Depuis quelque temps, j’ai la tête dans le guidon et j’enchaîne les jeux de rôle japonais. Maintenant que mon rythme de jeu diminue, j’ai eu envie de souffler un peu et, étonnamment, d’essayer de nouveaux titres. Après un rapide coup d'œil sur les sorties, j’ai jeté mon dévolu sur un jeu de rôle un peu à l’ancienne, un genre que j’avais quelque peu délaissé lors de ces dernières années, et j’ai eu raison : The Thaumaturge, titre inédit des futurs créateurs du remake de The Witcher, m’a ouvert les yeux et donné envie de me frotter de nouveaux aux CRPG.
Avant le remake de The Witcher, ce studio m’a surpris avec son nouveau jeu
Dans un planning de sorties aussi chargé que celui qui se profile en 2024, on se retrouve vite dans l’obligation de faire des choix. Au-delà des lancements majeurs de ce début d’année, il y a aussi toutes les productions plus modestes qui affluent. Pour ma part, ce début d’année a été assez agité et je n’ai pas boudé mon plaisir à l’idée de découvrir un titre récent et quelque peu différent de mes habitudes afin d’y jouer quelques heures et partager mes impressions. En l’occurrence, c’est le jeu de rôle The Thaumaturge qui a retenu mon attention, et l’un des premiers arguments m’ayant fait de l'œil, ca a clairement été de voir le nom du studio Fool’s Theory. Si l'appellation n’est pas des plus populaires actuellement, elle pourrait le devenir puisque ces derniers auront la lourde tâche de redonner vie au premier opus de la saga The Witcher de CD Projekt.
Comme pour mieux se faire la main, les équipes de Fool’s Theory ont pu compter sur le soutien de l’éditeur 11 bit studios, plus connu pour son implication dans les projets This War of Mine et Frostpunk. C’est donc encore une fois dans cette ambiance si particulière, inspirée d’une époque pas si éloignée de la nôtre (la Pologne du début du 20ème siècle), que l’on embarque à travers The Thaumaturge. Là où le titre vient pimenter ce contexte, c’est en ajoutant une dimension fantastique et folklorique à son cadre historique, ce qui fait son petit effet et est directement lié aux aptitudes du héros que l’on contrôle. Baptisé Wiktor Szulski, il dispose, grâce à son statut de thaumaturge, « d’une compréhension différente et plus profonde du monde ». Plus concrètement, cela se traduit une galerie de pouvoirs, répartis sur quatre branches (Coeur, Esprit, Acte, Parole), qui lui permet de mieux discerner les émotions, notamment celles qui s’incrustent dans les différents objets que chacun manipule, et de mener l’enquête partout là où il se rend.
Un jeu de rôle modeste à contre-courant de la frénésie actuelle, et ça fait du bien
Cela fait pas mal de temps que je n’avais pas touché à un jeu de rôle pur et dur dans la lignée de The Thaumaturge. Après des semaines et des semaines de jeu, dictées par les derniers RPG japonais du moment, très portés sur l’action, je dois dire que j’étais à la fois perplexe et intrigué à l’idée de consacrer une poignée d’heures à la dernière création du studio Fool’s Theory. Néanmoins, cette appréhension a rapidement été chassée par la construction du jeu, volontairement basée sur la narration, l’étude de l’environnement, l’analyse du lore et la réflexion offertes par les nombreuses informations contextuelles. Mine de rien, The Thaumaturge arrive aisément à poser une ambiance qui m’a donné envie d’errer dans ses décors et de mieux comprendre la manière dont cet imaginaire, qui mêle historique et fantastique, s'articule autour de l’expérience de jeu.
