Une collaboration internationale, des enjeux scientifiques majeurs

En adoptant le projet de loi autorisant l'adhésion au Square Kilometre Array Observatory (SKAO), la France s'engage dans le plus vaste et le plus ambitieux projet de radioastronomie jamais conçu. Enfin pour cela il faut que l'Assemblée Nationale vote en faveur. Ce radiotélescope géant, dont la construction a déjà débuté, promet de révolutionner notre compréhension de l'univers.

Mais c’est quoi le SKAO ? Ce télescope pas ordinaire . Il s'agit d'une infrastructure de recherche internationale de premier plan, constituée de deux réseaux d'antennes radio fonctionnant en mode interférométrique. L'un, dédié aux basses fréquences (SKA-Low, 50 – 350 MHz), est situé en Australie, tandis que l'autre, pour les moyennes fréquences (SKA-Mid, 350 MHz – 15 GHz), se trouve en Afrique du Sud. Ces deux sites s'étendent sur des dizaines de kilomètres (74 km pour SKA-Low et 150 km pour SKA-Mid), offrant une surface collectrice équivalente à un kilomètre carré. Le siège de l'organisation, lui, se situe au Royaume-Uni, à Manchester.

Ce projet pharaonique est le fruit d'une collaboration internationale regroupant déjà dix pays membres, dont l'Afrique du Sud, l'Australie, la Chine, l'Italie, les Pays-Bas, le Portugal, le Royaume-Uni, la Suisse, l'Espagne et le Canada. La France, actuellement membre observateur , rejoindra officiellement ce consortium après l'examen du texte par l'Assemblée nationale et deviendra alors pleinement membre de SKAO.

Mais pourquoi un tel engouement pour ce projet ? Le SKAO permettra à la communauté scientifique française d'effectuer des observations sans aucun équivalent dans presque tous les domaines de l'astrophysique. Il s'agit d'une véritable machine à remonter le temps, capable de sonder les premiers âges de l'univers. Parmi les objectifs scientifiques majeurs, citons :

• La détection des premières étoiles : SKA tentera de capturer les signaux des toutes premières étoiles formées après le Big Bang, il y a plus de 13 milliards d'années. Une prouesse qui permettrait de tester les modèles cosmologiques actuels.
• L'étude des galaxies : Le radiotélescope observera l'évolution des galaxies, la transformation du gaz en étoiles, et le rôle des trous noirs supermassifs.
• La recherche d'ondes gravitationnelles : SKA sera capable de détecter des ondes gravitationnelles primordiales, vestiges du Big Bang, et celles émises lors de la fusion de trous noirs supermassifs.
• La cartographie des champs magnétiques cosmiques, un des mystères qui structure et fait évoluer les objets du cosmos.
• La détection d’une potentielle vie extraterrestre, en se concentrant sur la détection précoce de la formation planétaire dans des disques autour de jeunes étoiles et la chimie organique.

Un défi technologique et environnemental

Le SKAO n'est pas seulement un projet scientifique exceptionnel, c'est aussi un défi technologique colossal. Le volume de données généré par le radiotélescope sera comparable au trafic internet mondial actuel. Cela implique de développer des solutions innovantes en matière de traitement et de stockage de l'information, avec une empreinte environnementale minimale.

La France jouera un rôle de premier plan dans ce domaine. Elle est responsable de la réalisation des centres de calcul et de données en Afrique du Sud et en Australie. Ce contrat, d'une valeur d'environ 20 millions d'euros, représente un enjeu majeur. Il permettra à l'industrie française de se positionner sur un marché en pleine croissance, celui du calcul très haute performance et de l'exploitation des masses de données à l'échelle Exa.

Le projet SKAO est également un vecteur d'innovation dans le domaine de l'énergie. Les antennes, situées en zone désertique, devront être alimentées en énergies renouvelables. Des entreprises françaises, comme Bertin Énergie Environnement, travaillent déjà sur des solutions basées sur l'énergie solaire.

Un investissement pour l'avenir

L'adhésion de la France au SKAO représente un investissement de 48 millions d'euros pour la période 2022-2030, auxquels s’ajoutent environ 3,8 millions d’euros pour pallier l’inflation. Un coût qui peut paraître élevé, mais qui doit être mis en perspective avec les retombées attendues.

Outre les avancées scientifiques, le projet générera un retour économique direct pour la France. Le principe du "Fair Work Return" garantit à chaque membre de recevoir au moins 70% de sa contribution sous forme de contrats industriels. Les entreprises françaises pourront ainsi se positionner sur des marchés porteurs, comme l'énergie intelligente, l'électronique et le calcul intensif.

Environ 400 astrophysiciens français pourront avoir accès aux précieuses données, et ainsi initier 50 à 75 thèses par an pour 100 à 150 de stages de master. La France a toujours été à la pointe de la recherche astronomique. L'adhésion au SKAO s'inscrit dans cette tradition et permet à la France de conforter sa position dans le domaine.

Un projet qui fait l'unanimité ?

Le projet de loi a été présenté au Conseil des ministres par Jean-Noël Barrot, ministre de l'Europe et des affaires étrangères, et a été adopté par le Sénat le 12 mars 2025, sans modification. Preuve de l'intérêt et du consensus autour de ce projet.

Après cette étape décisive, le texte doit désormais être examiné par l'Assemblée nationale. Son adoption définitive marquera l'entrée officielle de la France dans l'aventure SKAO, ouvrant la voie à des découvertes scientifiques majeures et à des avancées technologiques prometteuses. La France se donne ainsi les moyens de rester à la pointe de la recherche astronomique mondiale et de contribuer à percer les secrets de l'univers. L’installation des premières antennes a débuté le 7 mars 2024 en Australie et en Afrique du Sud. La première phase s’achèvera en 2029 avec une mise en service des premières données la même année.