Une émission historique à la fête de l’Humanité

Vous l’ignorez peut-être mais le week-end dernier avait lieu la Fête de l’Humanité. Cet événement est organisé chaque année depuis 1930 par le journal l’Humanité, journal créé par Jean Jaurès et qui a pendant longtemps été l'organe officiel du Parti communiste français. Pensé comme un lieu de rassemblement d’idées et de débats (avec une empreinte très marquée à gauche), l’événement s’est au fil des années élargi pour proposer également des spectacles, concerts et autres DJ sets. Si bien que beaucoup de personnes assistent aujourd’hui à ce festival populaire (60 euros pour trois jours dans le pire des cas) sans avoir pleinement conscience de sa portée politique. C’est d’ailleurs ainsi que le jeune Jean Massiet a fait ses premiers pas à la fête de l’Humanité :

Une des premières fois de ma vie que j’ai eu un contact avec la politique c’était la fête de l’Huma. J’avais 14 ans, je venais écouter un groupe de rock que j’aimais bien. La fête de l’Huma ça a été mon premier événement politique sans que je m’en rende compte.

Jean Massiet - Debrief du Backseat à l’Huma

Les choses ont bien changé aujourd’hui. Depuis, Jean Massiet a fait de la politique son credo. Il a non seulement travaillé plusieurs années en tant que collaborateur et plume d’élus, mais surtout décidé de se lancer sur Twitch en 2015 avec un but bien précis : rendre la politique plus accessible aux jeunes. Une ambition qu’il résume en ces termes sur sa bio Twitch : “Bref si la politique t'emmerde t'es au bon endroit.” Après le projet Accropolis, c’est notamment à travers l’émission hebdomadaire Backseat que Jean Massiet s’évertue à remplir la mission qu’il s’est lui-même confié. Ce véritable OVNI dans le paysage de Twitch existe depuis juin 2021 et ne cesse de gagner en popularité et en légitimité. Et ce week-end les plateaux de Backseat ont même réussi à se trouver une place de choix au sein de cette fameuse Fête de l’Huma.

Me dire que 20 ans plus tard, j’ai l’opportunité d’animer un temps à l’Agora de la Fête de l’Huma, en partenariat avec le journal l’Humanité, pour moi le symbole est personnellement très très fort.

Jean Massiet - Debrief du Backseat à l’Huma

Bien sûr, être invité à un événement politique aussi reconnu quand on vient de Twitch, c’est déjà une reconnaissance énorme, mais ce n’est pas tout. Le journal l’Humanité a en effet laissé les clés de son Agora à Jean Massiet. Historiquement, il s’agit du lieu où le journal organise des débats et autres conférences. C’est un peu la chasse gardée des organisateurs qui n’ont jamais laissé quelqu’un d’autre prendre possession des lieux. Mais cette année, on a tout aussi bien pu y retrouver les traditionnels débats gérés par les organisateurs (dont celui réunissant Fabien Roussel et Édouard Philippe) que cette émission Backseat un peu spéciale. C’est donc un événement historique, aussi bien du côté des organisateurs que de Twitch ou Backseat. L’émission a ainsi ouvert sa troisième saison avec une émission d’anthologie qui s’est hissée dans le top 2 des streams les plus vus en France le soir de sa diffusion.

Une saison 3 qui commence fort pour Backseat

“De toute façon, c’est pas compliqué, ça avait jamais été fait. Une émission sur Twitch à l’Agora de la Fête de l’Huma avec le leader de la France Insoumise dans un contexte de division de la gauche, ça avait jamais été fait” explique fièrement Jean Massiet dans son live debrief du 16 septembre, tout en reconnaissant : “On essuie les plâtres du truc.” Il faut avouer que cette émission Backseat avait, malgré elle, un ton un peu différent de d’habitude. Certains lui ont même trouvé des airs de meeting au moment de l’interview d’un Jean-Luc Mélenchon galvanisé par le public. Ajoutez à cela quelques problèmes techniques qui ont forcé les organisateurs à raccourcir certains pans de l’émission (comme la première partie sur le Syndicat des Travailleurs du Jeu Vidéo présenté par le créateur de contenu Bolchegeek et le délégué syndical Pierre-Étienne Marx) et vous obtenez une émission qui peut paraître moins cadrée que les précédentes.

