
Étiez-vous au courant que Pokémon, avant de devenir un phénomène mondial grâce à un bouche-à-oreille dans les écoles, était initialement un échec commercial ? Effectivement, derrière cette franchise mondialement connue se cachent de nombreux secrets, à commencer par son créateur, le très mystérieux Satoshi Tajiri. Bien que peu connu du grand public, ce Japonais prête son nom et son parcours atypique au héros de la franchise la plus rentable. Voici donc son histoire !

Sommaire
- Satoshi Tajiri, un enfant pris de passion pour l’entomologie
- Après les insectes, le jeu vidéo devient la nouvelle passion du créateur de Pokémon
- Le premier stade d’évolution : la naissance de Game Freak !
- L’euphorie de la création laisse place à des débuts difficiles
- L’idée de « Pokémon » émerge, comme celle du Câble Link !
- Un bruit de couloir salvateur pour Pokémon : le jeu est sauvé !
- La franchise Pokémon fait ses adieux à son créateur
Satoshi Tajiri, un enfant pris de passion pour l’entomologie
En plein cœur de la franchise Pokémon, on retrouve une grande discorde, celle qui oppose monde urbain au monde rural. Dès son plus jeune âge, c’est un conflit qui marque le créateur de Pokémon, Satoshi Tajiri. Né en 1965 dans la petite ville de Machida, près de Tokyo, il est entouré par la nature et développe l’une des passions qui changera sa vie : il capture et étudie des insectes. S’il commence avec des espèces communes, il analysera sous toutes les coutures des spécimens plus grands et complexes. Encore aujourd’hui, ce qui l’émerveille le plus, c’est le souvenir de ce jour où il constate, lorsqu’il en attrapa un, que les têtards possèdent une enveloppe corporelle transparente, permettant de voir leurs organes à travers leur ventre. Vous comprenez mieux pourquoi le Pokémon Ptitard existe et pourquoi il s’agit de son Pokémon favori !

Passionné, le jeune Satoshi souhaite alors devenir entomologiste, ce qui lui vaut le surnom de « Docteur Insecte » de la part de ses camarades de classe. En parallèle de sa fibre de collectionneur et des spécimens de plus en plus imposants qu’il étudie, le monde qui l’entoure est, lui aussi, en pleine évolution. Alors qu’il n’a qu’une dizaine d’années à cette époque, le jeune Satoshi constate la mutation du pays qui l’a vu naître en une véritable puissance économique et technologique. Résultat des courses, la mégalopole tokyoïte repousse ses frontières et absorbe la ville natale du petit Satoshi qui voit le béton prendre le pas sur la nature qu’il aime tant. En guise de signe du destin, une salle d’arcade est construite à l’emplacement même de l’ancien étang où Satoshi aimait s’amuser.
Après les insectes, le jeu vidéo devient la nouvelle passion du créateur de Pokémon
Alors qu’il ne jurait que par les insectes jusqu’à présent, le jeune Satoshi Tajiri, âgé de 13 ans, tombe dans le gouffre des jeux vidéo et des salles d’arcade. L’un des premiers effets de cette nouvelle passion, c’est la dégringolade de ses résultats scolaires, mais un événement va amener ce hobby dévorant à un autre stade. Un jour, il remporte un concours de création de jeux vidéo ce qui lui permet d'acheter un PC et de se familiariser avec le code, une étape cruciale pour sa future carrière. Toutefois, ce n’est pas du goût de son père qui, inquiet, souhaite qu’il se consacre avant tout à des études plus classiques, en particulier dans le milieu de l’ingénierie électrique. Contre son gré, mais pour faire plaisir à son père, Satoshi suit cette voie, mais il éprouve rapidement le besoin, comme tout jeune adulte, de se faire de l’argent. Vous l’aurez deviné, c’est à cet instant que le jeu vidéo fait un retour en force dans la vie de Satoshi Tajiri !

Le premier stade d’évolution : la naissance de Game Freak !
Afin d’obtenir son indépendance, notamment financière, le jeune Satoshi Tajiri, qui n’a alors que 16 ans, décide de créer son propre magazine de jeux vidéo. Il baptise alors « Game Freak » (Fou du jeu vidéo), en écho à son immense passion du jeu vidéo qui l’anime chaque jour. Malgré son jeune âge et son amateurisme, Satoshi est un rédacteur en chef consciencieux. Dans son magazine, il y présente des tests, des actualités et des analyses de jeux vidéo. Le premier tirage est limité à cinq exemplaires de 14 pages, imprimés et agrafés à la main, mais les numéros suivants permettent au jeune japonais de se faire connaître dans l'industrie locale. Grâce à ça, il met la main sur tous les jeux vidéo du moment, apparaît à la télévision, donne son avis et réalise des interviews. Après cinq années dédiées à ce projet et ayant quasiment un pied dans l’industrie, il constate que son magazine a bien marché et qu’il lui a rapporté pas mal d'argent, notamment grâce aux guides qui y figuraient. Pour lui, l’étape suivante paraît évidente : Game Freak doit évoluer et passer du magazine… à la création de jeux vidéo.

