Alors que le président de Capcom estime que le prix des jeux vidéo est “trop bas”, l’homme illustre une réalité économique de l’industrie… les coûts de production, qui sont toujours plus exorbitants.
Combien coûte la création d’un jeu vidéo en 2023 ? Cette question “simple” est récemment revenue sur le devant de la scène avec les propos d’Haruhiro Tsujimoto, président de Capcom (Resident Evil, Street Fighter). Dans les colonnes du quotidien japonais Nikkei… l’homme explique que les coûts de développement sont environ “100 fois plus élevés” qu’à l’époque de la NES, machine sortie en 1983 au Japon ! Il affirme même que la montée du prix des jeux serait une option “saine” pour l’industrie. De quoi faire hérisser les poils de plus d’un joueur, dans un contexte d’inflation où des titres affichent désormais un 80€ en magasin, où la PlayStation 5 ainsi que la Xbox Series X ont fait grimper la note.
Une réalité avec six zéros
Mais, Tsujimoto capture ici une réalité. Celle du budget de certains blockbusters, qui crève le plafond depuis quelques années… Pour Red Dead Redemption 2, on parle de jusqu’à 800 millions de dollars (développement et marketing compris). Encore, il s'agit d'un jeu sorti en 2018. “Des études montrent que la somme demandée double à chaque génération de console” alertera deux ans plus tard Shaun Layden, vétéran de l’industrie et ancien président de PlayStation. Ainsi, on avance déjà le chiffre d’un à 2 milliards de dollars pour la création du roi des triples-A : GTA 6 - actuellement en développement. Bref, du fois deux. “C’est un modèle qui n’est tout simplement pas durable” pense l’ex-boss de Sony.
"Nous devons faire tellement de contenu pour Call of Duty aujourd’hui que nous ne pouvons même plus nous appuyer sur un seul studio principal (...) Ce genre de pression nous oblige à sous-traiter de de plus en plus. Je ne vois pas cela changer de sitôt” - Activision, éditeur de Call of Duty (2023)
Finalement, la logique de Shauwn Layden est simple : plus ça va, plus la production d’un blockbuster prend du temps (entre 3 à 5 ans de nos jours), plus ça coûte d’argent et plus ça doit rapporter gros au bout du compte. L’homme redoute ici un point de rupture, un moment où l’engagement financier est si important que le risque s’avère juste trop grand. Car un jeu, même avec toutes les garanties du monde, ne sera jamais une machine à cash pré-destinée. Vous comprenez mieux l’idée farfelue d’Haruhiro Tsujimoto : amortir plus directement des créations qui demandent toujours plus d’argent.
Les soucis que ça implique
Également, avec des coûts plus élevés d’année en année, les éditeurs exigeront de plus en plus de garanties ! Ce qui nous amène à un autre problème, mentionné par Phil Spencer dans un mail qui a fuité il y a quelques jours… Cette inexorable fuite en avant “nuit à la capacité des éditeurs à créer de nouvelles franchises”. Le boss de Xbox prend pour exemple le cas d’Electronic Arts, Sony et Ubisoft, qui se sont lancés dans l’adaptation de gros noms de la pop culture pour “compenser le risque” (Star Wars, Marvel’s Spider-Man, Avatar Frontiers of Pandora). À noter qu’il ne s’agit clairement pas d’une recette miracle. Marvel's Avengers, basé sur la plus grande saga de super-héros au monde | élaboré par trois acteurs de renom - Eidos Montréal, Square Enix, Crystal Dynamics - s’est tapé un sacré vol plané. Trois ans après sa sortie, le titre sera à jamais délisté des boutiques en ligne le 30 septembre.
Marvel’s Avengers avait d’ailleurs tenté un pari plutôt risqué, de plus en plus présent dans l’industrie. L’idée est simple… développer un jeu pendant des années, mais un jeu dont le potentiel commercial n’est pas réduit à sa seule fenêtre de parution ! En marge des sorties différées sur d’autres supports (comme le fait PlayStation avec ses exclus sur PC), on pense bien sûr aux “game-as-a-service”. Un titre mis à jour très régulièrement, à l’image de Fortnite ou de Call of Duty, et qui pousse le joueur à investir toujours plus d’argent réel. Mais à nouveau - comme pour un soft classique - le succès n’est jamais garanti. Quelle solution reste-t-il aux éditeurs ? Selon Kotaku, c’est l’augmentation des prix des jeux en magasin. Quelque chose qui pourrait arriver dans les “années à venir”, affirme le média.