Responsable de la Technologie et ancien Directeur d'un des départements de Recherche et Développement). La démo (tournant sur Challenger), qui montre un boxeur capable d'effectuer une dizaine de mouvements, est une révélation pour les deux hommes. Les représentants de Nintendo espèrent que la démo peut être portée sur Super Nintendo et demandent aux frères Stamper de tenter une adaptation. 48 heures plus tard, après que deux développeurs aient travaillé jour et nuit, la démo s'affiche sur Super Nintendo sans quasiment aucune perte. Après cette prouesse, Nintendo ne tarde pas à acquérir RARE à hauteur de 49%, qui devient un développeur Second Party de la firme nippone. RARE devient alors Rareware (pour un souci de compréhension, nous conserverons RARE pour l'ensemble de l'article).

Une légende urbaine

Une histoire, relatée de nombreuses fois sur internet, raconte que la puissance demandée par les stations Silicon Graphics était telle que RARE a reçu la visite du gouvernement britannique. Selon les informations recueillies, les hautes instances anglaises ne parvenaient pas à comprendre pourquoi le studio consommait autant d'électricité. Cette légende en restera probablement une à jamais car Steve Mayles a tout simplement répondu qu'il n'avait jamais entendu parler de ça. Mais ça l'a fait bien rire.

LA GENÈSE DES BANANES DORÉES

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes
D'abord appelé Rumble in the Jungle puis Monkey Mayhem, le jeu devient Donkey Kong and the Golden Bananas.

Steve Mayles, qui venait de boucler Battletoads & Double Dragon, se souvient très bien de cette visite :

À l’époque, les logiciels graphiques conçus en dehors du Japon étaient considérés comme supérieurs à ceux produits directement des équipes japonaises. Nintendo est venu faire une visite dans nos locaux et nous avons montré à leurs émissaires un outil maison avec lequel nous aimions nous « amuser », qui est devenu ACM, pour Advanced Computer Modelling (NDA : Ce type d’ordinateur a servi à la réalisation de Terminator 2, Jurassic Park ou encore True Lies). Il s’agit d’une technique de modélisation avancée et assistée par ordinateur. Séduits, ils nous ont alors demandé de concevoir un jeu basé sur le personnage de Donkey Kong.

En accord avec les frères Stamper, Nintendo et RARE décident alors de réaliser un jeu sur Donkey Kong. Pour l'occasion, une équipe de 12 personnes est constituée afin de réaliser les croquis des personnages et des décors. Les premiers concepts sont élaborés pendant que d'autres membres apprennent à manipuler les différentes stations Silicon Graphics. Steve Mayles faisait partie de cette équipe :

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Après quelques mois (délicats) d’apprentissage du logiciel, j’ai modélisé Donkey Kong à partir du concept génial de Kev Bayliss. C’était au milieu de l’année 1993, donc c’est à peu près à ce moment-là que le projet a débuté.

Bien que jeune et insouciante, la fine équipe mesure l'ampleur du projet titanesque dans laquelle elle se lance. La 3D est un concept encore balbutiant dans l'univers du jeu vidéo et nombreux sont les membres du studio anglais à ne pas connaître les rouages d'un tel développement. Pourtant, très vite, les créateurs s'aperçoivent que la technologie utilisée est d'une grande souplesse, permettant à la fois d'observer le personnage en 3D sous tous les angles mais aussi de vérifier l'animation 3D avant de la convertir en image 2D, etc. Par ailleurs, le travail sur les ombres et les lumières est beaucoup plus facile d'accès.

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Steve Mayles complète :

En dehors de la courbe d’apprentissage (pas de tutoriels sur internet à l’époque !), c’était facile de travailler une fois que nous avions compris le système. Nous avions un programme qui permettait à l’utilisateur de choisir 16 couleurs à partir d’une image pour créer une palette de couleurs qui serait ensuite utilisée pour le personnage dans le jeu. Et comme tout était pré-rendu, si quelque chose déconnait dans l’animation, on pouvait apporter des corrections rapidement. Franchement, par moments, cela ressemblait à de la tricherie tant il était facile de créer des personnages et des animations surpassant tous les efforts possibles et imaginables à la main.