- C’était bien de se faire engueuler par Méluche ?

- Ohh c’est une expérience à vivre.

Jean Massiet répondant à un viewer

Mais le contrôle sur l’émission n’a pas été perdu pour autant, il était juste positionné ailleurs. Difficile de faire un Backseat classique au beau milieu d’un festival politique avec un public marqué à gauche et un invité habitué à chauffer les salles. Avec cette émission d’ouverture, “ma volonté à moi c’était de vous présenter la Fête de l’Huma” a expliqué Jean Massiet. Il faut dire que quoi qu’on en pense, cet événement est un peu unique en son genre. Alain, bénévole sur la Fête depuis 50 ans et journaliste pour l’Humanité, a d’ailleurs expliqué que des festivals dans ce genre il n’en existait que deux au monde (le second se déroule au Brésil). C’est ce festival et ses particularités qu’a voulu présenter Jean Massiet. Un point qui lui tenait à cœur et qui fait d’ailleurs écho à l’un des changements de cette troisième saison.

À chaque émission, un créateur ou une créatrice de contenu sera invité(e) à venir parler d’une cause ou d’une association qui lui tient particulièrement à cœur. Notez que lors de la première saison, les créateurs de contenu étaient déjà les bienvenus sur Backseat, mais plutôt pour parler de leur rapport à la politique. On avait ainsi pu voir défiler sur le plateau Daniel kamui Andreyev, Ultia, ZeratoR, Ponce, Ken Bogard, Maxime Biaggi ou encore Lola de la chaîne la Développeuse Du Dimanche. Backseat va donc un peu revenir aux sources sans pour autant grignoter sur le temps des autres séquences. Pour permettre cela, l’émission débutera à 18h30 au lieu de 19h, mais toujours tous les jeudis.

Mais ce n’est pas tout ! Il y a plusieurs autres nouveautés qui vont faire leur apparition. De nouveaux jeux comme le quizz à la con et des donation goal vont venir rythmer un peu la saison. Les spectateurs pourront également envoyer des vidéos pour poser directement leurs questions aux invités. Mais le plus gros changement concerne certainement la partie financement. Les coûts ont notamment été réduits, que ce soit au niveau de la production des émissions mais aussi pour les spectateurs désireux de venir assister à Backseat. Néanmoins, les besoins sur la saison restent en grande partie les mêmes. Et pour cause, si le coût des émissions a baissé, leur nombre a augmenté. Ce ne sont pas moins de 30 émissions qui seront proposées (au lieu de 20). En résumé, le but est de proposer un programme “plus long, plus dingue et plus proche de vous, tout ça pour moins cher”. Pour plus d’informations, notamment sur le financement, vous pouvez vous référer au thread ci-dessous ou la page Kiss Kiss Bank Bank de Backseat.

S’il est important de donner, le but, à terme, est aussi que l’émission se repose plus sur les financements de partenaires. Ils ne représentaient que 22,7% des revenus sur la saison 2. Les contributions des spectateurs constituaient, elles, plus de 75% de ces derniers. “Je veux faire baisser la pression sur le public” explique Jean Massiet. Et ça semble de plus en plus possible. Certes, Le Before de Backseat a eu du mal à remplir son rôle de “moment sponsorisé pendant lesquels on aura des partenaires, des marques, des institutions, des assos…” au cours de la saison 2. Sur la chaîne Youtube de l’événement, on note en effet seulement 3 Before avec le #Sponso. Mais la situation financière semble moins tendue (malgré une situation compliquée causée par la fermeture de uTip en cours de saison) qu’au moment de clôturer la première saison . Auprès de Lenaic Leroy, Jean Massiet indiquait à cette époque qu’il était “très difficile de sponsoriser une émission qui parle de politique. Les marques et potentiels sponsors ne veulent pas être associés à du contenu qui parle de politique. C’est pas vendeur, on parle d’attentats, de crise écologique, d’inégalité, des choses pas marrantes et les marques veulent du positif, du lifestyle, du gaming, du sport.” Mais petit à petit, Backseat a peut-être développé une aura capable de surmonter ce clivage.

