Sur Internet depuis quelques jours, un FPS photoréaliste suscite un engouement particulier : Bodycam. D'où vient ce jeu français ?
Bodycam, la nouvelle sensation d'Internet
Depuis quelques jours, un nouveau FPS en bodycam, sobrement baptisé “Bodycam” et présenté comme "le tout premier jeu FPS multijoueur ultra-réaliste avec caméra corporelle" est disponible sur la plateforme Steam en accès anticipé. Un titre si similaire à un autre phénomène d’internet nommé Unrecord qu’il a semé la confusion auprès des internautes. Et si le projet est peut-être en végétation depuis un certain temps dans l’esprit de ses créateurs, il semble clair que l’engouement généré autour d’Unrecord a largement encouragé les deux jeunes Français du studio de Reissad Studio - fondé en 2017 à en croire la page Linkedin - à accélérer le processus de développement et la sortie. Bodycam, c’est un jeu entièrement multijoueur (à contrario d’Unrecord qui est un jeu solo), proposé par Luca et Leo, “deux développeurs français passionnés de 17 et 20 ans” comme présenté sur la page Steam. Le premier d’entre eux était d’ailleurs le sujet de tweets massivement relayés l’an dernier, lesquels félicitaient sa capacité d’engagement à son jeune âge. Pour le reste, les membres du studio se font relativement discrets, l’essentiel du contenu de leur page X étant des reposts d’autres comptes.
Jsp si j’utilise les bons mots pour décrire le jeu donc voilà un tout extrait de la vidéo Jspr il va pas m’en vouloir mais vraiment allez stream son jeu quand ça sort et coeur sur lui 🫶 pic.twitter.com/ygdPCIjFhw
— syl🦦 (@syllliaa) November 9, 2023
La proposition est une expérience ultra-réaliste qui tire parti des dernières fonctionnalités d'Unreal Engine 5, pour repousser les limites du photoréalisme. “Notre mission est d'offrir une expérience intense, immersive et axée sur le jeu en équipe qui se démarque des autres jeux du genre. Et nous sommes très fiers du résultat !”, scande le studio. La promotion débutée en fin d’année dernière et la confusion semée avec Unrecord semblent avoir fonctionné : le serveur discord de la production culmine à près de 160 000 membres. Le jeu a même dépassé le million de souhaits sur la plateforme Steam. Et maintenant qu'il est sorti, c'est l'heure des premiers avis.
Accueil en demi-teinte
Pour trente euros, Bodycam propose pour l’heure une poignée de modes de jeu : le Match à mort jusqu'à 10 joueurs, le Match à mort en équipe (5vs5) et le mode compétitif Body Bomb (5vs5), avec d'autres modes à venir après la sortie du titre, d’ici quelques années. Un programme plutôt correct pour un accès anticipé, mais dont l’accueil se montre tiède. Le jeu affichait encore un score faiblard de 66% d’avis positifs sur Steam quelques heures plus tôt, avant de remonter à 72% à l’heure où nous écrivons ces lignes. Le premier commentaire utilisateur mis en avant relève le rendu bluffant du jeu, tout en déplorant un manque sévère de contenu :
Don saluste : Il faut souligner le travail... Juste à deux personnes, c'est bluffant ! Maintenant passé l'effet "whaou" des graphismes, du son et de la prise en main plutôt inhabituelle, mais qui ne m'a pas dérangé, au contraire, passé ces quelques minutes, on se rend vite compte qu'on n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent.
Je me suis fait remboursé, mais si dans 6 mois, 1 an, le jeu s’améliore grandement niveau contenu, je serais près a payer le double.
Avis nuancé quelques scrolls plus tard par un certain AK, qui retient surtout des parties efficaces sur le court terme, pointant tout de même quelques bugs :
Je ne fais pas partie des gens qui veulent tout et tout de suite . Les gens ce n’est jamais assez ..
Le jeu est hyper efficace, les modes sont cohérents et efficaces à court terme.
D'autres modes par la suite seront forcément les bienvenues.
Pour le moment oui il y'a des bugs au lancement du jeu , et en recherche de partie, mais je ne le compte pas, car ça vient de sortir .
Au début , tu perds tes repères de joueurs FPS .. mais ça vient assez vite ..
