Dans le genre des jeux de guerre, on pense surtout aux FPS. Quand on joue à la guerre, on joue en effet surtout à faire la guerre. Sauf qu’au lieu de mimer un simulacre de pistolet à la main, on se retrouve à commander un MCW avec sa manette. On tire, on se planque, on campe une position, on grappille du terrain…Dans la tête de la plupart des gens, c’est ça, un jeu de guerre. Sauf que c’est un peu plus compliqué que ça. Il y a des jeux différents qui proposent une autre approche des conflits armés, que ce soit au niveau du message, de l’histoire ou du gameplay. D'ailleurs, on avait fait il y a quelques années tout un article sur le sujet : Battlefield, CoD, Soldats Inconnus... : la guerre peut-elle vraiment être un jeu ?. On y parlait bien sûr de This War of Mine, un jeu qui a su marquer les esprits notamment grâce à son angle un peu particulier avec une question qu'on se pose malheureusement rarement : à quoi ressemble le quotidien des civils pendant la guerre ? Et c'est marrant car à l'époque de cet article, on vous parlait également d'un autre jeu, pas encore sorti mais qui souhaitait s'attaquer à une autre question inhabituelle : qu'est-ce qui se passe dans un hôpital de guerre ? Ce jeu, c'est War Hospital, “un jeu sur le thème de la guerre qui célèbre la vie, et non la mort” nous disent les développeurs. Et, vous l'aurez sans doute compris, c'est lui qui nous intéresse aujourd'hui.

War Hospital, un autre regard sur la guerre

Avant de vous délivrer nos premières impressions sur le titre, un point factuel s'impose. War Hospital est un jeu développé par Brave Lamp Studio, qui travaille également sur le jeu de tir coopératif Enemy of the State. Côté éditeur, le titre a séduit les équipes de chez Nacon. Mais alors qu’est-ce que c’est ? Et bien il s’agit d’un jeu de gestion dans lequel, comme son nom l’indique si vous parlez un minimum la langue de Shakespeare, un hôpital de guerre (aussi appelé hôpital de campagne). Dans la peau du major Henry Wells, votre but est simple : sauver un maximum de personnes. Sauf que c’est plus simple à dire qu’à faire, surtout dans le contexte de la Première Guerre Mondiale. Les blessés affluent et les moyens sont moindres. On rappelle que la Première Guerre Mondiale a fait plus de 9 millions de morts et disparus et 21 millions de blessés, et ça seulement du côté militaire. Le rôle des hôpitaux de campagne était donc primordial à l’époque, et c’est ce que les développeurs de Brave Lamp Studio ont souhaité retranscrire avec War Hospital. Et pour apporter ce regard nouveau sur cette époque pourtant adaptée à de nombreuses reprises en jeu vidéo, ils se sont rapprochés des plus grands. Le jeu a en effet été réalisé en collaboration avec Imperial War Museums. Il s’agit du premier titre produit en partenariat avec cet organisme britannique qui administre des musées tels que le Churchill War Rooms, le HMS Belfast et l'Imperial War Museum de Londres.

Mais si ce partenariat aurait pu présager un titre bourré d’informations et de détails historiques expliqués, il n’en est étrangement rien. Les personnes friandes de nouveaux savoirs historiques en parallèle des jeux (comme a pu le faire sur un sujet similaire Soldats Inconnus : Mémoires de la Grande Guerre) ne trouveront pas de quoi satisfaire leur faim ici. L’expertise des membres d’Imperial War Museums, elle a surtout servi à retranscrire en jeu une réalité et un fonctionnement crédibles. En n’étant pas historienne, difficile de juger le jeu de façon catégorique sur ce plan. Mais il est tout de même possible de partager avec vous mes modestes impressions. A priori, on est sur un jeu très documenté. Entre les différents bâtiments, questionnements, postes, façons de procéder, ressources ou encore décisions, les éléments sont nombreux à prendre en compte. On ne se contente pas de frôler la surface du sujet, on plonge les deux mains dans ses entrailles. Vous connaissiez l’existence des postes d’évacuation sanitaire vous ? Et bien maintenant vous allez pouvoir comprendre la place importante qu’ils prenaient dans tout le processus de soin (assez chaotique tout de même, contexte oblige) en temps de guerre. Et d'ailleurs, ce processus ne constitue qu’une petite partie de votre tâche de gestion. En temps de guerre, il y avait énormément de choses à prendre en compte pour espérer soigner les soldats affluant en masse. Dans War Hospital, il faut ainsi gérer l’état de fatigue des employés, les ressources de soin disponibles, les rations alimentaires encore en stock, les prochaines livraisons à venir, la rééducation des blessés, le moral des troupes, les cadavres qui le renvoi des forces chez elle ou dans les tranchées (et oui il faut bien tenir le front aux abords de l’hôpital pour ne pas tous mourir)... Ça donne en conséquence un jeu de gestion particulièrement complet et assez fastidieux à prendre en main. Sauver des vies en temps de guerre, c’est vraiment loin d’être facile.