Des ponts possibles entre Twitch, politique et média traditionnels

Cette émission lors de la Fête de l’Huma dit beaucoup de la place qu’a aujourd’hui Backseat dans le paysage médiatique français. Qu’un journal traditionnel comme l’Humanité se tourne vers une émission sur Twitch pour prendre les rênes de l’Agora, ce n’est pas anodin. Personne n’aurait pu le prédire, comme personne n’aurait pu prédire il y a quelques années qu’une émission politique sur Twitch serait sponsorisée par Bouygues Telecom. En s’imposant peu à peu comme une émission sérieuse et travaillée, Backseat parvient petit à petit à attirer des annonceurs inhabituels pour Twitch, mais coutumiers des média traditionnels. Difficile de l’affirmer, mais on voit facilement comment ces différents ponts peuvent se répondre.

Et des ponts, Backseat et Jean Massiet en ont dressés de nombreux au fil des mois. Si le partenariat avec l’Humanité est historique, il ne s’agit pas du seul de ce genre à avoir été établi entre Backseat et une rédaction. Pour les 50 ans du journal Libération en mai dernier, une émission spéciale de Backseat en direct de La Sorbonne avait été organisée. L’occasion de faire des ponts avec les journalistes de la rédaction de Libé, mais pas que, puisque Salomé Saqué, journaliste pour Blast notamment, était aussi de la partie. Et d’ailleurs, ce n’est pas la première fois que Jean Massiet partage la scène avec une journaliste travaillant pour le site d'information créé par Denis Robert. En mars 2022, il avait en effet participé au Débat du siècle, l’émission organisée par L’Affaire du siècle et co-présentée par Paloma Moritz.

De plus, Jean Massiet a fait de nombreuses apparitions à la télévision ou la radio ces derniers mois. Certes, ce n’est pas quelque chose de nouveau pour lui puisque dès 2018, il était à l’origine (avec Hugo Travers) de l’émission Questions aux sénateurs sur Public Sénat. Mais récemment, on l’a vu sur des plateaux plus “grand public”, comme ceux de Quelle époque, C'est la vie ou C à vous. Cela peut paraître surprenant car peu sont les streamers à avoir cet honneur et il s’agit en principe des plus connus, comme ZeratoR ou Kameto. Mais parler de politique et d’actualité, ça aide sans doute et ça permet d’amorcer des liens plus naturels entre ces média bien différents qui ont encore du mal à se comprendre par moment.

Pour en revenir à Backseat, avec un peu de chance, ces ponts permettront d’aborder encore plus sereinement la saison à venir. En tout cas, elle a commencé sur les chapeaux de roues et ce n’est que le début. La cagnotte Kiss Kiss Bank Bank s’élève déjà à plus de la moitié de l’objectif à atteindre d’ici la fin de l’année. L’audience est clairement au rendez-vous et aujourd’hui Jean Massiet n’a plus besoin de répondre à des interviews pour expliquer que la politique a bel et bien sa place sur Twitch. Le créateur de contenu a même décidé de passer à l’étape supérieure avec l’organisation de son propre festival : Poll & Chill. La première “édition” va se tenir le 30 septembre prochain et vous pouvez trouver toutes les informations ici. Comme quoi, cette invitation à la Fête de l’Humanité avait vraiment tout son sens !