Monster Hunter World vient tout juste de dépasser la barre des 25 millions de ventes, ce lundi 11 mars. Sûrement l'une des plus étranges coïncidences qui puisse exister quand on sait que le premier jeu de la franchise est sorti 20 ans plus tôt, jour pour jour. Et ce succès, bien que retentissant, est loin d’être une surprise : il est l’aboutissement d’un travail acharné vieux de deux décennies. La franchise a su, dès le début, insuffler un vent de fraîcheur dans le monde du jeu vidéo en proposant des chasses de monstres gigantesques, du loot en abondance et du craft d’armures toujours plus imposantes. Véritable phénomène de société au Japon, Monster Hunter s’est vite répandu à travers le globe et connaît toujours un succès certain en occident.

Monster Hunter 1 : Les prémices d’un succès

Pour être honnête, Monster Hunter premier du nom est sûrement l’opus le moins abouti de la franchise. Mais il y a une chose qu’on ne pourra pas lui enlever : il a posé les bases de tout ce qui va charmer le public pour les années à venir. C'est un action RPG où l’on doit affronter des créatures imposantes et très différentes les unes des autres. Il y a un village qui fait office de hub central et qui sert à acheter des objets de survie, de la nourriture pour s’octroyer de puissantes améliorations et de quoi forger notre équipement de rêve. Une fois que le joueur se sent d’attaque, il est temps d’accepter une quête et de partir à la chasse. Entre la forêt, le désert, le volcan ou la montagne, chaque zone a son propre biome et ses propres monstres. Le but final de Monster Hunter est de venir à bout de toutes ces créatures afin de récupérer leurs matériaux et ainsi de forger des armes et des armures toujours plus balaises.

Mais pour comprendre le phénomène Monster Hunter, il faut remonter un peu dans le temps. Au début des années 2000, en plus de vouloir s’émanciper des jeux arcade à la Street Fighter (qui avaient fait les bonnes heures des années 90), Capcom est amené à réfléchir à une nouvelle licence et ce, en raison d'une chose : leur volonté de créer un RPG qui pourrait être joué en ligne. Leur première source d’inspiration est Phantasy Star Online, sorti sur Dreamcast en 1998, qui est considéré comme le premier MMORPG de l’Histoire. Mais c’est l’émergence du multijoueur en ligne amenée par la nouvelle génération de consoles (PS2 en 2000, Xbox en 2001) qui les pousse vers l'avant.

C’est donc en 2001 que sont mis sur le pont les producteurs Tsuyoshi Yanaka (Devil May Cry 2 et 3) et Noritaka Funamizu (Street Fighter), ainsi que le directeur artistique Kaname Fujioka, futur visage de la franchise. Même si l’idée de départ est déjà annoncée (taper des gros monstres à plusieurs), le Monster Hunter que nous connaissons est encore loin d’être né. À la base, le studio partait sur un monde fantastique avec de la magie et des créatures mystiques. C’est notre cher Fujioka qui a recentré le projet autour de la nature et la chasse de monstres plus - ou moins - réalistes. Le jeu se présente pour la première fois à l’E3 2003 et sort un an plus tard au Japon, le 11 mars 2004, tandis que l’occident devra attendre le 27 mai 2005 pour y goûter.

Le premier opus a donc plu au Japon et ce dès sa sortie, avec un total de 300 000 exemplaires vendus dans tout le pays. Le titre a d’ailleurs remporté le prix du jeu de l’année aux CESA (le Game Awards local). De ce fait, Monster Hunter a pu se créer une petite communauté autour de la chasse de monstres. Cependant, le public occidental n’a pas réellement été emballé. La faute à une difficulté trop importante et à quelques autres défauts, dont un mode online peu abouti et une jouabilité qui en ferait fuir plus d’un. En effet, quand on constate l’état du gameplay à la manette avec l’obligation d’attaquer avec le joystick, on comprend certaines réticences. Mais malgré ça, le succès évident que le jeu a connu au Japon à poussé Capcom à réitérer l’opération.

Plus qu’un jeu, un phénomène

Après ce premier essai réussi, Capcom décide d’exporter ses premiers jeux sur la nouvelle console de Sony, la PSP, dans un format appelé "Monster Hunter Freedom” (ou Portable au Japon). Mais au-delà de porter ses jeux sur d'autres consoles, l'éditeur se met à développer des versions dites ”Ultimate”. Il s’agit d'extensions qui arrivent sur le marché un an après la sortie du titre initial et qui apportent de nouveaux contenus. Avec ce nouvel export et les versions Ultimate, la franchise de chasseur de monstres va monter d’un cran en popularité.

