Les adaptations de mangas réalisées par Netflix sont rares d'autant que toutes ne valent pas le coup d'œil. Mais depuis le 26 octobre, l'une d'entre-elle a rejoint le catalogue et il faut absolument la regarder pour la réunion de deux personnalités du monde du manga.
Cet article est un billet d'opinion. Il est par nature subjectif et ne représente que le point de vue de l'auteur et non pas celui de la rédaction de JV.
Si l’on ne jure aujourd’hui que par du Demon Slayer, Jujutsu Kaisen ou du Spy Family, le monde du manga existait déjà bien avant. Outre les Bleach, Naruto, ou One Piece des années 2000 (que l’on revoit au sommet de leur forme cette année), c’est aussi le manga Pluto de Naoki Urasawa qui fait son effet. Il permet à son auteur de récupérer le prix culturel Osamu Tezuka : une récompense créée en 1997 pour gratifier les mangakas pour leurs efforts. Elle est remise par le Asahi Shinbun, quotidien japonais et second journal le plus lu dans le monde (derrière le Yomiuri Shinbun, aussi un quotidien japonais).
Pluto, c’est avant tout un arc narratif d’Astro Boy du mangaka… Osamu Tesuka : celui du Le robot le plus fort du monde. C’est une réécriture par Naoki Urasawa donc, dans un style thriller policier propre à l’auteur. Une nouvelle adaptation en série animée est disponible sur Netflix depuis le 26 octobre et on vous explique pourquoi il faut absolument la regarder.
Un meurtre est commis dans un monde ordonné où les robots sont incapables de tuer des humains. L'enquêteur robotique d'Europol, Gesicht, prend l'affaire en main, mais le mystère s'épaissit lorsqu'il ne trouve aucune trace d'un humain sur les lieux du crime. Alors qu'il recherche la vérité, Gesicht découvre la manifestation de haine la plus diabolique que l'histoire ait jamais vue, une manifestation qui est déterminée à détruire le monde...
Le dieu du manga
Comme suggéré par son titre, cet article a surtout pour but de revenir rapidement sur les deux personnalités phares du projet que sont Osamu Tezuka et Naoki Urasawa. C’est, je le pense, en en apprenant plus sur ces deux créateurs que viendra la curiosité de regarder l’adaptation de Pluto réalisée par Netflix.
Par ailleurs, en apprendre plus sur Osamu Tezuka permet d’en apprendre plus sur le manga de manière générale. Il est considéré dans le monde entier comme le père du manga moderne et est parfois surnommé le Dieu du Manga. Une notoriété historique qu’il doit à sa prolifération ! Dans le livre Osamu Tezuka : Le dieu du manga par Hélène McCarthy, on lui attribue 700 œuvres signées et plus de 70 réalisations de dessins animés. Dans le domaine du manga, c’est-à-lui qu’on doit cette liberté de jouer avec les cases de son œuvre en opposition avec les BD occidentales. Dans le domaine, il inspire par exemple Akira Toriyama pour Dragon Ball (lui-même inspiré du roman La Pérégrination vers l’Ouest). Son premier grand succès va être Astro Boy : l’histoire d’un robot enfant (dont l’origine rappelle celle de Pinocchio) qui prône la paix. Une œuvre qui marque tout un public en partie dû au contexte. Elle sort en 1952 : c’est l’après-guerre au Japon, qui vient d’être occupé pendant 7 ans par l’armée américaine. Le manga apporte de l’espoir à toute une génération d’enfant et est probablement à l’origine des nombreux mangas de l’époque mettant en scène un robot (comme Gundam par exemple).
Osamu Tezuka va aussi tout bouleverser dans le domaine de l’animation. Biberonné par les longs-métrages de Walt Disney (et notamment Bambi), le Japonais décide de créer son propre studio. Il veut raconter ses histoires sans temps mort. Dans l’édition n°2 de HK Orient Extreme Cinéma sorti en 1997, l’un des employés du studio explique que la rapidité était l’une des priorités et qu’il fallait se mettre au diapason des publicités diffusées à la télé. Ce sont donc des formats courts qui sont privilégiés et Tezuka est alors visionnaire : il arrive à mettre en place un système de production hebdomadaire. C’est Astro Boy qui sera le premier dessin animé japonais diffusé chaque semaine. Une périodicité reprise par les grands studios de production qui est encore en place aujourd’hui.
Urasawa, un mangaka multi-récompensé
Voilà donc une présentation rapide du personnage d’Osamu Tezuka qui, sans être exhaustive, devrait suffire à suggérer l’influence qu’il a pu avoir sur les créateurs qui l’ont succédé. Et Urasawa est clairement l’un d’eux. Dans son manga Monster, le personnage principal est le docteur Tenma. Un nom et un métier identiques au créateur d’Astro Boy dans le manga. C’est d’ailleurs avec cette œuvre, histoire de rendre un hommage indirect, qu’il gagne en 1999 le prix Osamu Tezuka. Elle s’inscrit dans le genre du thriller/policier en racontant l’enquête de Tenma : un neurochirurgien réputé qui perd son poste après avoir sauvé un enfant au détriment d’une personnalité politique. Une opération qui coûte la vie, indirectement, à des dizaines de personnes puisque l’enfant se révèle être un meurtrier. S’installe alors une dimension éthique et morale dans la réflexion du personnage.
Une patte narrative qui continue de faire le succès de Naoki Urasawa. C’est également à lui que l’on doit 20th Century Boys, un manga de science-fiction destiné à un public d’adultes (seinen) s’intéressant à de nombreuses thématiques. L’œuvre aussi récolte de nombreux prix, dont le prix Kodansha : quelque chose de rare puisque ce n’est pas un manga issu de l’écurie de l’éditeur.
Son “âge d’or” se poursuit avec la prépublication des chapitres de Pluto, la réécriture d’un arc narratif d’Astro Boy par Naoki Urasawa. En 2005, c’est grâce à ce manga qu’il reçoit à nouveau le prix culturel général Tezuka. Quelque chose, une nouvelle fois, de rare de gagner deux fois le prix. C’est même le dernier à avoir été récompensé pour la deuxième fois.
L’adaptation animée de Pluto par Netflix est donc la réunion de ces deux grands messieurs du manga. Le premier a bouleversé l’industrie avec sa créativité. Il a révolutionné les manières de faire, que ce soit dans les techniques de dessin ou dans la production des animés. Le second a marqué de son empreinte le milieu entre le 20ème et 21ème siècle et est l’un des rares mangakas aux multiples récompenses grâce à ses œuvres passionnante à lire. Pluto est donc l'occasion parfaite de se plonger encore un peu plus profondément dans l'industrie du manga pour y découvrir un tas d'autres perles de ces deux auteurs.