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Vous qui vous baladez dans les plaines de Tamriel, le désert de Tatooine, les vallées d'Éorzéa. Vous qui appréciez - ou non - la compagnie d’autres joueurs, savez-vous comment l'aventure MMO a commencé ? Comment de premiers jeux textuels, nous sommes passés aux jeux que nous connaissons aujourd’hui ? Je vous propose aujourd’hui de remonter le temps, de revenir aux débuts même d’internet…
Et la lumière fût… textuelle !
Si je vous dis 1981 ? Vous pensez surtout à la première diffusion de Dallas en France ou l’élection de Mitterrand à la tête de l’État. Mais avez-vous déjà entendu parler de BITNET ? Créé cette même année, ce réseau interuniversitaire fondé aux USA entre Yale et l’université de la ville de New-York (CUNY), permettait l’échange de messages entre serveurs. Le service, basé sur une architecture interne de chez IBM, s’est vite démocratisé partout dans le monde, jusqu’en Allemagne, en France ou même en Israël.
Et c’est sur ce réseau (ainsi que sur l’ARPANet) que voient le jour les premiers « MUD » pour Multi-User Dungeon (traduisez donjons multi-utilisateurs). Des aventures textuelles où les joueurs interagissaient entre eux et avec l’environnement grâce à des commandes spécifiques tapées directement à l'écran. Cela restait très rudimentaire, un jeu de niche addressé à des férus du jeu de rôle car basé sur les règles de Donjons & Dragons.
MUD1, créé dans l’université d’Essex au Royaume-Uni deviendra le premier jeu de rôle « en ligne » multijoueur de l’histoire. Un succès néanmoins cantonné aux utilisateurs du réseau de cette même université.
Pendant ce temps… à Paris !
Au sein de L’École Nationale Supérieure des Mines de Paris, deux étudiants, Bruno Chabrier et Vincent Lextrait décident en 1984 d’utiliser eux aussi le réseau BITNET auquel l’école était relié pour créer MAD (Multi Access Dungeon), un programme similaire à MUD1, mais disponible pour tous les utilisateurs du réseau à travers le monde. MAD devient ainsi le premier véritable MMORPG « global » de l’histoire. Il incluait surtout l’envoi de messages via une sorte de « Chat » interne entre avatars, véritable révolution à l’époque.
Très rapidement, grâce à un bouche à oreille efficace, plus de 10% des connexions à Bitnet se dirigeait vers le « Nœud » de l’École des Mines, créant même des saturations sur l’intégralité du réseau.
Les administrateurs généraux de Bitnet prennent rapidement peur et demandent à l’école de supprimer le jeu. Ce dernier subsistera un temps sur d’autres serveurs, dans d’autres écoles, mais sera définitivement abandonné en 1986.
À son lancement, le jeu ne contenait qu’un donjon truffé de PNJ portant les noms de professeurs de l’école (ce qui créa un engouement supplémentaire, même chez les joueurs étrangers). Mais au fil des mois, de nouveaux donjons verront rapidement le jour augmentant drastiquement la durée de vie et l'implication des joueurs.
Les identifications de connexions à MAD provenant de différentes universités dans le monde.
Un Héritage prolifique !
Ce premier véritable engouement pour un jeu en ligne permet la création d’une vague de nouveaux jeux, exploitant le même concept, avec toujours plus d’innovations. La démocratisation des discussions entre joueurs intégrées dans le jeu favorise les regroupements d'amateurs au sein de communautés regroupées par centre d'intérêt. Le développement continuera avec des MUD dits « Graphiques », possédant des ébauches de graphismes ainsi que des MUD exclusivement « Joueurs contre Joueurs ».
On en viendra même dans certaines universités Américaines, à réfléchir sur les conséquences psychologiques de ces jeux, à l’absence de différenciation de la réalité (comme quoi, certains débats ne datent pas d’hier !), ou le possible enfermement social provoqué par ces nouvelles expériences humaines en réseau.
The Shadow of Yserbius, un des premiers MUD "Graphiques"
Bien sûr, nous n’avons fait qu’égratigner la surface de l’histoire des MMO. Mais ce petit retour en arrière permettra de replacer notre sujet dans son contexte. Il n’en faut pas moins se rendre compte de l’impact qu’ont pu avoir ces premières itérations de jeux de rôles en ligne, impact qui se ressent aujourd’hui encore, et dont les problématiques et les espoirs d’hier restent toujours parfois d’actualité.