Dan Adelman, qu'on connaissait chez Nintendo pour être le "Monsieur jeux indé", avait quitté la firme en août dernier. Et manifestement, le bonhomme n'a pas fini de régler ses comptes avec le géant japonais.
Alors qu'il avait juré ses grands dieux qu'il quittait Nintendo en bons termes, Dan Adelman n'en finit pas de tacler son ancien employeur. Après avoir expliqué que le nom Wii U était "épouvantable" et que la console en pâtissait énormément, le voilà qui revient à la charge pour distribuer quelques baffes sur les museaux des cadres de Big N, en s'en prenant cette fois directement à eux, dans une interview accordée à Dromble.
Et le moins que l'on puisse dire, c'est que l'ami Danny n'y va pas par quatre chemins. Jugez par vous-même.
Nintendo n'est pas seulement une compagnie japonaise : c'est une entreprise basée à Kyoto. Pour ceux qui ne connaîtraient pas, les entreprises de Kyoto sont aux entreprises japonaises ce que les entreprises japonaises sont aux entreprises américaines. Elles sont très traditionnelles, très centrées sur la hiérarchie et les décisions de groupe. Malheureusement, cela crée une culture dans laquelle tout le monde conseille, dans laquelle personne ne prend de décision... mais dans laquelle presque tout le monde a un pouvoir de véto.
Satoru Iwata, le PDG de Nintendo Japon, en prend aussi pour son grade.
Même M. Iwata a souvent peur de prendre des décisions qui écarteraient l'un des cadres de Nintendo Japon. Et donc dès qu'il faut faire quelque chose, cela requiert beaucoup de travail préparatoire.
Et Adelman a bien une idée sur l'origine du problème : l'âge d'une partie des cadres de Nintendo Japon. Mais pas uniquement...
Au risque de paraître âgiste, à cause de la structure hiérarchique des entreprises japonaises, il se trouve que la plupart des cadres executifs ont accompli leurs premiers faits d'armes à l'époque de la NES et de la Super Nintendo, et ils ne comprennent pas vraiment le jeu vidéo moderne. Alors adopter des choses comme le jeu online, les systèmes de comptes, de listes d'amis, ainsi que comprendre la montée en puissance du jeu sur PC, cela a été très lent. Des idées sont prématurément écartées, uniquement parce que certaines personnes ayant un pouvoir de véto ne les comprennent tout simplement pas.
L'autre problème, c'est qu'il y a assez peu de raisons de pousser ces idées, de les mettre à l'essai. De manière générale, la prise de risque n'est pas vraiment récompensée, alors le chemin le plus simple à suivre, c'est simplement de garder le cap. J'aimerais voir Nintendo faire un plus gros effort, concerté, pour encourager les gens à tous les niveaux de l'entreprise à se sentir le pouvoir de pousser des propositions ambitieuses, et d'être ensuite récompensés pour l'avoir fait.
Les remarques d'Adelman pourraient apporter des réponses à de nombreuses questions, mais l'on ne peut non plus s'empêcher de penser : n'est-il pas simplement frustré que l'une de ses idées ait été refusée parce qu'elle était mauvaise, ou jugée comme telle ? Néanmoins le portrait qu'il dresse de Nintendo a quelque chose de peu rassurant pour les joueurs, et explique en partie la position si particulière de la Wii U sur le marché des consoles de salon. Mais qui explique aussi son succès, certes modéré mais pourtant bel et bien réel, puisque, comme il suffit de le lire ici et là dans les commentaires ou sur les forums de jeuxvideo.com, une partie des joueurs semblent réticents à l'idée de jouer aux jeux dits "modernes", paradoxalement considérés comme trop classiques, trop standardisés. L'éternel débat.