Dans le jeu vidéo comme ailleurs, les préjugés restent longtemps ancrés dans la mentalité collectives. Pourtant sujette elle-même à nombre d'entre eux, la communauté des joueurs virtuels en use en son sein, à faire pâlir les plus grands articles de violence réelle provoquée par les jeux vidéo. Il n'est en effet pas rare de constater que de nombreux clivages persistent au sein des activités vidéo-ludiques, tout particulièrement entre joueurs PC et consoles. Une rivalité exarcerbée lorsque l'on parle d'esport.
S'il existe bien sûr un très grand nombre d'utilisateurs multi plateformes, la théorie selon laquelle les détenteurs d'une console ou d'un ordinateur seraient supérieurs à leurs homologues reste tout à fait présente dans certains discours. Il est en ainsi courant que la visée automatique, présente dans les jeux comme Call of Duty ou Halo soit utilisée comme un argument prouvant le peu de talent que demande ces jeux consoles. Intrinsèquement, il est pourtant évident qu'une telle argumentation ne peut être recevable, puisque sans cette aide à la visée, l'intérêt de tels jeux, pour le joueur comme le spectateur, diminuerait énormément. Cette assistante à la visée automatique peut très facilement être comparée à la présence des murs en hockey sur glace, qui apportent une assistance qui n'existe pas dans d'autres sports. Sans ces murs, le palet sortirait sans arrêt, le sport n'est pourtant pas considéré inférieur au football ou il est possible d'éjecter le ballon hors du terrain.
Une autre justification relativement courante du manque de compétitivité des jeux sur console concerne l'utilisation d'une manette. En effet, la diminution du nombre de combinaisons de touches disponibles est parfois pointée du doigt. Pour refaire un comparatif imagé avec le sport traditionnel, on retrouve dans le badminton, le tennis de table et le tennis trois raquettes de surface différentes. Dans les trois cas, le but est de renvoyer un objet dans une zone définie. Les différentes tailles impliquent des grandes différences entre chaque pratique, mais les trois sont belles et biens considérées comme des pratiques sportives à part entière. Il en va de même pour la manette, qui diffère du clavier, mais demande également aux joueurs certains aptitudes pour être maîtrisée à la perfection. Enfin, que ce soit pour la visée automatique ou le contrôleur utilisé, tous les joueurs jouent dans les mêmes conditions. L'équité est donc préservée et c'est ce qui importe le plus.
Les consoles, un acteur esport déjà bien établi
C'est dans le domaine le plus compétitif, l'esport, où l'idée de jeux consoles inférieurs aux jeux PC a gardé sa forme la plus critique. Il n'est effectivement pas rare d'observer des remontrances assez virulentes dès lors que des personnes se risquent à parler de sport électronique sur console. Lorsque l'on parle d'esport sur console à quelqu'un, le premier terme qui lui vient en tête est souvent celui de Call of Duty. C'est en effet sur le jeu d'Activision que l'on trouve le plus de joueurs professionnels côté console, et sur lequel il y a le plus de tournois de grande envergure organisés. Deux facteurs qui définissent à eux seuls l'esport. Du côté des utilisateurs, le jeune âge supposé et l'immaturité des joueurs est également fortement pointée du doigt. Pourtant, la présence des voix de nos chères tête blondes dans les canaux vocaux du jeu peut-elle suffire à justifier la décrédibilisation de la communauté compétitive ?
Il est d'ailleurs assez étonnant de constater que certains continuent de renier jusqu'à l'existence de cette dernière. Des chiffres simples suffisent à prouver que, sur Call of Duty, le public est présent en très grand nombre. Sur Twitter par exemple, le joueur Gotaga de l'écurie Millenium compte 340 000 abonnés et son homologue américain NaDeSHoT plus de 1,3 million. À leurs côtés, leurs égaux français et internationaux YellOwStaR et Bjergsen, joueurs de League of Legends, figurent respectivement à 250 000 et et 600 000 abonnés.
Du côté des événements, Call of Duty n'est pas non plus en reste. Si O'Gaming doit investir l'Olympia très prochainement pour les jeux PC Counter Strike : Global Offensive et StarCraft II, l'édition 2015 de la coupe du monde de Call of Duty organisée par l'ESWC a déjà rempli le Zénith de Paris en mai dernier pour accueillir 8 des meilleures équipes mondiales. Un dernier exemple que l'on peut citer est celui des prix mis en jeu. Si le tournoi « The International » (DOTA 2)n'a évidemment pas d'égal sur la scène console, Halo et Call of Duty n'ont rien à envier à leur homologue FPS sur PC. En effet, depuis plusieurs années déjà, 1 millions de dollars sont remportés sur un seul tournoi organisé en compagnie de Xbox sur CoD. Du côté d'Halo, le championnat du monde 2015/2016 dépasse déjà les 1,7 millions de cash-prize et ce chiffre continue de grandir de jour en jour.