L’euphorie de la création laisse place à des débuts difficiles
Nouvelle décennie, nouveau défi pour Satoshi Tajiri ! C’est donc à l’âge de 22 ans qu’il décide de créer le studio de développement Game Freak, une entreprise qui n’accouche de la franchise Pokémon que neuf ans plus tard ! Au départ, chez Game Freak, comme souvent chez les développeurs indépendants, les temps sont durs. En raison du manque de financement, l'équipe travaille le jour pour gagner sa vie et développe des jeux la nuit. N'ayant pas assez de poids dans l'industrie, Satoshi fait don de sa propre console Nintendo Famicom (soit la Nintendo Entertainment System (NES) dans nos contrées) à l'entreprise pour la transformer en kit de développement. À cette époque, les hommes de confiance de Tajiri ne sont autres que Ken Sugimori, un camarade de classe qui deviendra l'illustrateur principal des Pokémon, et Junichi Masuda, recruté à l'époque du magazine Game Freak, qui sera chargé de la musique au sein du studio. Ensemble, ils accouchent d’une première création, un jeu vidéo baptisé Quinty, plus connu sous l’appellation Mendel Palace en Occident, une sorte de jeu du chat et de la souris. À leur plus grande joie, leur titre débouche sur un modeste succès et leur permet d’empocher l’équivalent de 300 000 euros, et c’est avec cette somme sous le bras qu’ils s’en vont développer… Pokémon !

L’idée de « Pokémon » émerge, comme celle du Câble Link !
Maintenant que le studio de développement est un peu plus influent, Game Freak a le privilège de recevoir des kits de développement, dont celui de la future console portable de Nintendo, la Game Boy. En fouillant dans les documents, Satoshi tombe sur le Câble Link, un accessoire conçu pour relier deux consoles Game Boy ensemble. À une époque où Internet n'est pas encore accessible au grand public, cette idée est révolutionnaire. D’une part, parce qu’elle peut encourager le partage des créatures de poche et, d’autre part, stimuler la compétition entre amis. D’ailleurs, ce besoin d’échanger des choses, Satoshi et ses compères l’ont déjà ressenti ! Il existe une anecdote selon laquelle Ken Sugimori et Satoshi Tajiri étaient de grands joueurs de Dragon Quest sur NES. Un jour, Sugimori réussit un exploit et obtient le « Mad Hat », un équipement légendaire qui ne s’obtient qu’à un très faible taux de drop. Encore plus fou, il l’obtient même une deuxième fois, ce qui frustre encore plus Satoshi Tajiri. Il se dit alors que ça aurait été merveilleux de pouvoir se l’échanger grâce au Câble Link !

Dans l’esprit de Satoshi Tajiri, cette réflexion déverrouille quelque chose : il a une illumination ! À cet instant, il imagine un concept où deux Game Boy, connectées entre elles via le câble, seraient capables de s’échanger les insectes de son enfance : c’est à ce moment précis que l’idée de Pokémon, des créatures à collectionner et à échanger via le câble Link, est née ! Ni une ni deux, Satoshi soumet l’idée à Nintendo, sous le nom Capsule Monster, ce qui séduit instantanément Shigeru Miyamoto, figure emblématique du constructeur japonais. Ça y est, Satoshi Tajiri a le feu vert et peut se lancer dans un développement qui s’étalera sur six longues années, une éternité à cette période de l’histoire du jeu vidéo. Au cours des six années de développement, le jeu évolue, changeant même de nom pour devenir CapuMon, puis Pocket Monsters, et enfin Pokémon. Du côté de l’équipe créative, celle-ci s’agrandit mais beaucoup de membres abandonnent en cours de route, car Tajiri est difficile à suivre, s’imposant un rythme de travail intense de 24 heures de travail pour 12 heures de sommeil.

