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Le point de vie qui change tout

Cette seconde semaine des Worlds s'est terminée dimanche et aura été marquée par un incident qui a mis en émoi la communauté du jeu. Au cœur de ce remous, nous retrouvons le match entre Fnatic et OMG, une rencontre folle avec un finish épique laissant le Nexus des Chinois à un seul point de vie et se concluant par une défaite sévère des Européens, abattus et en larmes.

Pour beaucoup, le tournoi des Fnatic s’est joué sur cette partie, sur ce HP qui aurait pu tout changer. Mais le hasard n’est pas seul responsable du devenir de cette partie. Le vrai souci relevé par la communauté est la possible existence d’un bug qui a coûté le match à Fnatic. Un bug que rejette l’éditeur Riot. Et comme il est sur son terrain de jeu, lui seul a le pouvoir de décision.

Nous vous proposons de revenir sur cet incident et la polémique qui en a résulté, pour mettre en évidence un aspect particulier de l’e-sport : l’éditeur peut très bien être accusé, avocat, juge et même dactylo dans son tribunal. Explications.

L’action au cœur de la polémique

Dans les dernières minutes de la partie entre Fnatic et OMG, les Chinois s’imposent dans un teamfight au milieu de la carte et foncent vers la base des Européens pour conclure la rencontre.

Non résigné, le Français sOAZ se téléporte dans la base adverse, déjà bien abîmée, pour tomber le Nexus et réussir un hold-up épique. Les Chinois décident alors de recall (action appelée rappel en français et signifiant un retour dans sa base par le biais d'une téléportation qui s'incante) pour défendre leur bien.

Les Fnatic essayent alors de les empêcher de rentrer chez eux par le biais de la téléportation. Jusque-là, rien de plus normal. Et soudain, le drame. Rekkles touche Kha’Zix en train de se téléporter, juste avant la fin du sort. Pour le public, cela aurait dû annuler l’action et donner davantage de temps à sOAZ. Mais voilà, à la surprise de tous, le Kha’Zix arrive à se téléporter, faisant fi du coup reçu. Mais ne nous trompons pas, le coup porté par Rekkles était trop tardif pour arrêter l’incantation du rappel. Il s’agit là de la première déception européenne, mais tout à fait logique.

L'enchantement qui fait déchanter

C’est au retour du Kha’Zix dans sa base que les choses se compliquent et font débat. En effet, ce champion possède sur ses bottes de mobilité l’enchantement Doux Foyer qui lui permet de gagner un gros bonus de vitesse lorsqu’il est dans sa fontaine. Cependant cet enchantement ne doit pas se déclencher si le champion a reçu des dégâts ! Or il en a pris juste avant le rappel par Rekkles.

On s’attend donc à ne pas voir cet enchantement actif au retour de Kha’Zix dans sa base, ce qui n’est pas le cas. Au grand bonheur de la dramaturgie de la scène. En effet, dans la foulée, boosté par son enchantement, Kha’Zix se rue sur sOAZ et l’abat alors qu’il avait bien entamé le Nexus. XPeke et Cyanide ont bien suivi et tentent eux aussi de s’acharner sur le Nexus, n’y parvenant pas, celui-ci restant debout avec un point de vie, celui du survivor.

Mais alors, où est le souci ? Eh bien, il est simple : si Kha’Zix n’avait pas eu cet enchantement de bottes actif, il n’aurait pas pu arriver à temps pour empêcher sOAZ de placer cette petite attaque supplémentaire qui aurait pu au final tout changer.

C’est peut-être un détail pour vous, mais pour les fans de Fnatic cela veut dire beaucoup. Reddit, les forums du jeu et les réseaux sociaux sont alors assaillis. Tout le monde a son petit avis sur la question, bug ou pas bug, etc. La demande de rematch se fait alors de plus en plus pesante et Riot est contraint de réagir.

Pas de bug pour Riot

Alors que les fans attendent l’annonce d’un rematch, absolument persuadés de l’existence d’un bug, Riot va clairement à l’encontre de cette idée.

Dans un tweet, l’éditeur du jeu affirme qu’il n’y a aucun souci, par le biais de Nick Allen (ci-contre). On y apprend que Kha’Zix n’a pas pris de dégâts, ce qui est faux.