Si le tableau dressé jusqu'ici est plutôt flatteur, il nous est tout de même nécessaire de citer le plus gros défaut de la scène console, son instabilité. Nous sommes bien conscients que dans toute compétition, le turn-over est une conséquence logique du dynamisme d'une équipe et de ses membres, au gré des performances et des objectifs esportifs. Sur Call of Duty cependant, il est bien trop fréquent que des joueurs quittent des formations rejointes quelques jours auparavant. Pour exemple, Aware Gaming, structure Call of Duty, a récemment recruté 4 joueurs qui sont partis 7 jours après pour une autre organisation. Ces mouvements permanents, au-delà de rendre les choses difficiles à suivre, apportent une dimension extrêmement amateur d'un point de vue extérieur. Malheureusement pour les structures impliquées, il était jusqu'ici presque impossible dans le système proposé de faire valoir leur autorité et de construire des projets sur le long terme. Du côté d'Halo ou Fifa, cette instabilité se retrouvait plutôt du côté de l'organisation des compétitions qui restaient bien trop rares et médiatisées pour réellement réunir le public. Les efforts de différentes organisations telles que la Gfinity ou l'ESWC sont toutefois à noter.
L'offensive des constructeurs et éditeurs
Ces arguments étaient donc jusqu'à présent tout à fait recevables. Ils sont maintenant en passe de devenir obsolètes. Attendus depuis longtemps par les joueurs, organisations et supporters, les éditeurs des différents jeux ont enfin décidé de prendre les choses en main. À l'instar du grand exemple PC Riot Games, qui maîtrise ses compétitions professionnelles avec une grande expertise sur League of Legends, Xbox et Activision ont décidé de prendre en charge les joutes vidéo-ludiques de leurs meilleurs compétiteurs sur leurs titres respectifs. C'est ainsi que sont nés la Call of Duty World League et le Halo World Championship. Pour ces dernières, un championnat français organisé en compagnie de l'ESL se déroule en ce moment, sous le nom de Xbox Elite Series. Des équipes reconnues comme Millenium, Supremacy ou encore Vitality y prennent part depuis plusieurs semaines déjà pour accumuler des points en vue d'une qualification européenne.
C'est effectivement là que réside tout l'intérêt du concept. Au lieu d'un seul et unique tournoi organisé dans l'année, Xbox propose cette fois à tous ses joueurs sans exception de prouver leur valeur sur le long terme en organisant un véritable circuit, permettant ainsi d'accompagner les utilisateurs tournés vers l'esport de manière bien plus significative. Les XES n'en sont que le début. Accessible à tous à l'inscription, les coupes hebdomadaires voient s'affronter 64 équipes sur deux soirs de tournoi. Meilleur est le classement de l'équipe sur une cup, plus élevé est le nombre de points qu'elle accumule au classement général. Sur le principe, on retrouve des qualifications régionales qui amènent par la suite à un championnat international, comme sur Starcraft II ou League of Legends, rien de bien révolutionnaire donc, mais l'important reste cette volonté des responsables de la licence d'accompagner les équipes sur la durée.
Pour voir à quoi cela ressemble de l'intérieur, n'hésitez pas à vous inscrire aux Xbox Elite Series sur Halo ou Forza.
Chez PlayStation, le constructeur Sony s'investit lui aussi de plus en plus dans l'esport, comme le prouve la récente arrivée de la PlayStation Plus LEAGUE qui permet à des joueurs de PES 2016, Rocket League ou encore Mortal Kombat X de s'affronter en ligne pour des cash-prizes de plusieurs milliers d'euros. Une première étape avec 20 000 € de prix a même eu lieu à la PGW il y a un mois. Playstation est également représenté du côté de Call of Duty, où Activision met les petits plats dans les grands avec la CoD World League qui a commencé officiellement les 5 et 6 décembre 2015 avec les premières qualifications dans les trois régions concernées (Europe, Amérique du Nord et Nouvelle-Zélande). Si tous les détails n'ont pas encore été dévoilés, nous savons là aussi que les meilleures équipes seront accompagnées tout au long de la saison par le producteur du jeu, une grande première pour la franchise.
Cette nouvelle dimension prise par les titres compétitifs console est le dernier pas qui pourrait leur permettre d'amener définitivement vers un respect semblable à celui de leurs congénères PC d'un point de vue structurel. S'il faudra sûrement encore attendre un peu de temps pour faire tomber les barrières qui persistent, les nombreux spectateurs déjà conquis à cette cause auront la chance durant l'année 2016 de profiter de manière bien plus régulière et mieux encadrée à de véritables compétitions où les principaux chapitres s'écriront bel et bien sur le champ de bataille et non plus en coulisses. Cette volonté de professionnalisation devra mécaniquement amener plus de sponsors, qui pouvaient jusqu'alors être rebutés par l'image négative qui entourait ce secteur de l'esport. Tous ces éléments liés provoqueront ensuite un effet boule de neige qui finira de faire exploser les différentes scènes de l'esport console. Enfin, à moins qu'un campeur vienne stopper cette belle épopée.