Le choix du jeu de plateforme s'inscrit d'ailleurs dans cette logique technologique.

Un plateformer est la meilleure façon de démontrer toute la puissance de l’ACM avec une grande variété d’environnements, de personnages et d’animations. Les animations ont été créées à peu près de la même manière qu’aujourd’hui. C’est à dire qu’on ajoute des jointures à un modèle et on intègre des images-clés pour animer le personnage. On obtient alors un rendu dans le cycle d’animation et c’est bon !

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Nanti de cette technologie surprenante, RARE baptise le projet "Donkey Kong and The Golden Babanas". Pour organiser le développement, un cahier des charges, réunissant les croquis et toutes les idées, est établi.

DU SINGE AU CHEVAL

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Rapidement, il est question d'utiliser les mouvements de véritables singes pour apporter du réalisme aux animations. Par un bel après-midi, une partie des membres du studio s'équipent de caméras et prend la direction du zoo de Twycross. Le musicien, David Wise, qui a obtenu l'approbation de Nintendo pour réaliser l'intégralité de la bande-son, est également présent pour capturer le son des animaux. Malheureusement, c'est une perte de temps considérable. Les Anglais s'aperçoivent que les mouvements naturels des singes ne s'accordent pas du tout à la création d'un jeu vidéo. Même constat pour le son ! Les primates ne sont bruyants que lorsqu'ils mangent et sont silencieux en temps normal. Au lieu de se démoraliser, Steve Mayles et ses collègues décident d'exploiter les mouvements d'autres espèces animales. Ces animations, qui vont être de vrais casse-têtes, vont provoquer l'hilarité générale. Voir un singe se dandiner comme une grenouille ou un lapin, avouez que ça peut être très drôle ! Mais c'est finalement un autre animal qui va retenir l'attention : le cheval.

(rires) la « Course de Chevaux » ! Oui, je m’en souviens, on était arrivé à la 7ème tentative et je commençais à en avoir ras la casquette ! Je me souviens avoir écrit « Course de Cheval » sur la disquette que j’ai laissé sur le bureau de Chris. Nous avons filmé des singes au zoo local, mais les images étaient inexploitables. Ils ne couraient pas beaucoup et jamais dans une belle ligne droite !

Aussi improbable que celui puisse paraître, c'est donc bel et bien le galop du cheval - après quinze tentatives ! - qui va être utilisé pour donner cette course à Donkey et à Diddy. Comme quoi, la recherche de réalisme peut parfois se traduire par une perte de fun...

ASTUCES ET INSPIRATIONS

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Au-delà des animations, l'autre chantier d'envergure est venu des environnements du jeu. Selon les intéressés, ce fut même l'une des tâches les plus complexes à réaliser, la faute à une mémoire extrêmement limitée. Pour faire simple, la mémoire utilisée pour un seul écran était plus élevée que la taille de la cartouche entière ! Pour obtenir de beaux et grands décors, les graphismes ont joué de malice en répliquant à plusieurs reprises les éléments en arrière-plan. Pour "feinter" le regard des joueurs, le responsable des environnements (Tim Stamper) a utilisé une méthode consistant à découper et à adapter chaque élément, afin de dissimuler le "copier/coller". En terme de variété, l'équipe n'a pas hésité à puiser dans de multiples inspirations :

Les environnements puisent beaucoup de leur inspiration dans Indiana Jones et le Temple Maudit (notamment les wagons et les plateformes suspendues dans la mine). On a aussi pris exemple sur le Retour du Jedi pour le village dans les arbres.