Dans la pure tradition du jeu de rôle, The Thaumaturge propose énormément d’indices textuels, au point où l’on a majoritairement l’impression de mener l’enquête tout au long de l'expérience, autant au sujet de l’intrigue que sur les pouvoirs bien mystérieux du héros. Digne héritier du genre, la création de Fool’s Theory prend son temps, bien que la formule soit employée dans des endroits assez cloisonnés. Ne vous attendez pas à la liberté que proposent certains jeux de rôle actuels ! Si cela joue certes en sa défaveur, l’expérience se tient d’un point de vue narratif avec des dialogues à choix (qui ont leur influence), une multitude d’approches pour résoudre certaines interactions - notamment via l’utilisation des aptitudes conférées par les Salutors, des créatures mystiques dont les thaumaturges tirent leurs pouvoirs, ou les symboles que l’on forme pour manipuler nos interlocuteurs, un joli clin d’oeil à The Witcher - et un système de résolution de quêtes qui s’étale sur différents embranchements pour les rendre à la fois plus denses et intéressantes à suivre.
En raison de son contexte quelque peu atypique, The Thaumaturge m’a donné envie de me replonger dans ce type de jeu de rôle, d’avoir entre les mains un titre qui se savoure sans avoir à courir dans tous les sens, de changer mes habitudes de consommation en redonnant leur chance, de temps à autre, aux productions plus textuelles. En réalité, je me suis aperçu que l’univers était suffisamment prenant pour occulter la présence quelque peu réduite des affrontements. Car oui, The Thaumaturge, c’est aussi un titre qui mise sur un système de combat stratégique rempli de bonnes idées. Malheureusement, je ne garderai pas un souvenir impérissable de cet aspect du jeu.
Un système de combat bien pensé mais qui manque de folie
De temps à autre, The Thaumaturge m’a fait participé à des combats au tour par tour à mi-chemin entre un déroulement terre-à-terre et utilisation de capacités surnaturelles. Sur le papier, le principe est intéressant puisqu’il permet de coupler les aptitudes physiques du héros - qui consiste bien souvent à balancer un coup de poing plus ou moins bien senti - et les techniques offertes par les différents Salutors que l’on récupère au fil de l’aventure. Les codes du jeu de rôle sont là, on retrouve même une file d’attente des actions qui permet de visualiser l’ordre dans lequel les adversaires nous attaquent et un système de vitesse qui fait qu’une capacité se déclenche plus ou moins vite. Grâce à ça, l’aspect tactique s’étoffe et peut aussi compter sur d’autres ajouts qui arrivent au fur et à mesure comme l’altération de la concentration des adversaires, les applications d’états négatifs tels que la souffrance et les attributs à contourner à l’aide des techniques des différents Salutors.
Globalement, The Thaumaturge ne vous met pas vraiment au dos du mur lors de chaque affrontement. Ceux-ci se traversent non sans mal dans la mesure où l’on soigne son approche et où l’on tire profit des différentes techniques d’affaiblissement. Le souci, c’est qu’à cause de ça, j’ai rapidement éprouvé une certaine lassitude tant The Thaumaturge veut trop en faire avec ses mécaniques sans pour autant les rendre exceptionnelles. Alors, le peu de fois où l’on peut en profiter, on se heurte à la même routine et, finalement, cela dessert l’immersion plus qu’autre chose. Finalement, le point fort, ça reste cette ambiance, le doublage des personnages, la dimension psychologique qui parcourt le côté mystique de l’intrigue, tandis que les combats, eux, sont finalement anecdotiques bien qu’intelligemment construits et quelque peu originaux.
En fin de compte, The Thaumaturge aurait davantage gagné à n’être qu’un jeu d’enquête car c’est là sa plus grande force et son aspect que je trouve, personnellement, le plus accrocheur. Certes, ce n’est pas le jeu le plus agréable à l'œil, le mieux animé dans ses personnages ou celui qui nous laisse une grande liberté d’approche mais son univers austère à l’ambiance pesante lui accorde un certain cachet. Je sais pertinemment que The Thaumaturge ne sera peut-être pas ma plus belle surprise de l’année mais je sais déjà que je n’oublierai pas ce qu’il m’a enseigné, à savoir qu’il ne faut pas que je délaisse les CRPG plus traditionnels car je risquerai de passer à côté d’expériences singulières et originales !