Si vous avez suivi les conférences de l'E3 2016, peut-être avez-vous assisté à la conclusion de celle tenue par Bethesda à Los Angeles dimanche dernier. Dishonored 2 a été incontestablement mis à l'honneur en dévoilant au monde entier des portions de son gameplay, permettant ainsi de découvrir les nouveaux pouvoirs et le nouvel univers du FPS d'infiltration. Avant d'aller plus au fond des choses, nous n'avons pu nous retenir de demander à Sébastien Mitton s'il avait conscience de l'accueil retentissant recueilli par cette démonstration.

C'est de la fierté et de la pression qui redescend, car lorsque tu gardes ton bébé pendant 4 ans et que tu le relâches après avoir donné autant de passion... finir le show comme ça c'était vraiment cool. Pour l'accueil, j’entends dire que tout le monde est content, je l'entends parce que toi tu me le dis, mais j'ai ne pas plus de retours que ça car je vis depuis trois jours dans cette pièce d'interview (rires). En tout cas, si les réactions sont à la hauteur de l'amour que j'ai pour le jeu, ça doit être un gros blast à l'extérieur.

Un bond de 15 ans dans le futur

Cette présentation, en plus d'attiser l'impatience des fans, a également permis aux personnes ne connaissant pas le premier épisode de prendre contact avec la licence. Toutefois, c'est bien là la question qui se pose lors de la commercialisation d'une suite, est-il possible de jouer à Dishonored 2 sans avoir fait le premier ? Rappelons que l'intrigue du deuxième épisode se déroule 15 ans après le premier et que les histoires sont nécessairement liées d'un opus sur l'autre.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'avoir joué au premier pour faire le deux, même si je pense que c'est cool, si tu veux une expérience globale, de passer par le un avant de lancer le deux. D'ailleurs, c'est ce qui a été annoncé à la conférence, c'est que si tu achètes la collector avec le masque, tu as la Definitive Edition qui te permet de faire le premier.

S'il sera effectivement possible d'obtenir le premier épisode par le biais de la précommande de l'édition collector, tous les joueurs ne sont pas enclins à débourser une certaine somme pour obtenir une édition spéciale. Y aura-t-il alors des éléments inclus dans le jeu pour faire le lien entre les deux épisodes afin que les nouveaux venus puissent saisir les enjeux de Dishonored 2 ?

Il faut savoir que tout ce qu'on fait a une histoire avant l'histoire du jeu. Quand on fait une ville, on invente son passé, son histoire etc... Je sais qu'il y aura également des notes qui font référence au régime du Lord Regent, de l'oppresseur de Dunwall, sa chute, à laquelle tu as participé, les impacts que ça a eu, la façon dont le calme est revenu dans Dunwall... ça permet de comprendre ce qui s'est passé. Lors de la conférence par exemple, nous avons montré un système de passé / présent. Le passé que l'on voit se déroule 3 ans avant l'expérience de Dishonored 2.

Plus de place à l'action ?

La conférence, justement, semblait axer la présentation sur les skills d'action, laissant supposer que Dishonored 2 serait davantage orienté vers cette facette plutôt que celle de la discrétion. Corvo, par exemple, conserve les pouvoirs du premier opus mais dans des versions améliorées, tandis qu'Emily jouit d'un panel de pouvoirs pour le moins dévastateurs. Cela tient-il de la nature de la présentation, qui doit forcément être explosive pour attirer l'attention, ou cela répond-il à une volonté d'Arkane Studio de peaufiner l'aspect action du jeu ?

Non ce n'est pas une volonté, mais c'est peut-être ce qui en ressort quand tu vois des bouts du jeu. C'est dur de montrer ce titre en une minute parce qu'on peut faire tellement de choses d'une manière différente que si tu ne montres qu'une voie, les gens vont se dire « ah, ce n'est que du combat mêlée », si tu ne montres que les pouvoirs, ils vont se dire que c'est uniquement axé sur la magie. Mais en réalité, non, c'est bien équilibré.

Dishonored 2 conservera donc l'essence qui a fait le succès du premier épisode à savoir la possibilité de jouer comme bon vous semble : brutalité ou discrétion, à vous de choisir. Nous entretenons alors l'espoir que quelle que soit l'approche choisie, le challenge sera au rendez-vous.

La difficulté est plus précise que dans Dishonored 1. Nous avons notamment pas mal bossé sur la détection de l'intelligence artificielle. Par exemple, les gardes qui ont un casque de métal avec une visière ne peuvent pas vous voir si vous marchez sur un toit au-dessus d'eux. S'ils n'ont pas de casque, ils pourront vous voir.

Plus étonnant, il a été annoncé qu'il serait possible de terminer Dishonored 2 sans utiliser de pouvoirs, ce qui devrait garantir, si vous optez pour cette approche, un défi pour le moins relevé.