Il faut comprendre que Pokémon, c’est toute sa vie, à tel point que le héros du jeu s'appelle Satoshi et que son rival, Shigeru, est inspiré par Miyamoto. Au passage, c’est celui-ci qui glissera l’idée de créer deux versions du jeu afin d’encourager les échanges entre joueurs et donner l'exclusivité de certaines espèces à ses acquéreurs, maximisant ainsi les chiffres de ventes. Le 27 février 1996, les deux jeux vidéo sortent au Japon : Pocket Monsters Rouge et Pocket Monsters Vert, tandis que la version Bleu sortira six mois plus tard. En France, la sortie de Pokémon Rouge et Pokémon Bleu arrive bien plus tard, trois ans plus tard et à une période où la Pokémania a déjà conquis le Japon et les États-Unis. Pourtant, à l’origine, le lancement japonais est timide, avec seulement 110 000 exemplaires vendus la première semaine, puis 10 000 la deuxième semaine, ce qui est considéré comme un échec. Un miracle est alors nécessaire pour relancer la machine, et il se produit sous la forme… d'une rumeur !
Un bruit de couloir salvateur pour Pokémon : le jeu est sauvé !
Avant toute chose, il faut rappeler le principe de la saga Pokémon afin de mieux comprendre cette rumeur et son impact. Comme chacun le sait ou doit le savoir, l’objectif ultime d’un dresseur, c’est d’attraper tous les Pokémon ! Autrement dit, remplir l’encyclopédie ultime de tout bon dresseur : le Pokédex ! Dans Rouge et Bleu, le Pokédex comptabilise 150 entrées, mais il y en aurait bel et bien un 151ème d’après le magazine CoroCoro. D’après eux, ce Pokémon caché ne serait autre que Mew et certains dresseurs l’auraient obtenue à l’aide d’un bug inconnu, dont même Nintendo n’a pas connaissance ! De fil en aiguille, cette information génère un véritable buzz autour du jeu, et tout le monde s'y met. Exploration, collection, combat, échange : la dynamique est lancée, ou plutôt relancée !

. Bien qu'il soit difficile de retracer l'ordre exact des événements en l'absence d'Internet, cette rumeur est bénéfique pour Game Freak et Nintendo, car elle offre presque une seconde vie à Pokémon. Nintendo, Game Freak et le magazine CoroCoro, vont s'associer pour parler régulièrement de cette mystérieuse créature qu’est Mew. Ils évoquent d'abord la rumeur, puis le présentent officiellement à tous les fans. Ils vont même jusqu’à organiser des concours pour permettre à de rares gagnants de remporter le 151ème Pokémon. Parmi 78 000 participants, seuls 20 ont la chance d'envoyer leur cartouche pour que Nintendo y ajoute le Pokémon de toutes les convoitises. Nous y voilà, la franchise Pokémon peut enfin partir à la conquête du monde… mais elle perd peu à peu son capitaine !
La franchise Pokémon fait ses adieux à son créateur
On ignore les raisons exactes de cette séparation, mais Satoshi Tajiri s'éloigne progressivement de son projet. Peut-être en raison du stress, de la notoriété ou de la pression. Au fil du temps, ses interviews se font rares, et certains pensent que c'est Tsunekazu Ishihara qui a créé Pokémon, notamment parce que ce dernier s’est rapidement retrouvé à la tête de The Pokémon Company. C’est triste à dire mais le succès de la première et de la deuxième génération de Pokémon a suffi à Satoshi Tajiri. En parallèle de cette absence médiatique, des rumeurs circulent sur son état de santé, évoquant le syndrome d'Asperger, une forme d'autisme qui expliquerait ses difficultés à supporter la pression sociale et son acharnement au travail. Des rumeurs qui sont démenties par Nintendo et ses proches. Certains affirment qu'il a quitté Game Freak et occupe une place honorifique aux crédits depuis la quatrième génération.

'En réalité, Satoshi souhaitait se consacrer à d'autres projets que Pokémon, même s’il reste le créateur de cette série qui a marqué une génération, mais aussi toutes les suivantes. L’impact de Satoshi Tajiri est si fort qu’il a fait l’objet d’un manga biographique en 2018, le présentant comme un exemple de créativité et d'autodiscipline pour les jeunes générations. Depuis la sortie de la première génération, Pokémon représente plus de 75 jeux vidéo, 26 films, 1115 épisodes de série, et un merchandising colossal, faisant de cette franchise la plus lucrative au monde. Le plus fou, c’est donc qu’il n’en serait rien sans l’idée de Satoshi Tajiri et la rumeur qui a sauvé la franchise de l'oubli.