Il devait être l’épisode d’Assassin’s Creed le plus fédérateur, répondant à une longue requête des fans avec son terrain de jeu se situant au pays du soleil levant. Il est devenu un des plus décriés au crépuscule de son développement. Au loin, les samouraïs aiguisent leurs lames et se demandent quels sont les guerriers qui vont tomber.
Sommaire
- Du temps supplémentaire pour d’ultimes retouches
- Tourner les pages salies par les controverses et les sorties ratées
- Ubisoft repousse pour mieux rebondir
Du temps supplémentaire pour d’ultimes retouches
Vous en avez marre des jeux qui sortent dans le commerce alors qu’ils comportent des soucis de design et des bugs graves ? Vous ne voulez plus revivre les lancements chaotiques de Cyberpunk 2007, Battlefield 2042, Fallout 76 ou encore Mass Effect Andromeda, inscrits dans le livre de la grande histoire vidéoludique comme étant cassés au moment de leur sortie ? Alors il faut accepter les reports. Cela peut sembler bête comme chou de l’écrire ainsi, mais plus un jeu a de temps pour être peaufiné, mieux l’expérience sera pour les joueurs. Dingue, non ?
Car officiellement, Ubisoft promet qu’il s’agit bien de “polish” en ce qui concerne son très attendu Assassin's Creed Shadows. Lors de son premier report, Marc-Alexis Côté, le producteur exécutif de la franchise, expliquait avoir besoin “de plus de temps pour peaufiner et affiner l'expérience, en poussant plus loin certaines des fonctionnalités clés”. Rebelote dans le communiqué diffusé sur X le 9 janvier dernier. "Bien que nous ayons déjà fait des progrès remarquables, nous pensons que quelques semaines supplémentaires sont nécessaires pour (...) garantir une expérience encore plus ambitieuse et captivante dès le premier jour", lit-on. "Nous réaffirmons notre volonté d'offrir une expérience immersive de grande qualité", conclut monsieur Côté.
Tourner les pages salies par les controverses et les sorties ratées
Initialement prévu pour arriver juste avant les fêtes de fin d’année (15 novembre 2024), Shadows a été repoussé une première fois pour célébrer l’amour (au 14 février 2025) avant d’être ultimement reporté – normalement – à l’arrivée du printemps (20 mars 2025). Y a-t-il une plus belle saison pour lancer un jeu se déroulant au Japon que celle des cerisiers en fleurs ? Malheureusement, cette date symbolise également les 30 ans de l'attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo, comme l’a justement fait remarquer notre cher Golden Greg sur X. “Y'a une poisse incroyable qui accompagne ce jeu vis-à-vis du Japon depuis le 1er jour, c'est fascinant”, renchérit-il.
Voir Assassin's Creed Shadows sur Fnac
En effet, la révélation des premières informations autour du soft ne s’est pas déroulée sans heurts, notamment en raison de la présence du personnage de Yasuke, un samouraï d’origine africaine. L’éditeur français a été accusé de “révisionnisme historique” et a enchaîné les déconvenues. “Notre intention n'a jamais été de présenter nos jeux Assassin's Creed, y compris Shadows, comme des représentations factuelles de l’Histoire ou de ses figures historiques”, s’est justifié Ubisoft il y a quelques mois. “Comme les autres jeux de la série, Shadows est avant tout un divertissement”, a répété le groupe dirigé par Yves Guillemot. En outre, une statue promotionnelle a dû ête retirée en raison de critiques sur l'utilisation d'une porte torii brisée, pouvait faire penser au bombardement de Nagasaki. Pour rappel, Ubisoft avait subitement annulé sa participation au Tokyo Game Show 2024 et disait vouloir “adresser la dynamique derrière les commentaires polarisés” autour de l’entreprise.
Dans un contexte compliqué où la société a tour à tour été qualifiée de “woke” puis de “révisionniste”, alors que la confiance semble manquer en externe (longue baisse du cours de bourse) comme en interne (grève des salariés), la moindre preuve de soutien vaut de l’or. Yves Guillemot et ses équipes ont perçu une amélioration de l’image véhiculée par Assassin's Creed Shadows depuis la première annonce de son report. Le dirigeant de l’entreprise française est même allé jusqu’à avancer que “la communauté” était “de plus en plus positive” envers son jeu phare, au cours de ces derniers mois. Un jeu phare, oui, qui a pour délicate mission de mener le paquebot Ubisoft à bon port alors que ce dernier vacille en pleine tempête.
Ubisoft repousse pour mieux rebondir
Si nous mettons de côté la fatigue de développeurs sûrement impatients de voir le bout du tunnel, repousser la sortie d’Assassin’s Creed Shadows d’un petit mois n’a que des bons côtés. En plus de permettre aux nouveaux bugs relevés par le QA d’être éradiqués, cela permet à la célèbre franchise d’Ubisoft d’esquiver un mois de février plein à craquer du côté des sorties. Jugez par vous-même : Kingdom Come Deliverance 2, Civilization VII, Avowed, Like a Dragon : Pirate Yakuza in Hawaii et surtout Monster Hunter Wilds, dont la date de sortie fut fixée quasiment le même jour que l'annonce du report de Shadows à février. Le mois de mars est autrement plus calme, avec Split Fiction et le nouvel épisode d’Atelier Yumia en tête d’affiche.
De toute façon, pour les papas de Rayman, le mal est déjà fait. Privé des ventes qu’il aurait espéré fructueuses de Star Wars Outlaws et ayant déjà fait rater le meilleur des moments pour distribuer Assassin’s Creed Shadows, à savoir les fêtes de fin d’année, l’éditeur a reconnu qu’il ne parviendrait pas à atteindre ses objectifs, officialisant une révision de ses prévisions pour l'exercice 2024-25. Au premier semestre, Ubisoft enregistrait une perte nette consolidée de plus de 246 millions d’euros alors qu’elle était de 34,3 millions d’euros un an plus tôt. Frédérick Duguet, directeur financier de la firme, affirmait cependant les objectifs pour l’ensemble de l’année avec un net bookings d’environ 1,95 milliard d’euros. Malheureusement, en parallèle du report d’Assassin’s Creed Shadows à mars 2025, Ubisoft a également annoncé revoir – encore une fois – ses perspectives à la baisse. Le net booking de l’exercice 2024-25 devrait s’élever à 1,9 milliard d'euros, contre 1,95 milliard envisagé. Preuve que le report n'a pas été si mal accueilli, après avoir connu une baisse vertigineuse en début de séance (- 11%), l'action d'Ubisoft est montée dans le vert (+ 2 %) avant de terminer en légère baisse (- 1,5 %) à la clôture.
Qualifié de “jeu de la dernière chance” pour Ubisoft par certains analystes, Assassin’s Creed Shadows prend le temps dont il a besoin pour être solide sur ses appuis. Car la pression sur ses épaules est forte, très forte. “Si Ubisoft veut survivre, le groupe doit devenir une organisation plus légère, c'est-à-dire plus petite, et plus efficace, entièrement concentrée sur ses grandes franchises”, prévient Christopher Dring, ancien boss du site GamesIndustry. Peu importe le chemin que suivra l’éditeur français en 2025, sa trajectoire ne sera pas la même en fonction de ce que fera le futur Assassin’s Creed. Shadows, ou l'histoire des assassins qui peuvent devenir des sauveurs.