La prise de pouvoir de Vivendi sur Gameloft n’est en aucun cas passée inaperçu. Vivendi, symbolisé par Vincent Bolloré, devint l’actionnaire majoritaire de l’éditeur le 1er juin 2016 après une bataille financière de plusieurs mois. Une OPA plus tard, l’entreprise des frères Guillemot tombait entre les mains du géant des médias tandis qu’Ubisoft résistait et résiste encore et toujours. Début octobre, Vivendi et Gameloft brisèrent un silence de 4 mois et profitèrent de leurs locaux avec vue sur l’Arc de Triomphe pour présenter la nouvelle stratégie de l’éditeur spécialisé dans les jeux sur mobiles pour les années à venir face à un parterre de journalistes écoutant avec attention les discours de Stéphane Roussel (Membre du Directoire de Vivendi et PDG de Gameloft) et des membres fraîchement nommés du comité de direction de Gameloft.
Gameloft : Pilier de la stratégie Mobile de Vivendi
Accentuer sa présence sur mobiles et devenir un acteur majeur d’un marché en plein essor depuis une dizaine d’années afin de suivre la croissance de la consommation sur ces terminaux, voici la stratégie de Vivendi depuis près de 2 ans. Le contrôle d’acteurs majeurs de ce secteur et ce dans la musique, les formats courts (à la manière de Kaamelott) et le jeu vidéo répond à cette nouvelle politique. L’acquisition de Gameloft suit donc une stratégie établie, celle de s’imposer sur le marché ultra concurrentiel des smartphones avec un contenu varié et de qualité. Dans le domaine des jeux vidéo, Gameloft a démontré à de maintes reprises par le passé sa capacité à exploiter l’App Store et Google Play pour créer des franchises devenues des incontournables : une opportunité pour Vivendi de mettre le pied à l'étrier et s’inviter sur un marché s’élevant à 35 milliards de dollars l’année passée.
Et les reins de la société créée par Michel Guillemot sont solides. Chiffre d’affaires en progression (+4%) sur le premier semestre 2016 malgré l’agitation générale, Gameloft est une valeur sûre capable de produire de nombreux jeux en parallèle et contenter un nombre toujours grandissant de joueurs. Sur le marché mobile, l’éditeur pèse 14 millions de joueurs passant en moyenne 39 minutes par jour sur un ou plusieurs de ses titres ; du pain béni pour Vivendi et ses ambitions croissantes.
Vivendi - Gameloft : Des synergies en devenir
Au-delà de la simple acquisition, Vivendi et Gameloft ont tout intérêt à collaborer. La société de Vincent Bolloré ne compte en aucun cas absorber bêtement l’éditeur, mais le considère comme un acteur à part entière, maître de son destin.
L’arrivée de Gameloft dans le portefeuille de Vivendi ne se résume pas à un désossage en bonne et due forme de l’éditeur mais s’apparente à une collaboration donnant donnant sur le papier du moins. Mise à disposition de franchises, négociation pour obtenir le droit d’exploitation de licences tierces et contrats publicitaires pour l’un… connaissances du marché mobile, présence dans les pays émergents (Mexique, Brésil…) et régie publicitaire pour l’autre… les synergies Vivendi-Gameloft s’exposent au grand jour. A titre d’exemple, Vivendi exploitera la marque Asphalt en produisant une série télévisée avec Studio +, suivant ainsi sa politique Cross Média, et rassemblera les informations utilisateurs (Big Data) acquises via les différentes sources en sa possession sous une même bannière afin d’en faire profiter l’ensemble du groupe. La relation décrite par Stéphane Roussel a de quoi faire saliver la concurrence tant les opportunités nées d’une telle collaboration semblent illimitées à l’heure où nous écrivons ces quelques lignes.
Restructurer la production et la prise de décision
L’acquisition d’une compagnie est souvent synonyme de départ massif et plus particulièrement en ce qui concerne la classe dirigeante et le cas Gameloft suit ce précepte à la lettre sans pour autant avoir vu sa masse salariale se réduire drastiquement. A l’exception de quelques têtes d’affiche, les 6.000 employés sont bel et bien restés après l’arrivée de Vivendi au pouvoir. Seuls 15 “haut placés” ont profité de la prise de pouvoir (et d’une prime de départ) pour quitter le navire, incluant 2 des 20 directeurs de studio en poste. Malheureusement, nous ne connaissons pas le nombre total de départs ayant vidé les rangs de l’éditeur durant les 4 derniers mois.
Et cette restructuration concerne avant tout le fonctionnement même de l’éditeur. Autrefois, Gameloft centralisait la majorité des décisions au siège situé à Paris. Conception, production, marketing… l’ensemble des projets naissait et mourrait d’une main parisienne bien que les têtes pensantes soient localisées aux quatre coins du globe entre l’Europe occidentale et l’Asie du Sud Est. Vivendi s’est donc attelé à créer un véritable comité de direction basé exclusivement à Paris tout en libérant les studios d’une emprise bien trop souvent pesante.
Exhorter la créativité
Se contentant bien souvent d’un simple rôle de “faiseur”, laissant la créativité entre les mains du siège, les 20 studios de Gameloft seraient désormais en charge de leurs projets. Vivendi souhaite exploiter au mieux le potentiel créatif de tout à chacun et donner les rênes de la production aux directeurs de studio. Faire la différence fut répété à maintes reprises et à raison. Vivendi espère ainsi produire le prochain Clash Royale, Pokémon GO… et changer ostensiblement un marché mobile enclin à se cloner. Pour se faire, un concours interne a été organisé au sein de la société afin de pousser tous les employés à proposer leurs idées et à les soumettre à Paris. Un vote et une phase de prototypage plus tard, les heureux élus partiront en production pour une sortie prévue fin 2017 (début 2018). 70 projets ont d’ores et déjà atterri sur le bureau du comité de direction.
Prendre des risques et s’appuyer sur le savoir-faire, les connaissances et les compétences en local et laisser libre court à l’imagination des artistes et designers résument la politique d’un Vivendi désireux de responsabiliser les équipes et d’en faire les artisans de leur propre réussite. Vision idyllique à plus d’un titre, seul l’avenir confirmera ou non la véracité des propos tenus par la nouvelle direction. Mais le tableau dépeint par Stéphane Roussel et ses acolytes a de quoi rassurer les amateurs de jeux vidéo sur mobiles.
Un line-up entre tradition et modernité
Les premières briques de cette nouvelle politique commencent à se mettre en place. 4 jeux estampillés Gameloft débarqueront dans les mois à venir. Asphalt Extrem en novembre, Modern Combat Versus et Gangstar New Orleans en 2017 suivront la sortie le 26 octobre de Zombie Anarchy, un jeu de gestion prenant place dans un univers post-apocalyptique. La prise de risques d’un tel line-up est proche du néant tant Vivendi assure l’essentiel en exploitant les franchises phares de l’éditeur à l’exception du dernier titre cité. La véritable révolution, si révolution il y a, viendra des projets en cours de gestation. Le curieux se devra donc de patienter encore plusieurs mois avant d’apercevoir le nouveau visage de Gameloft.
Gameloft dévoile son line-up 2016 - 2017
Malgré les discours rassurants et la qualité des jeux présentés lors de l’événement, le Gameloft version Vivendi n’apparaîtra au grand jour qu’en 2018 avec le lancement des premiers jeux nés sous la tutelle de la multinationale. En attendant, le catalogue de l’éditeur devrait contenter les adeptes de jeux sur smartphones et tablettes.