C’est donc en 2008 au Japon (2009 en Europe) que sort Monster Hunter Freedom Unite. Il s’agit de la version Ultimate PSP de Monster Hunter 2, paru deux ans plus tôt. Et ce jeu devient littéralement un phénomène en très peu de temps. 800.000 exemplaires sont vendus à travers le monde en moins d’une semaine et le titre devient la meilleure vente de l’année sur l'Archipel nippon, dépassant ainsi Nintendo qui était considéré comme indétrônable là-bas. Un an plus tard, Capcom décide de rééditer le jeu en format “The Best” (version du jeu à bas prix qui se rapproche des PlayStation Hits) qui permet de relancer les ventes et d’atteindre les 3.5 millions d'unités dans le monde.

Grâce à cette stratégie, Monster Hunter Freedom Unite explose littéralement tous les records : il devient la deuxième meilleure vente de l’histoire de la PSP (dérrière GTA Liberty City), mais aussi la meilleure vente de l'histoire du studio japonais. Le jeu en lui-même proposait des améliorations graphiques ainsi qu’un bestiaire deux fois plus grand, de nouvelles variétés d’armes et un multijoueur local aux petits oignons.

À partir de là, Capcom prend deux décisions importantes pour sa nouvelle licence : d’une part, l’exporter totalement à travers le monde, et d’autre part, sortir des jeux dérivés de leur univers. C'est comme ça que l’on découvre le premier (et dernier) MMORPG de la licence, appelé Monster Hunter Online, qui ne sortira qu’en Chine. Il n’a pas vraiment bien marché mais a mis l’eau à la bouche de tous les fans occidentaux, notamment grâce à la diffusion de nombreuses vidéos de gameplay sur YouTube. Mais MH Online n’est pas le seul essai de Capcom pour amener sa licence vers d’autres sentiers. Parmi leurs nombreux essais, celui qui s’est avéré le plus lucratif est Monster Hunter Stories. Sorti en 2016, c'est un Pokémon-like ou vous pouvez créer votre équipe de monstres et les faire combattre dans un gameplay en tour par tour. Les deux opus de Stories cumulent plus de 2 millions d’exemplaires vendus et ont su amener de nouveaux joueurs à rejoindre la licence Monster Hunter.

Pour ce qui est de la série principale, le jeu appelé Monster Hunter Générations (2015), qui regroupait de nombreux contenus des anciens opus, n’a pas vraiment plu à tout le monde. Les fans voulaient que leur licence préférée aille encore plus loin et il n’a pas fallu attendre longtemps pour que leurs prières soient exaucées.

Monster Hunter World, le jeu de chasse ultime

Le 26 janvier 2018, après 24 jeux et 14 ans d’existence, la licence Monster Hunter s’offre pour la première fois un lancement international avec Monster Hunter World sur PS4 et Xbox One (un an plus tard sur PC). Le jeu porte très bien son nom car il devient un phénomène mondial dès sa sortie, avec plus de 6 millions de ventes en l’espace de deux semaines. Il surclasse ainsi tous ses concurrents chez Capcom et permet à la franchise de devenir un incontournable de la société. Et il faut dire que ce succès n’est pas anodin : Monster Hunter World est l’aboutissement de tout ce que ses prédécesseurs avaient accompli jusque-là.

C’est un renouveau sur pratiquement tous les aspects de la licence. D'une part, d’un point de vue technique, on a droit à une nette amélioration graphique avec, pour la première fois, un jeu Monster Hunter en 4K qui tourne en 60 fps. Les environnements sont très détaillés et donnent l'impression d'être plongés dans une nature vivante, vibrante. Le bestiaire aussi se fait une petite beauté en proposant beaucoup plus de monstres qu’avant. Enfin, le gameplay est remanié pour le plus grand bonheur des fans.

Mais la suprématie de Monster Hunter World ne s’arrête pas là, car en 2019 sort la version Ultimate du jeu, Iceborne. Cette extension relance totalement les ventes du titre en proposant un contenu plus important que le jeu de base. On dénombre alors 71 grands monstres au total, dont 15 créatures inédites et des bêtes mythiques des anciens opus comme le Fatalis ou l’Alatreon. Le jeu amène une nouvelle zone enneigée et surtout un contenu endgame extrêmement riche.

Aujourd’hui, MH World a atteint les 25 millions de ventes et se place à la 38 place des jeux les plus vendus de l'histoire, aux côtés de Cyberpunk 2077 et GTA 4. Les 11 millions de ventes de MH Rise, sorti en 2021, et l’annonce de MH Wilds en décembre 2023 montrent que la licence est au meilleur de sa forme. Et bien que beaucoup aient essayé de réitérer l’exploit, comme Wild Hearts ou Dauntless, aucun n'y est parvenu. Espérons que Monster Hunter continuera encore longtemps à chasser toute concurrence.