La déclaration semble précipitée, sans enquête approfondie sur l’action. La décision et la déclaration ne satisfont donc personne, et la communauté crie au scandale. C’est plus tard que l’éditeur fera une déclaration plus complète, tranchant définitivement.

Riot ne revient pas sur sa décision et explique pourquoi : à partir du moment où le rappel est effectif, le joueur sort du combat et l’enchantement peut donc s’enclencher.

Voici une traduction des propos de Ryan Scott, dit Morello, le lead designer du jeu : "Si je recall, je ne suis pas en combat. Si je ne suis pas en combat, je vais recevoir l'enchantement de bottes Doux Foyer. Si je suis en combat, je ne peux pas recall, et si je ne peux pas recall, je ne peux évidemment pas recevoir l'enchantement de bottes Doux Foyer... L'enchantement de bottes Doux Foyer a été conçu ainsi de manière à ce qu'un champion qui défende sa base soit sûr à 100% que l'enchantement de ses bottes s'active."

Alors oui, Kha’Zix a pris une prune avant de se téléporter, mais puisque le rappel a fonctionné, il revient délavé de toute offense chez lui, avec un enchantement salvateur qui s’active parfaitement. Là où la déclaration peut surprendre, c’est qu’il n’est inscrit nulle part que le rappel fait sortir du combat. Improvisation de l’éditeur ou mécanisme du jeu réel, mais inconnu du grand public, nous ne le saurons jamais.

Toujours est-il que Riot a tranché. L’action ne révèle aucunement un bug et Fnatic peut enregistrer son vol de retour, direction l’Europe. Le match ne sera pas rejoué. L’éditeur évite donc un petit couac et s’en sort en grand patron des règles de son titre.

Mon jeu, mes règles

Ce petit incident révèle un aspect plus intéressant de l’e-sport. Dans le sport classique, fait notamment de ballons, de sueur et d’efforts en extérieur, les règles sont définies par des fédérations, avec une responsabilité mise entre les mains des arbitres puis d'instances décisionnelles (comme le TAS). L’erreur est alors humaine, rageante (cf Coupe du monde) et la neutralité se doit d’être de mise.

Dans l’e-sport, ce sont les éditeurs qui mettent à disposition les terrains de jeu et définissent l’ensemble des règles, comme bon leur semble. Pas de scandale ici, il s’agit simplement d’un constat évident. Ils n’en abusent pas et cherchent constamment à améliorer leurs jeux, obtenir un équilibre des forces, les faire évoluer sans les dénaturer.

Les joueurs doivent s’adapter et c’est parfois frustrant. Prenons l’exemple d’Hearthstone : Blizzard est intervenu récemment sur deux cartes massivement utilisées par les Chasseurs, les obligeant à repenser leur façon de jeu (au revoir Leeroy Jenkins).

Parfois, la présence de bugs est réelle et pose question : lors de la sortie d'un nouveau palier de raid dans World of Warcraft plusieurs guildes compétitives ont découvert certains bugs, les utilisant, provoquant logiquement la foudre de Blizzard, très impliqué dans le développement du sport électronique.

L'exemple le plus célèbre concerne la guilde Ensidia, qui était une véritable star sur le jeu. Lors de la sortie du raid sur le Roi Liche (extension Wrath of the Lich King), les membres de cette guilde se sont rendus compte par accident qu'une bombe en saronite de l'ingénieur pouvait faire réapparaître le décor, facilitant ainsi le combat. Le Roi-Liche tombé, Blizzard est intervenu en sanctionnant les joueurs et en leur reprenant le World First. On ne rigole pas avec l'aspect compétitif.

Seuls les éditeurs définissent le jeu, ses mécanismes, ses règles. Ce sont donc eux qui officialisent l’existence ou non d’un bug, le corrigent ou le valident.

Dans ce cas précis, si Riot annonce qu’aucun bug n’est présent dans cette action, rien ne permet de le contredire. Comme disait Judge Dredd : "La loi, c'est moi".

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• Déclaration officielle de Riot concernant le match Fnatic - OMG
• Retour sur la seconde semaine des Worlds
• L'équipe type des phase de groupes
• Les statistiques de la seconde semaine : les picks et les bans
• La journée de Fnatic avec ce fameux match contre OMG