Les membres du studio pouvaient terminer le travail à 23h. Les stations Silicon Graphics moulinaient alors toute la nuit pour finaliser le rendu des modèles 3D.

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommesLes coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommesLes coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes

Gregg Mayles, le frère de Steve, est passionné par l'univers de la piraterie. Au fil du temps, il va parvenir à influencer les autres membres de l'équipe, ce qui va pousser les intéressés à imaginer tout un univers à base d'îles, de cocotiers, de palmiers, de pirates, de galions, de niveaux submergés... le résultat est convaincant et fonctionne immédiatement, il est vrai, bien aidé par le célèbre humour anglais. D'ailleurs, les Kremlings, qui sont les ennemis du jeu, viennent d'un ancien prototype de Rareware intitulé "Jonny Blastoff et l'armada Kremling". Il s'agissait d'un jeu d'aventure à la Monkey Island mais qui a été annulé en cours de développement. En hommage, les concepteurs de RARE ont récupéré le nom Kremling pour désigner les méchants du gorille et de son acolyte.

Assez tôt dans le développement, les membres du studio ont le souhait d'apporter un compagnon à Donkey Kong. En plus de servir d'aide extérieure, ce personnage évite l'implantation d'une barre d'énergie et fait écho au concept du "petit Mario qui devient grand". Au départ, il est question de redesigner le personnage de Donkey Kong Jr. mais le résultat ne convient pas du tout à Nintendo. Les Japonais proposent aux Anglais de prendre Junior tel qu'il est ou de donner un nom différent à la création britannique. C'est cette deuxième option qui est choisie.

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Kev Bayliss a créé Diddy Kong et je l’ai animé. Je pense qu’il n’était vraiment pas fan de DK Junior, donc il a créé un personnage à son image. Après cela, d’un consensus général, on a établi que le Donkey Kong original du début des années 80 est Cranky Kong, tandis que Donkey Kong est tout simplement DK Jr qui a grandi. Diddy, quant à lui, est un cousin. D’ailleurs, les personnages de Donkey Kong Country ont été créés à partir du modèle de Donkey Kong. On prenait la bouche de Donkey Kong et on l’étirait dans tous les sens, sous différentes formes !

Malgré un scénario très simple (Steve Mayles confirme qu'il n'y avait qu'un seul pitch : le vol de bananes), les créateurs ont fait en sorte de conserver une certaine cohérence familiale. On trouve aussi Candy Kong, la copine de Donkey, ou encore Funky Kong qui n'est autre que l'ami surfeur de ce dernier. Tous ces personnages n'ont pas eu de grosses difficultés pour trouver un nom. En revanche, ce fut plus compliqué pour Diddy. Comme il s'agit d'un personnage central de l'histoire, les développeurs ont imaginé de nombreux dénominatifs, en association avec sa petite taille : Diet DK, DK Lite ou encore Titchy Kong ! C'est finalement le nom Dinky Kong qui va être retenu avant que RARE ne le change pour des histoires de droits.

L'aventure est également ponctuée de phases avec des montures : rhinocéros, autruche, grenouille... Toutes ces créatures étaient prévues dès le départ, comme le reconnaît Steve Mayles :

Les animaux étaient planifiés dès le début du développement. Rambi était un des premiers concepts de Kev, lorqu’il a réfléchi au concept de Donkey Kong. Le rhino est arrivé assez tôt et comme c’était assez amusant, on a décidé d’en créer d’autres. D’ailleurs, c’était plus sûr de ne pas grimper sur Winky la grenouille, elle était la cause de nombreuses morts prématurées.

Le logiciel PowerAnimator, utilisé pour les animaux du jeu, a servi pour réaliser les effets spéciaux de Terminator 2 ou encore Jurassic Park.