À JV, notre journaliste Charlanmhg s’est lui aussi essayé à l’expérience, notant également de son côté une absence de tutoriel qui l’a malmené en jeu et une prise en main difficile : "À la guerre comme à la guerre, les joueurs sont lâchés les armes à la main sur le champ de bataille sans aucune explication. De la même manière, aucune personnalisation ne semble être possible pour le moment". Et d'ajouter :
Cet hyper-réalisme se ressent aussi dans les parties. Outre la difficulté, parfois, à voir ses adversaires, il faut un certain temps pour les prendre en joue avec la lunette puisqu’il est très difficile de savoir où pointe notre arme si l’on ne vise pas. Une seule balle suffit à mettre hors combat n’importe quel individu et il est parfois impossible de savoir d’où celle-ci vient. Il n’y a ni replay, ni suivi en direct de ce qu’il se passe sur le terrain.
Pareil chez pcgamer, qui estime que les efforts mis en place pour mettre au point un jeu réaliste le rendent surtout inconfortable à jouer : “Vos bras suivent lentement les mouvements de votre souris plutôt que de les refléter, et viser est super instable”. Et pour beaucoup, c’est un autre problème qui les tourmente ; un message plus ancien, mais tout aussi populaire sur la page de discussion de Bodycam déplore : "Désolé de le dire, mais est-ce que quelqu'un s'attendait vraiment à ce que cette copie multijoueur précipitée d'un jeu solo à venir soit bonne ? Ce jeu a été condamné par le calendrier précipité, le studio qui n'a qu'un seul jeu inachevé à son actif, et des graphismes peu originaux. Je doute que ce jeu fasse l'objet d'une mise à jour importante, puisqu'il s'agissait dès le départ d'un coup d'argent."
Le phénomène à polémique
Le phénomène du jeu "bodycam" comme on l’appelle, fait référence à un type de jeu vidéo qui utilise une perspective à la première personne particulièrement immersive, simulant l'expérience de porter une caméra corporelle. La technique crée un effet de mouvement plus réaliste et surtout parfois plus chaotique. Du point de vue du joueur, on assiste donc à des tremblements et des mouvements de balancement, mais aussi à des graphismes photoréalistes, des effets de lumière naturels, et très souvent des scénarios de haute intensité comme des interventions policières, des opérations militaires ou des missions de sauvetage. Lorsque les premières images d’Unrecord ont été diffusées, l’approche a également soulevé des débats sur l'éthique et la responsabilité des développeurs ; Sur Twitter, par exemple, Trainwreck, co-propriétaire de la chaîne de livestreams Kick, s’avançait à dire :
Je vais avoir beaucoup de haine pour cela - mais ce niveau de réalisme dans les jeux vidéo devrait être fortement modéré dans les * shooters* pour quiconque * en dessous d'un certain âge *, j'espère que les parents feront leur travail. ce niveau de réalisme pour tirer et tuer me met mal à l'aise comme si j'étais regarder une vraie fuite d'une opération militaire ou policière. La distinction claire entre vrai et faux est nécessaire, mais ce niveau de réalisme, à mon avis, donne une réelle crédibilité aux absurdités que les politiciens débitent depuis des années sur les jeux vidéo conditionnant les jeunes perdre le sens de l'empathie envers les tendances ou les situations violentes.
Malaise partagé à l’époque par le streamer Wartek, pourtant bien habitué aux shooters, qui déclarait : “Je ne pense pas que ce soit une bonne chose qu’un jeu, où le but est de tuer des gens, soit aussi proche de la réalité”. Axel Dauvergne, responsable du marketing chez Playdigious, accusait néanmoins le contenu du jeu d’être le cœur du problème : "Le souci c'est pas le photoréalisme ici, c'est le sujet du jeu qui y est accolé. T'es un flic qui tue des gens sans sommation, t'es pas en train d'enquêter là”. Jusqu’ici, Bodycam ne semble souffrir d’aucune de ces polémiques, les utilisateurs faisant davantage les louanges de ses décors impressionnants. La production n'introduit par ailleurs aucun contexte scénaristique, le joueur étant directement largué dans un lobby, comme dans tout autre FPS multi en vogue à l'instar d'un Call of Duty. Quoiqu’il en soit, la mouvance des jeux bodycam photo-réalistes semble de plus en plus palpable. Quelques heures après l'annonce d'Unrecord, un autre jeu en bodycam avait fait sensation sur la toile : Paranormal Tales, un titre d'horreur dont les images du nouveau trailer sont si réalistes qu'elles pourraient vous donner des sueurs froides. À mi-chemin entre Blair Witch et The Conjuring, le jeu propose une expérience de type found-footage avec distorsions d'image et faible luminosité. Une sortie qui fera, elle aussi, sûrement bien parler.