Une découverte maritime inattendue

Les eaux du monde regorgent de millions d'espèces différentes, avec encore de nombreuses restantes à découvrir, tant les mers et les océans sont immenses et comportent des zones toujours inexplorées. En août 2021, le Dr Thomas Turner, expert en éponges de mer et professeur à l'université de Santa Barbara, réalise une plongée dans les eaux de la Carmel Pinnacles State Marine Reserve, située au large de la côte californienne. Enveloppé par des murs de granit et les forêts d'algues, il fût intrigué par la présence de nombreuses espèces inconnues mangeant du plancton.

J'ai été extrêmement enthousiasmé dès le premier regard. Ces éponges étaient d'une nature tout à fait singulière, jamais observées auparavant. Avec plus de 35 ans de plongée à mon actif, j'ai été témoin de certaines éponges qui ont été récemment répertoriées comme de nouvelles espèces, et nous étions tout simplement dans l'ignorance. Soit nous ignorions leur existence, soit nous pensions qu'il y avait deux ou trois spécimens qui se ressemblaient beaucoup, alors qu'en réalité, ils s'avéraient être des espèces distinctes. En tant qu'écologiste, c'est absolument captivant de découvrir qu'il existe beaucoup plus de diversité que nous ne l'avions initialement imaginé.

Depuis 2019, il avait recueilli plus d'un millier d'échantillons d'éponges marines, mais cette plongée dans le sanctuaire marin national de Monterey se révéla très spéciale. Durant cette plongée, le chercheur collecta autant d'échantillons que possible. Accompagné de Steve Lonhart, le duo identifia pas moins de 29 espèces d'éponges, dont 12 étaient jusqu'alors totalement inconnues. Une avancée significative dans la compréhension de la biodiversité marine de la région, et une contribution majeure à leur étude et leur préservation.

Pour un scientifique, il est plutôt rare d'avoir l'opportunité de nommer ne serait-ce qu'une seule espèce au cours de toute sa carrière, mais Turner et ses collaborateurs ont été chargés de nommer plusieurs de ces étonnantes découvertes.

Les éponges : de nouvelles espèces de toutes les couleurs

Rien à voir avec Bob : en réalité, les éponges n'ont ni bouche, ni yeux, ni organes. Elles se nourrissent de bactéries et contribuent au cycle des nutriments dans l'eau. Elles se défendent en produisant des composés chimiques qui peuvent créer des antibiotiques pour combattre les cellules cancéreuses.

Megaciella sanctuarium

Une éponge d'un éclatant orange, désormais baptisée Megaciella sanctuarium, a été dédiée en l'honneur du sanctuaire marin national de la baie de Monterey. Une autre, de couleur pêche, a reçu le nom de Clathria (Microciona) rumsena, en hommage à la tribu Costanoan Rumsen Carmel, dont les terres ancestrales entourent les baies de Monterey. Turner a également rendu hommage à sa compagne, Melissa Kamen, en nommant l'une des éponges Haliclona Melissae.

Haliclona Melissae

Les autres nouvelles espèces ont été nommées en fonction de leurs caractéristiques particulières. Par exemple, la Xestospongia Ursa, blanche et floue, rappelait la silhouette d'un ours polaire, tandis qu'une autre, l'Hymedesmia Promina, doit son nom aux protubérances en forme de tour à sa surface.

"Les éponges californiennes sont si peu étudiées que les gens ne se rendent pas compte de tout ce qu'il y a à découvrir", nous dit Turner. Il est convaincu que de nombreuses recherches sont nécessaires pour comprendre le rôle de ces créatures inhabituelles dans l'écosystème des eaux peu profondes de Californie. Turner s'est engagé à mener une étude approfondie des éponges dans tout l'État pour en apprendre davantage sur leur potentiel biopharmaceutique et sur les avantages qu'elles procurent aux autres plantes, animaux, mais aussi à l'Homme.