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L'APPROBATION JAPONAISE

Alors que le développement du jeu se poursuit, Tim Stamper et Gregg Mayles s'envolent pour le Japon afin de faire le point avec les hautes instances de Nintendo. Sur place, ils visitent les locaux du constructeur nippon et se retrouvent dans une grande salle de conférence en face de plusieurs pointures, dont Shigeru Miyamoto et Gunpei Yokoi, qui n'est autre que l'inventeur, entre autres, de la Game Boy. Mais sur place, les Anglais doivent composer avec des commentaires... surprenants.

Je ne suis pas allé au Japon, ce sont Tim et Gregg qui ont pris l’avion. Nintendo voyait l’énorme potentiel du jeu, mais M. Yokoi était assez préoccupé par le rendu qu’il estimait « trop 3D ». Il expliquait que les sauts n’étaient pas aussi précis en raison de l’aspect 3D du jeu.

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C'est Shigeru Miyamoto, à l'origine de ce croquis, qui a suggéré l'idée de la cravate.

L'homme d'expérience, qui est bien plus attiré par le gameplay que par la technique, craint que la perte de précision gêne le joueur à atteindre ses objectifs. Heureusement pour RARE, Shigeru Miyamoto est beaucoup plus enthousiaste et parvient à convaincre son mentor de donner l'approbation aux Britanniques. Les voyageurs rentrent en Angleterre avec la banane (elle était facile) et c'est à ce moment précis que Shigeru Miyamoto va intensifier ses messages par mail et fax, en collaborant régulièrement avec Tim et Chris Stamper. C'est notamment le papa de Mario qui va suggérer l'idée de la cravate pour donner un côté "cool et grand public" à Donkey (la cravate sera d'ailleurs introduite dans Donkey Kong sur Game Boy en 1994) mais c'est également lui qui va proposer la frappe sur le sol (Donkey Kong peut taper le sol avec ses grosses mains). Cette animation sera ainsi ajoutée très peu de temps avant la fin du développement. Pendant 18 mois, l'équipe de RARE va travailler très dur et être confrontée à une grosse pression, tout en subissant les exigences des frères Stamper. Ce sont notamment ces derniers qui ont poussé pour que les graphistes ajoutent de la neige, de la pluie, etc. Mais vu le résultat final, tous sont heureux d'avoir tant donné à l'époque...

UNE MUSIQUE INCROYABLE

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes
Les bruitages ont été enregistrés, en partie, par Mark Betteridge, un ancien employé de RARE, qui imitait les singes à la perfection.

Réalisée par David Wise (ainsi que Eveline Fischer et Robin Beanland), la bande originale de Donkey Kong Country est l'une des plus inoubliables de tous les temps. Atteindre ce rendu sonore sur un tel support est une véritable performance mais le talent et l'intelligence du compositeur anglais ont fait le reste. Pour braver cette satanée mémoire de 64 Ko, le musicien s'est appuyé sur des musiques d'ambiance en intégrant une multiple de nappes synthétiques, une mélodie reconnaissable et des percussions. L'une de ses plus grandes réussites demeure incontestablement la musique des niveaux aquatiques. '''Intitulée "Aquatic Ambience", elle est le fruit d'une longue expérimentation.

Pour obtenir ce thème, David Wise, qui a toujours avoué qu'il composait pour son propre plaisir technique, a tenté d'émuler la technique du "Wave Sequencing" du synthétiseur KORG. Ce morceau, devenu culte, a demandé cinq semaines de programmation et reprogrammation pour être audible sur Super Nintendo.''' Il est très apprécié des joueurs... sauf de Steve Mayles, enfin à l'époque...

Comme vous le savez, la musique est l’œuvre de l’étonnant David Wise, qui a marqué un grand nombre de titres de RARE. Et je dois bien admettre que je n’étais pas convaincu par le thème aquatique quand je l’ai entendu pour la première fois. Je trouvais qu’il faisait trop « détente », pas assez jeu vidéo. Ok, ok, je me suis planté ! C’est une musique géniale !