Qui doit vivre ou mourir ?

S’il y a bien quelque chose qui est particulièrement bien retranscrit en jeu, c’est ce sentiment d’urgence et de crise constant. Le ton est donné dès le début : “Vous ne pourrez pas sauver tout le monde”. D’ailleurs, dès le (long) tutoriel, dès le premier patient, vous vous retrouvez face à un échec, face à un mort. Et ce ne sera pas le dernier ! War Hospital est un jeu assez dur dans lequel vous aurez toujours l’impression d'être sur un fil. Les cadavres s'empilent, les médecins s'épuisent et rapidement les voyants rouges se multiplient. Et même dès les premiers heures, il est possible de se retrouver dans le stress le plus total face à une situation de crise qui peut vite paraître ingérable. Surtout que ça fonctionne comme un cercle vicieux. Pour soigner les différents soldats, il faut recruter et/ou faire des améliorations, pour ça il faut des ressources ou des avantages, pour en obtenir il faut faire plaisir au QG, pour faire plaisir au QG il faut envoyer des soldats soignés au bon endroit et pour ça ben… il faut soigner des soldats. En plus, les ressources sont également liées à différents types de patients, histoire de pimenter un peu tout ça.

Résultat, quand quelque chose va mal, tout peut très vite aller mal. C'est pourquoi, il faut bien réfléchir à ses actions mais aussi à ses choix. Un peu à la manière de Frostpunk ou This War of Mine, War Hospital vous met face à des dilemmes difficiles. Pour la survie de l'hôpital, il faut parfois choisir de laisser quelques soldats à l'agonie sur un brancard de fortune jusqu'à qu'ils crèvent comme des rats ou renvoyer ce pauvre bougre qui vient de subir une lourde opération sur le front tout en sachant qu'il finira par y passer et ne jamais revoir sa femme et ses 3 enfants. On se dit d'abord “c'est juste une fois, un pauvre malheureux sacrifié, un seul, pour en sauver 100 autres”. Sauf que ça ne cesse d’empirer… Un sacrifice ne suffit pas à atténuer la pression, l’horreur, l'angoisse, loin de là. Elle est toujours là, elle colle à la peau, un peu comme elle collait, certainement, à ceux qui ont connu et connaissent encore la guerre (c’est du moins l’“interprétation” qu’en ont fait les développeurs). En termes de jeu, ça permet en plus de se retrouver face à une expérience vraiment challengeante. Reste à voir si elle le reste et ne devient pas indigeste ou trop frustrante à la longue.

Malheureusement, frustrante elle l’a un peu été notre courte expérience. Non pas à cause de la difficulté du titre, l’interface assez brute du jeu, les graphismes pas franchement au goût du jour ou encore les objectifs et mécaniques pas toujours très clairs, mais plutôt à cause des bugs encore très présents malgré un patch day one déjà déployé. On a perdu de longues minutes à recommencer le jeu en boucle à casue d'un bug handicapant et ça c’est un vrai problème - bien qu’il ait été résolu par le simple fait de désinstaller et réinstaller le jeu et que nous n’ayons pas eu d’autres bugs par la suite. Mais les joueurs Steam en ont rencontré un bon nombre. ’Cest en partie pour cette raison que les avis réunis sur la plateforme sont dans l’ensemble moyens. Et c’est bien dommage car sinon les joueurs saluent un jeu de gestion intéressant, une boucle de gameplay prenante, un lore assez poussé, une ambiance unique (merci le doublage et la DA notamment) et “un magnifique hommage” aux soldats de la guerre qui était censée mettre fin à toutes les guerres… Mais à croire que, contrairement aux développeurs, les gens de ce monde souhaitent célébrer plutôt la mort, et non la vie.

Amateurs de jeux de gestion, vous tenez là une nouvelle expérience sympathique, bien qu’elle ait encore quelques lacunes et souffre malheureusement de bugs dérangeants. Mais à part ça, on tient tout de même une plongée intéressante dans l’horreur la plus crasse de la guerre. Une nouvelle approche qui en ravira pour sûr certains.