Oui effectivement. Vous pourrez aller voir l'Outsider dans le jeu pour lui dire « non, je ne veux pas de tes cadeaux, j'en ai assez soupé ».

Lorsque l'on connaît un peu la licence, on sait que c'est sa science du level design qui offre des opportunités d'approches multiples. Le fait de pouvoir terminer le titre sans jamais utiliser de pouvoirs n'a-t-il pas été un casse-tête concernant la construction des niveaux?

C'était un peu le cas dans Dishonored 1 où tu pouvais choisir de ne pas avoir le blink (pouvoir de téléportation du personnage - ndr), ou ne pas ramasser de mana pour l'augmenter, ce qui était déjà une grosse contrainte en termes de level design. Là, les niveaux sont encore plus grands et plus développés. On réalise alors des playthrough avec les level designers qui doivent s'assurer que l'on peut bien finir le jeu sans utiliser les pouvoirs. C'est très important pour nous. Par exemple, si le Cœur (un item de Dishonored - ndr) te dit qu'il y a une rune en hauteur et que tu ne peux pas y aller sans pouvoir, pour nous c'est un échec. Ce n'est pas dans notre philosophie. On veut laisser au joueur de la liberté. Alors certes, cette liberté c'est beaucoup de contraintes et de nuits blanches pour nous mais c'est payant au final.

Que vous choisissiez la pure infiltration, l'utilisation ou non des pouvoirs ou encore une optique plus brutale, vous pourrez venir à bout du jeu à votre manière, ce qui devrait rassurer les fans du premier opus qui auraient pu craindre un virage orienté action à la lumière de la présentation du jeu.

Répondre aux critiques

S'il a reçu un grand succès critique et public, Dishnored a essuyé quelques reproches lors de sa sortie. Manifestement conscient des doléances des joueurs, Arkane s'est employé à les prendre en compte et à les corriger dans Dishonored 2. Nous avons ainsi abordé avec Sébastion Mitton les blâmes concernant la gestion du chaos, qui manquait un brin de nuances et donnait lieu à une fin trop binaire.

Bien sûr nous avons entendu ces retours, sur les fins et la gestion du chaos. Là ce sera plus nuancé, plus poussé. C'est plus grand, il y a plus de personnages, bref c'est du « plus plus plus ». On voulait notamment rendre l'expérience de ne tuer personne plus intéressante. Le chaos impactera les fins, changera aussi les lignes de dialogue de Corvo et d'Emily, les civils réagiront différemment (...) On a intégré les retours des joueurs pour rendre le chaos plus intéressant, mais je ne veux pas trop spoiler.

Autre reproche invoqué à l'encontre de Dishonored : sa technique. Si la direction artistique du jeu a été largement saluée, certains reprochaient au titre d'Arkane ses lacunes graphiques. Dishonored 2 a été façonné sur le Void Engine, un moteur maison, et le résultat affiché lors de la conférence Bethesda semble plus que probant. Était-ce une manière de répondre aux critiques et de prouver désormais que Dishonored pouvait allier technique et esthétique ?

Absolument. Ce qui déplaisait à certaines personnes était que des textures étaient parfois moins belles, que certains matériaux étaient moins peaufinés, mais c'était aussi une volonté graphique. Aussi, nous étions sous Unreal Engine et la façon dont on faisait les niveaux ne correspondait pas forcément au moteur. Ce n'était pas des couloirs ou des univers fermés, du coup on ne pouvait pas faire plus techniquement, on était déjà maximum. Pour Dishonored 2, nous avons fait un moteur dédié au jeu, développé en intégrant notre IA, notre son, la manière dont on pense le level design et le game design et bien évidemment, les graphismes, le rendu.

En signant la direction artistique de Dishonored 1 et 2, Sébastien Mitton se déclare nettement plus attaché aux considérations esthétiques que purement techniques. L'homme a d'ailleurs pour leitmotiv « art is not graphics » et même si Dishonored 2 parviendra a marier technique et vision artistique, Sébastion a un avis assez tranché sur la « dictature » de la technique dans le jeu vidéo.

Souvent les gens jugent les jeux sur l'aspect graphique, ils ne se rendent pas compte. Ils vont dire « c'est beau » parce qu'il y a un shader qui brille, mais si le design est faible, il aura beau être brillant, il restera moche. C'est comme si dans Star Wars tu mets un vaisseau pourri et que tu l'intègres dans le rendu du film, tu vas te demander ce que c'est que ce truc. Maintenant, pour Dishonored 2 nous avons toujours une DA cool qui peut être affichée comme on le veut grâce à notre moteur. On a fait notre eau, on gère le vent, la peau des personnages a été travaillée... mais tout ça c'est avant tout pour servir le jeu.

Dishonored 2 sortira le 11 novembre prochain sur PC, PlayStation 4 et Xbox One.