Dans une décision qui a surpris bon nombre d'observateurs, la Chine a récemment fait marche arrière sur une politique qu'elle avait mise en place en décembre 2022, interdisant l'exportation de ses processeurs Loongson vers la Russie. Cette décision initiale avait été motivée par la considération de ces processeurs comme des éléments stratégiques, notamment en raison de leur utilisation dans des applications militaires. Cependant, la levée de cette interdiction indique un changement de cap significatif dans la politique d'exportation technologique de la Chine.

Loongson : Une alternative chinoise aux géants technologiques

Loongson n'est pas une entreprise comme les autres. Située en Chine, elle produit des processeurs pour PC, serveurs et centres de données, se positionnant ainsi comme une alternative crédible aux géants de l'industrie tels qu'Intel et AMD. Cette position de rival a été renforcée en début d'année lorsque la société a lancé la distribution à grande échelle de son processeur 3C5000. Ce processeur généraliste, doté d'une microarchitecture LoongArch, a été conçu sur la base de l'architecture MIPS, lui conférant une certaine originalité. Car cette architecture était utilisée pour des consoles comme la Nintendo 64, la Sony PlayStation 1, PlayStation 2 et PSP.

L'aspect unique de ces processeurs ne réside pas uniquement dans leur conception. En effet, ils ont été explicitement conçus par des ingénieurs de l'Académie chinoise des sciences, sans utiliser les architectures x86-64 ou ARM. Cette approche indépendante a permis à Loongson de continuer à améliorer ses designs et ses performances sans être entravée par les sanctions américaines (enfin presque), qui ont ciblé de nombreuses autres entreprises technologiques. Une aubaine, tant que les scientifiques ne se heurtent pas à un plafond de verre technologique.

L'impact des sanctions américaines sur Loongson

Malgré cette apparente indépendance, Loongson a un point faible notable. La conception de ses processeurs fait appel à un logiciel américain, rendant ainsi l'entreprise vulnérable aux sanctions américaines. Donc pas si indépendant que ça au final. Ces sanctions, imposées par l'administration Biden depuis mars 2023, ont potentiellement un impact sur les opérations de conception et de production de Loongson. Ce que nous ne savons pas, c’est l'ampleur de cet impact qui reste pour le moment indéterminé. Les signes actuels suggèrent que, malgré ces sanctions, l'entreprise continue ses activités avec une certaine normalité.

Le journal russe Kommersant a récemment confirmé que la Chine avait finalement autorisé l'exportation de ses processeurs Loongson vers la Russie. Les premiers bénéficiaires de cette décision seront les intégrateurs russes Norsi-Trans et Promobit. Ces entreprises utiliseront les processeurs dans leurs ordinateurs de bureau, leurs serveurs et leurs systèmes de stockage, contribuant ainsi à renforcer l'infrastructure technologique russe.

Pour la Russie, cette décision représente une aubaine inespérée. Alors que les processeurs d'Intel, AMD, NVIDIA et d'autres entreprises alliées avec les États-Unis continuent d'arriver en Russie via des canaux d'importation parallèles, l'établissement d'une relation commerciale stable avec la Chine permettra au gouvernement de Vladimir Poutine de contourner l'instabilité des marchés noirs. Cela contribuera également à renforcer l'industrie technologique russe, qui a été l'une des plus touchées par les sanctions américaines et de ses alliés. Ainsi, l'autorisation d'exportation des processeurs Loongson vers la Russie peut être vue comme une étape importante pour la résilience technologique russe face aux sanctions occidentales. Un moyen peut-être pour la Chine de faire un pied de nez à l’Occident qui sanctionne la Russie et la Chine.