LA CONSÉCRATION

Lors du CES de l'été 1994, après un an et demi de dur labeur, RARE présente Donkey Kong Country. Convaincu du potentiel du jeu, Nintendo of America met le paquet pour son stand. Le singe est partout, il apparaît dans une vitrine, un décor de jungle avec une maison dans les arbres (qui bouge avec un système d'ombres de singes à la fenêtre) est construit en taille réelle et Nintendo va jusqu'à mettre en avant son partenariat avec Silicon Graphics. Les visiteurs peuvent même découvrir une tête de Donkey Kong animée en 3D via un concept de réalité virtuelle.

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommesLes coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommesLes coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes

Bien évidemment, les membres de RARE sont aux anges :

La Nintendo 64/Project Reality était encore en tout début de conception. Quand Nintendo a découvert un tel rendu sur SNES, ils ont vu qu’ils pouvaient allonger le cycle de vie de leur console, jusqu’à ce que la Nintendo 64 soit prête. Lors de la conférence Nintendo du CES 1994, tout le monde pensait qu’il s’agissait du premier projet destiné au Project Reality ! Lorsqu’ils ont appris que cela tournait sur une Super Nintendo, les gens ont été soufflés ! Ce fut un moment si merveilleux que je ne l’oublierai jamais !

Les coulisses de Donkey Kong Country : Des gorilles et des hommes

Et c'est peu de le dire. Lorsque l'assemblée apprend que Donkey Kong Country tourne sur Super Nintendo, la salle est engloutie par un silence de stupéfaction. Puis une salve d'applaudissements se fait entendre de longues minutes. Steve Mayles reconnaît d'ailleurs que le résultat final est à la hauteur des efforts faits par toute l'équipe. Mais il ne peut s'empêcher d'avouer que le jeu aurait pu être encore plus impressionnant sans ces problèmes de mémoire.

Il n’y a jamais assez d’espace ! Chris (Sutherland) a toujours charcuté mes belles animations en 32 images par seconde, en supprimant toutes les étapes d’animation et en ne gardant que les principales ! Quoiqu'il en soit, j'ai un affect particulier pour Donkey Kong Country mais je pense que Donkey Kong Country 2 est vraiment le meilleur des deux jeux, et quelle bande son ! Et j'ai un message pour les fans : je vous remercie beaucoup pour l'affection que vous avez toujours eu à l'égard des jeux Donkey Kong Country. On a passé un moment génial en faisant ces jeux et qu'ils soient appréciés par un si grand nombre nous rend très heureux.

Donkey Kong Country, écoulé à plus de 9 millions d'exemplaires à travers le monde, donnera vie à deux suites. Le deuxième volet améliore le concept initial et intègre un personnage jouable inédit avec Dixie Kong (qui se prénommait Diddiane au départ). Le troisième épisode, quant à lui, sera réalisé par une autre équipe et terminera, de façon abrupte, l'escapade des Kong sur consoles 16-bits. Au cours de cette entrevue, Steve Mayles m'a avoué que Donkey Kong Country fait partie des plus beaux jours de sa vie. Cela tombe bien, pour nous autres joueurs, c'est l'une des expériences vidéoludiques les plus inoubliables qui soient.

Sources :

  • Interview Steve Mayles réalisée en 2015
  • Retrogamer #83 - Rétrospective Donkey Kong Country
  • Vidéo "Making of Donkey Kong Country" - Nintendo Player
  • Pix'n Love #29 - Donkey Kong Country
  • Wikipedia - Donkey Kong Country
  • Twitter de Steve Mayles (@WinkySteve) et Gregg Mayles (@Ghoulyboy)
SNES Nintendo Rareware Plate-Forme Rétrogaming
Commentaires
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_mirage_ _mirage_
MP
Niveau 7
le 01 juin 2017 à 16:33

C'est bien Lui, DKC 2, le meilleur jeu de cette SNES, et l'un des meilleurs de tous les temps...

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